CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Alain,
- Y... Roger, civilement responsable,
- la compagnie Union des assurances de Paris (UAP), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 23 avril 1993, qui, dans la procédure suivie contre Alain X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil et L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, 320 du Code pénal, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué alloue à l'épouse et aux enfants de la victime les sommes de 248 724 francs, 125 000 francs et 100 000 francs en réparation de leurs préjudices patrimoniaux respectifs ;
" aux motifs que le préjudice patrimonial n'était pas intégralement réparé par la rente d'invalidité versée à la victime au titre de l'incapacité permanente partielle ;
" alors, d'une part, que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'il s'ensuit qu'en allouant à l'épouse et aux enfants de la victime d'un délit de blessures involontaires la réparation du préjudice patrimonial qu'elles auraient subi du fait de son incapacité permanente partielle, l'arrêt attaqué méconnaît le préjudice susvisé et viole ensemble les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'en allouant ainsi à l'épouse et aux enfants de la victime d'un délit de blessures involontaires une indemnité de caractère personnel visant à compenser le préjudice patrimonial qui n'aurait pas été intégralement réparé par la rente d'invalidité versée par la sécurité sociale, l'arrêt attaqué dont les énonciations ne permettent pas à la Cour de Cassation de vérifier si les sommes allouées n'excèdent pas le préjudice réellement subi de ce chef ne donne pas de base légale à sa décision ;
" que, de surcroît, l'arrêt attaqué qui viole de ce chef l'article 593 du Code de procédure pénale n'a nullement répondu aux conclusions dans lesquelles les demandeurs avaient fait valoir (cf. conclusions d'appel, p. 9) que l'existence du préjudice patrimonial allégué par l'épouse et les enfants de la victime n'était pas démontrée dans la mesure où une rente importante d'accident du travail au taux de 100 % était versée " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le droit d'exercer l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu, en outre, que le dommage résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour chacune des parties ;
Attendu qu'appelée à se prononcer sur la réparation des conséquences dommageables des blessures subies par Louis Z... lors d'un accident dont Alain X... a été déclaré responsable, la juridiction du second degré était saisie de conclusions tendant notamment à l'indemnisation, d'une part, du préjudice économique de la victime, demeurée à la suite de l'accident dans " un état comateux chronique ", d'autre part, des préjudices économiques personnels dont faisaient état l'épouse de la victime et ses deux filles majeures poursuivant leurs études ; que le civilement responsable et son assureur ont contesté la réalité d'un quelconque préjudice économique propre aux proches de la victime non pris en compte dans l'indemnisation de celle-ci ;
Attendu, cependant, que les juges, après avoir fixé l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de Louis Z... et comprenant les frais médicaux et assimilés, ceux de matériel spécialisé et de tierce personne, ainsi que le préjudice lié aux incapacités temporaire et permanente, allouent en outre à son épouse et à chacune de ses deux filles diverses indemnités au titre de leurs préjudices patrimoniaux aux motifs, propres et adoptés, qu'il " ne peut plus, du fait de son état de santé, contribuer aux charges de sa famille " et que " la rente d'invalidité servie par la sécurité sociale n'est pas destinée à la famille de M. Z... ", mais lui est versée personnellement " à titre d'indemnisation au titre de l'incapacité permanente " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation du préjudice économique de Louis Z..., qui ne pouvait que tendre à le replacer aussi exactement que possible dans la situation où il se serait trouvé si l'acte dommageable ne s'était pas produit, devait tenir compte des ressources dont il aurait pu faire profiter ses proches encore à sa charge, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble du 23 avril 1993, mais seulement en ce qu'il a statué sur la réparation du préjudice économique de Louis Z..., d'Odile Z..., d'Estelle Z... et d'Anny-Laure Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.