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22/02/1994 | FRANCE | N°91-18842

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 février 1994, 91-18842


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 1991), que les époux A... exploitaient un fonds de commerce de débit de boissons dans des locaux donnés à bail par la société Brasserie moderne de Carvin Epinoy (société BMCE) ; que la bail stipulait qu'en cas de cession du fonds, une grosse de l'acte devrait être remise au bailleur dans le mois de la signature et ce " à peine de nullité de la cession à l'égard du bailleur et de résiliation du bail si bon lui semble " ; que, par actes des 26 mars et 11 avril 1986, les époux

A... ont vendu leur fonds de commerce aux époux X..., sans que cette f...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 1991), que les époux A... exploitaient un fonds de commerce de débit de boissons dans des locaux donnés à bail par la société Brasserie moderne de Carvin Epinoy (société BMCE) ; que la bail stipulait qu'en cas de cession du fonds, une grosse de l'acte devrait être remise au bailleur dans le mois de la signature et ce " à peine de nullité de la cession à l'égard du bailleur et de résiliation du bail si bon lui semble " ; que, par actes des 26 mars et 11 avril 1986, les époux A... ont vendu leur fonds de commerce aux époux X..., sans que cette formalité ait été accomplie ; que la société BMCE a refusé de recevoir paiement des loyers des mains des époux X... ; que ces derniers ayant été mis en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, le liquidateur, M. Y..., soutenant que la société BMCE avait commis une faute génératrice d'un préjudice pour les époux X... en faisant obstacle à la revente du fonds aux époux Z..., l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société BMCE fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit de se prévaloir de l'inopposabilité d'un bail ne peut être en soi abusif ; que la cour d'appel, qui constate que le bail cédé par les époux X... était inopposable au bailleur, la société BMCE, pour défaut d'accomplissement des formalités prévues, tant à l'article 1690 du Code civil, que par le bail lui-même, ne pouvait décider que le refus par le bailleur d'autoriser la cession du bail, cession inopposable à ce dernier, constituait une faute de sa part ; que, ce faisant, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, la rupture de pourparlers ne peut entraîner de responsabilité que s'il y a mauvaise foi ; qu'au cas présent, la cour d'appel, qui n'a en rien caractérisé la mauvaise foi de la société Brasserie moderne lors de la rupture des pourparlers avec les consorts X..., a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel n'a caractérisé aucun lien de causalité entre le refus de cession de bail par la société BMCE et la vente à perte du fonds de commerce par les époux X... et leur dépôt de bilan ; que faute d'avoir recherché en quoi ce refus avait pu être la cause de la liquidation judiciaire des époux X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que, le 19 octobre 1987, la société BMCE a pris l'initiative d'offrir aux époux X... de les admettre comme cessionnaires du bail s'ils acceptaient de payer un loyer mensuel de 2 500 francs hors taxes et de prendre en charge les réparations mentionnées dans un rapport d'expertise, précision étant donnée que sa préoccupation majeure était une augmentation du loyer ; que les époux X... ayant répondu qu'ils préféraient céder le fonds de commerce à un tiers avec l'agrément du bailleur sur la base du loyer précité et d'une prise en charge des réparations locatives pour un montant de 9 186 francs, la société BMCE a accepté ces propositions le 24 novembre 1987, étant précisé qu'il y aurait lieu de lui régler également tous les loyers échus et qui n'auraient pas été encaissés et qu'elle ferait effectuer à ses frais les réparations que lui imputait l'expert, cette société s'inquiétant même de la date prévue pour la signature du compromis de vente du fonds entre les époux X... et leurs successeurs, les époux Z... ; que l'arrêt précise que ce compromis a été signé le 16 décembre 1987 ; qu'il retient encore qu'un acte authentique a été préparé et proposé à la signature des parties pour le 23 mars 1988 en l'étude du notaire ; qu'il ajoute que cet acte reprenait " mot pour mot " une suggestion exprimée par la société BMCE et relative au montant du loyer qui devait être réglé par les époux Z..., mais que le projet de cession n'a pas abouti après que la société BMCE eut formulé de nouvelles prétentions ; qu'en l'état de ces constatations, révélant la légèreté blâmable de la société BMCE, la cour d'appel a pu décider que cette société avait abusé de son droit de rompre les négociations qu'elle avait engagées ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la cession du fonds de commerce aux consorts Z..., qui a échoué du fait de la société BMCE, aurait eu lieu au prix de 700 000 francs, suffisant pour désintéresser les créanciers des époux X... et que ceux-ci ayant été mis en liquidation judiciaire, le fonds a été cédé pour le prix de 100 000 francs ; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-18842
Date de la décision : 22/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Convention - Formation - Pourparlers engagés en vue de sa conclusion - Légèreté blâmable - Rupture .

Une cour d'appel a pu décider qu'une société, propriétaire de locaux où était exploité un fonds de commerce, avait abusé de son droit de rompre les négociations qu'elle avait engagées avec les exploitants du fonds en vue de la vente de celui-ci à un tiers, dès lors qu'il résulte de l'ensemble de ses constatations que cette société avait agi avec une légèreté blâmable.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 27 juin 1991

A RAPPROCHER : Chambre civile 3, 1972-10-03, Bulletin 1972, III, n° 491, p. 359 (cassation) ; Chambre commerciale, 1992-03-31, Bulletin 1992, IV, n° 145, p. 102 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 fév. 1994, pourvoi n°91-18842, Bull. civ. 1994 IV N° 79 p. 61
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 79 p. 61

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Curti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Le Dauphin.
Avocat(s) : Avocats : MM. Bouthors, Vincent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.18842
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