CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (Sdrm),
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, du 16 septembre 1992, qui, dans la procédure suivie contre Pascal X..., Christian Y... et autres, notamment des chefs de contrefaçons, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant renvoyé les inculpés devant le tribunal correctionnel.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2. 2° et 5° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 186, 388, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la SDRM de l'ordonnance rendue par le juge d'instruction le 11 mai 1992 ;
" aux motifs que, force est de constater que l'appel de la partie civile est irrecevable comme portant sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui laisse intact ses droits devant la juridiction de jugement notamment la qualification d'escroqueries, étant observé que le non-lieu partiel à suivre est intervenu à l'égard des seuls Z... et A..., non visés dans l'acte d'appel ; qu'en effet, il appartiendra au tribunal correctionnel, qui n'est pas lié par les qualifications retenues par le juge d'instruction, au vu des débats, de caractériser les faits ou d'ordonner avant dire droit tout supplément d'information qui s'avérerait nécessaire ;
" alors qu'aux termes de l'article 186, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, la partie civile peut interjeter appel des ordonnances qui font grief à ses intérêts civils ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance rendue par le juge d'instruction le 11 mai 1986, que celui-ci a notamment renvoyé Pascal X..., Christian Y..., Gilles Z... et Claude A... pour " avoir reproduit à titre onéreux des phonogrammes sans l'autorisation exigée des artistes interprètes et des producteurs ", Micheline B... et Ascension C... " pour s'être rendues complices des faits de reproduction illicite de phonogrammes reprochés à Pascal X..., Christian Y..., Gilles Z... et Claude A... " et Jacques D..., Richard E..., Alain F..., Gérard G..., Bernard H..., Jean-Jacques I... pour " avoir sciemment recelé tout ou partie des choses obtenues à l'aide du délit de reproduction illicite des phonogrammes " reproché à Pascal X..., Christian Y..., Gilles Z... et Claude A... ; que le juge d'instruction a en revanche omis de statuer sur les faits d'édition et de reproduction d'oeuvres musicales en violation des droits de l'auteur, faits visés par les réquisitions du Parquet et constituant des chefs d'inculpation différents de ceux visés par l'ordonnance de renvoi ; que, faute pour l'ordonnance de renvoi de viser lesdits faits et de statuer sur les chefs d'inculpation s'y rapportant, le tribunal correctionnel ne s'en trouvera pas saisi et ne pourra pas statuer à leur égard sans méconnaître l'étendue de sa saisine ; qu'en retenant le contraire, et en jugeant en conséquence que l'ordonnance de renvoi ne portait pas atteinte aux intérêts civils de la SDRM, la Cour a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu d'une part qu'aux termes de l'article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la partie civile peut interjeter appel des ordonnances qui font grief à ses intérêts civils ;
Que, d'autre part, selon l'article 593 du Code de procédure pénale, les arrêts des chambres d'accusation sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis de statuer sur les réquisitions du ministère public ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a, par ordonnance du 11 mai 1992, dit n'y avoir lieu de suivre contre les inculpés Z... et A... du chef d'escroquerie et renvoyé devant le tribunal correctionnel les inculpés X..., Y..., Z..., A... sous la prévention de contrefaçon, telle que prévue et réprimée par l'article 426-1 du Code pénal en sa rédaction alors en vigueur, Micheline B..., Ascension C..., pour complicité de ce délit, D..., E..., F..., G..., H..., I... pour recel de chose obtenue par ce même délit, X..., I..., Ascension C..., Marie-Christine J..., Micheline B..., H..., K..., L..., sous la prévention d'escroquerie, certains des susnommés encore, pour infraction à la législation des sociétés et d'autres pour délit de fausse facturation ; que toutefois, ladite ordonnance a omis de statuer sur les délits de contrefaçon prévus et réprimés par les articles 425 et 426 du Code pénal dans leur rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 1992, pourtant expressément visés par le réquisitoire introductif ;
Attendu que la SDRM, partie civile intervenante sur cette poursuite, ayant interjeté appel de l'ordonnance du 11 mai 1992, la chambre d'accusation a déclaré irrecevable cet appel, comme visant une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement ;
Mais attendu cependant que selon l'acte d'appel, celui-ci ne portait pas sur les dispositions de l'ordonnance renvoyant divers inculpés en jugement mais " sur le non-lieu implicite rendu sur le fondement de l'article 425 du Code pénal ", c'est-à-dire sur l'omission par le juge d'instruction de statuer sur certains chefs des réquisitions du ministère public sur lesquels il était tenu d'informer ; qu'en ne se prononçant pas sur les infractions aux dispositions des articles 425 et 426 anciens du Code pénal, ainsi poursuivies, distinctes en leurs éléments constitutifs, notamment par la qualité des victimes dont ces textes assurent la protection, de ceux du délit prévu par l'ancien article 426-1 du même Code, l'ordonnance entreprise faisait grief aux intérêts de la partie civile habilitée à représenter les victimes concernées par les deux premiers de ces textes et dès lors recevable, en application de l'article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, à en interjeter appel de ce chef et dans ces limites ;
Attendu qu'en déclarant cet appel irrecevable alors qu'il lui appartenait d'annuler la décision entreprise en ce qu'elle avait omis de statuer sur certains des faits dont le juge d'instruction avait été saisi, puis, conformément aux dispositions de l'article 206 du Code de procédure pénale soit d'évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202 et 204 du même Code, soit de renvoyer le dossier de la procédure au même juge d'instruction ou à tel autre, afin de poursuivre l'information sur les faits omis par l'ordonnance de règlement, la chambre d'accusation a méconnu les textes et principes ci-dessus visés ;
Qu'il s'ensuit que son arrêt encourt la censure ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 16 septembre 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens.