Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article 67, alinéa 2, du décret-loi du 29 juillet 1939, dans sa rédaction résultant de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le bénéficiaire d'un salaire différé, qui ne serait pas désintéressé par l'exploitant lors de la donation-partage comprenant la majeure partie des biens, et alors que ceux non distribués ne seraient plus suffisants pour le couvrir de ses droits, peut, lors du partage de la succession, exiger des donataires le paiement de son salaire ;
Attendu que M. Joseph X..., en son vivant exploitant agricole, est décédé en laissant pour héritiers sa veuve et ses sept enfants et après avoir, par donation-partage, réparti la plus grande partie de ses biens entre ses enfants ; qu'après son décès, son fils Gilbert a réclamé à ses cohéritiers une somme de 128 680 francs à titre de salaire différé ; que plusieurs de ses frères et soeurs ont formé une demande identique ; que la cour d'appel a constaté que l'actif successoral ne permettait pas de régler l'intégralité de ces créances et dit qu'elles seraient payées au prorata de leur montant respectif ;
Attendu qu'à l'appui de cette décision l'arrêt attaqué retient que, si la donation-partage permet au bénéficiaire de réclamer son salaire différé avant le décès de l'exploitant, encore faut-il que cette demande soit explicitée et qu'il y soit répondu dans l'acte même de donation-partage ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 63, alinéa 2, du décret du 29 juillet 1939, dans sa rédaction résultant de la loi n° 80.502 du 4 juillet 1980 ;
Attendu que, selon ce texte, le taux annuel du salaire sera égal pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum de croissance ;
Attendu que, pour calculer le montant des salaires différés revenant à M. Gilbert X..., qui avait participé à l'exploitation pendant 3 années et 4 mois, l'arrêt attaqué retient que la loi de 1980, applicable à l'espèce, ayant précisé que ce calcul devait s'opérer à l'année et non au mois, M. X... ne pouvait faire valoir ses droits que pour une période de 3 années ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aucune disposition de cette loi n'interdit de prendre en compte, pour le calcul du montant du salaire différé, lequel doit correspondre à l'intégralité du temps passé au service de l'exploitation familiale dans la limite de 10 ans, les périodes inférieures à un an consacrée à ce service, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.