CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'ingénieur, chef du service régional de la forêt et du bois de la région Alsace, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, du 12 mars 1992, qui a relaxé Jean-Claude X... du chef de contravention aux clauses et conditions du cahier des charges relatives à la chasse et a condamné Roger Y..., pour chasse en contravention des prescriptions d'un plan de chasse du grand gibier, à une amende de 1 000 francs, a prononcé le retrait de son permis de chasser pendant un an et ordonné la confiscation du trophée.
LA COUR,
Vu le mémoire de la partie poursuivante et le mémoire ampliatif produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au cours d'une chasse organisée le 6 janvier 1990 en forêt communale de Kruth (Haut-Rhin), un grand cerf " coiffé " a été abattu, sur le lot de chasse dont Jean-Claude X... était adjudicataire, par Roger Y..., qui l'a marqué d'un bracelet " CD " ;
Qu'à la suite de ces faits, des poursuites ont été engagées contre Roger Y... pour chasse en contravention des prescriptions d'un plan de chasse du grand gibier et contre Jean-Claude X... pour contravention aux clauses et conditions du cahier des charges relatives à la chasse, infractions prévues et réprimées par les articles R. 228-15 et R. 228-2 du Code rural ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation proposé au mémoire de la partie poursuivante et pris de la violation des articles R. 228-15 du Code rural, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
Attendu que pour déclarer Roger Y... coupable d'avoir chassé un grand gibier en contravention des prescriptions du plan de chasse, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu a, " en sa qualité de cofermier du lot de chasse et de bénéficiaire du plan y afférent ", tiré un cerf qu'il aurait dû marquer avec un bracelet " C " dont il n'avait pas été doté pour la saison 89/90 et qu'il a muni " d'un bracelet inadéquat " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, abstraction faite d'un motif erroné mais inopérant concernant la qualité de bénéficiaire du plan de chasse attribuée au prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation proposé à ce même mémoire et pris de la violation des articles R. 225-3, R. 225-12 et R. 228-2 du Code rural, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé au mémoire ampliatif et pris de la violation des articles R. 225-3, R. 225-12, R. 228-2, R. 228-15 et R. 228-16 du Code rural :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé X... des fins de la poursuite pour contravention aux prescriptions d'un plan de chasse ;
" aux motifs qu'il n'était pas établi qu'il eût participé à la chasse organisée par Y..., cofermier, que ni le cahier des charges des chasses communales du Haut-Rhin, ni les lois et règlements en vigueur en matière de chasse ne prévoient de responsabilité solidaire entre adjudicataire et cofermier des infractions aux plans de chasse, que d'ailleurs l'article R. 228-15 du Code rural vise les auteurs eux-mêmes, soit ceux qui auront chassé en contravention des prescriptions du plan de chasse ;
" alors, d'une part, que l'article R. 228-2 du Code rural qui énonce qu'est puni d'amende le fermier de la chasse qui aura contrevenu aux clauses et conditions de leurs cahiers des charges relatives à la chasse, s'applique même si l'adjudicataire n'est pas l'auteur du coup de feu, s'il n'a pas participé à la chasse et s'il n'est pas établi qu'il ait personnellement aidé, encouragé ou toléré l'infraction ;
" alors, d'autre part, que l'article R. 228-16 qui punit ceux qui ayant l'obligation de marquer les grands gibiers tués en application du plan de chasse, n'auront pas procédé à ce marquage, s'applique au bénéficiaire de ce plan sous la responsabilité duquel, selon l'article R. 225-12, se fait le marquage, même s'il n'a pas participé à la chasse " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article R. 228-2 du Code rural qu'en cas de contravention aux clauses et conditions du cahier des charges relatives à la chasse, commise soit dans les bois soumis au régime forestier, soit sur les propriétés dont la chasse est louée au profit de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, le fermier de la chasse est pénalement responsable ;
Attendu que pour relaxer Jean-Claude X..., poursuivi en application de l'article R. 228-2 précité, les juges du second degré énoncent " que X... ne se trouvait pas sur le lot de chasse où le cerf a été tiré " et " qu'il n'est pas établi qu'il ait participé à la chasse organisée par Y..., coprévenu " ; qu'ils ajoutent que " ni le cahier des charges communales du Haut-Rhin, ni les lois et règlements en vigueur en matière de chasse ne prévoient de responsabilité solidaire, entre adjudicataire et cofermiers, des infractions aux prescriptions du plan de chasse " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, selon l'article 24 du cahier des charges des chasses communales du département du Haut-Rhin applicable à la date des faits, " la chasse devra être pratiquée conformément aux lois et règlements en vigueur, aux plans de chasse et au présent cahier des charges " et que, d'autre part, aux termes de l'article R. 225-12 du Code rural, le marquage de tout animal abattu est effectué " à la diligence et sous la responsabilité du bénéficiaire du plan de chasse individuel ", la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article R. 228-2 précité ;
Que la cassation, dès lors, est encourue ;
Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles L. 228-14 et L. 228-15 du Code rural, 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir et manque de base légale ;
Attendu que si les articles L. 228-14 et L. 228-15 du Code rural prévoient, dans les conditions qu'ils précisent, la confiscation des armes, gilets, engins, instruments de chasse ou moyens de transport utilisés par les délinquants, aucune disposition légale n'autorise les juridictions répressives à prononcer la confiscation du gibier tué en infraction à la loi ; que les textes en matière pénale sont d'interprétation stricte ;
Attendu qu'après avoir condamné Roger Y... pour avoir abattu un cerf en infraction au plan de chasse du grand gibier, la juridiction du second degré a ordonné la confiscation du trophée saisi au profit de la fédération départementale des chasseurs du Haut-Rhin ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et du principe susénoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef également ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 12 mars 1992, mais seulement en ses dispositions concernant l'action publique dirigée contre Jean-Claude X..., et en ce qu'il a ordonné la confiscation du trophée saisi au profit de la fédération départementale des chasseurs du Haut-Rhin, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.