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15/02/1994 | FRANCE | N°93-80023

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 1994, 93-80023


REJET du pourvoi formé par :
- X... Georges,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1992, qui, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, l'a condamné à 112 amendes de 500 francs chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, de l'article 15 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de

motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., pr...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Georges,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1992, qui, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, l'a condamné à 112 amendes de 500 francs chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, de l'article 15 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., président-directeur général de la société X..., coupable de dépassements de la durée maximale de conduite continue sans les interruptions réglementaires, de dépassements de la durée maximale de conduite journalière, de non-respect des règles sur le repos journalier et de dépassements de la durée maximale de conduite sur deux semaines consécutives ;
" aux motifs que les faits, par ailleurs non contestés ni par écrit, ni oralement par le prévenu et son conseil, sont établis par les procès-verbaux des services d'enquête intervenus dans la poursuite et qu'il s'agit de faits poursuivis sur la base des textes à la citation et dans le jugement comme perpétrés par le prévenu comme auteur principal pour avoir fait circuler les véhicules concernés dans les conditions visées ;
" alors qu'il résulte des termes de l'article 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958 qu'une personne chargée à un titre quelconque de la direction ou de l'administration d'une entreprise de transport ne peut voir engager sa responsabilité pénale qu'autant qu'il est constaté soit qu'elle a contrevenu par un acte personnel, soit qu'elle a, en tant que commettant, laissé contrevenir par toute personne relevant de son autorité ou de son contrôle aux règles concernant la durée du travail en ne prenant pas les dispositions de nature à en assurer le respect ; qu'ainsi l'employeur ne peut voir sa responsabilité pénale engagée qu'autant qu'il est constaté qu'il a manqué à une obligation de moyen, obligation envisagée par l'article 15 du règlement CEE n° 3820/85 comme une obligation d'organisation du travail et de vérification périodique et que l'arrêt qui ne s'est pas expliqué sur d'éventuels manquements de X... à de telles obligations, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu, dirigeant d'une entreprise de transport de voyageurs, coupable d'infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, la cour d'appel se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ; que le ministère public ayant rapporté la preuve, dont il avait la charge, de l'existence des infractions, il appartenait au chef d'entreprise d'établir, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, qu'il s'était acquitté des obligations prescrites par les articles 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958 modifiée et 15 du règlement n° 3820/85 du 20 décembre 1985 du Conseil des Communautés européennes ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 261-3 du Code du travail, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, du traité de Rome, du principe communautaire de proportionnalité, des articles 6, 7 et 8 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé 112 amendes à l'encontre du demandeur pour 40 dépassements de la durée maximale de conduite continue sans les interruptions réglementaires, 23 dépassements de la durée maximale de conduite journalière, 47 non-respects des règles sur le repos journalier et 2 dépassements de la durée maximale de conduite sur deux semaines consécutives, infractions imputables à deux salariés ;
" aux motifs que la poursuite fondée sur l'ordonnance n° 58-1310 du 28 décembre 1958, les articles 6, 7 et 8 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 et l'article 3, alinéa 1er, du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986, ne reposent pas sur les articles du Code du travail dont l'article R. 261-3, alinéas 1 et 2, dudit Code prévoit qu'ils donneront lieu à autant d'amendes que de salariés ; qu'il s'agit en l'espèce du régime contraventionnel de droit commun correspondant à une amende par fait volontaire distinct et prononcée à l'encontre de l'auteur de chaque contravention ;
" alors, d'une part, qu'en condamnant un entrepreneur de transports routiers à autant de peines d'amendes que d'infractions constatées à la durée du temps de conduite et de repos de ses chauffeurs, quel que soit le nombre de salariés concernés, la cour d'appel a méconnu le principe de proportionnalité, principe fondamental du droit communautaire qui s'incorpore par l'effet de la ratification du traité de Rome par la France à l'ordre juridique interne ;
" alors, d'autre part, que les décisions de la Cour de Cassation n'étant pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, ladite Cour de Cassation serait tenue de saisir d'une question préjudicielle la Cour de justice instituée par le traité de Rome dès lors qu'elle estimerait que le point de savoir si le principe du cumul des peines contraventionnelles, tel qu'envisagé par le droit pénal français, s'appliquait aux infractions visées par le règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 est compatible avec le principe communautaire de proportionnalité, pose un problème d'interprétation du Traité " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, le régime des sanctions nationales applicables aux infractions à la réglementation communautaire relative aux conditions de travail dans les transports routiers n'est pas incompatible avec le principe de proportionnalité institué par le Traité instituant la Communauté économique européenne ; que, d'une part, ces sanctions correspondent à celles applicables aux infractions aux règles nationales de même nature et de même importance, notamment celles relatives à la durée du travail et à la circulation routière ; que, d'autre part, elles constituent une mesure dissuasive, de nature à inciter l'employeur à contrôler régulièrement le respect des dispositions réglementaires par ses préposés ;
Qu'ainsi, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de la question préjudicielle invoquée à la seconde branche du moyen ;
Que celui-ci ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-80023
Date de la décision : 15/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics et privés - Réglementation - Conditions de travail - Chef d'entreprise - Responsabilité pénale.

TRANSPORTS - Transports routiers publics et privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Exonération - Conditions.

1° L'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 modifiée du 23 décembre 1958 et l'article 15 du règlement n° 3820/85 du 20 décembre 1985 du Conseil des Communautés européennes imposent à l'exploitant d'une entreprise de transports de faire respecter par ses préposés la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers. Dès lors que le ministère public a rapporté la preuve, dont il a la charge, de l'existence des infractions à ladite réglementation, il appartient au chef d'entreprise d'établir, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, qu'il s'est acquitté des obligations prescrites par les textes précités(1).

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Compétence - Traité de Rome - Interprétation - Cas - Limites.

2° Le régime des sanctions nationales applicables aux infractions à la réglementation communautaire relative aux conditions de travail dans les transports routiers n'est pas incompatible avec le principe de proportionnalité institué par le traité instituant la Communauté économique européenne, dès lors que, d'une part, ces sanctions sont analogues à celles applicables aux infractions aux règles nationales de nature et d'importance similaires, et que, d'autre part, elles présentent un caractère effectif, proportionné et dissuasif.


Références :

Ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 art. 3 bis
Règlement CEE 3820/85 du 20 décembre 1985 art. 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy (chambre correctionnelle), 15 décembre 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1992-01-28, Bulletin criminel 1992, n° 36, p. 88 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 1994, pourvoi n°93-80023, Bull. crim. criminel 1994 N° 69 p. 145
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 69 p. 145

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.80023
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