REJET du pourvoi formé par :
- X... Paul, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 18 décembre 1992, qui, sur intérêts civils du chef d'émission de chèques sans provision, l'a débouté de sa demande.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1315 et suivants, 1965 et 1382 du Code civil, 2, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé un jugement ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Paul X... et l'a débouté de sa demande de condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le cercle Haussmann, association constituée sous le régime de 1901, régulièrement autorisée, en application de l'article 47 de la loi du 30 juin 1923, de l'article 1er du décret du 5 mai 1947, par les motifs que l'article 40 de l'instruction ministérielle du 15 juillet 1947, sur la réglementation des jeux dans les cercles n'autorise ces derniers à escompter des chèques émis par leurs membres qu'à la stricte condition que les fonds soient remis au tireur sous forme de billets de banque et de numéraire, à l'exclusion de jetons et de toutes autres valeurs représentatives ; que Jean-Pierre Y... a toujours déclaré que les chèques litigieux avaient été remis en échange de jetons et que Paul X... n'excluait pas cette hypothèse ; qu'en tout état de cause, ce dernier n'apportait pas la preuve que ce sont bien les fonds sous forme de billets de banque ou de numéraire qui ont été remis à Jean-Pierre Y... ; que si celui-ci a bien signé une demande d'adhésion au cercle Haussmann, il résulte de l'article 6 des statuts de cette association que l'admission est décidée par le conseil d'administration, décision qui n'est pas versée aux débats, de sorte qu'il ne serait pas établi que Jean-Pierre Y... aurait été membre de l'association du cercle Haussmann ; qu'ainsi, l'escompte des chèques litigieux n'apparaît pas licite et que, dès lors, en application de l'article 1965 du Code civil, l'association cercle Haussmann ne dispose d'aucune action en paiement à l'encontre de Jean-Pierre Y... ;
" alors, d'une part, qu'il appartient à celui qui se réclame de l'exception de jeux de l'article 1965 du Code civil d'établir le caractère illicite de la cause de l'obligation ; qu'en prenant motif de ce que le directeur du cercle Haussmann n'apporte pas la preuve que ce sont bien des fonds sous forme de billets de banque ou de numéraire qui avaient été remis à Jean-Pierre Y..., conformément à l'article 40 de l'instruction ministérielle du 15 juillet 1947, et non des jetons, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve incombant à Y... et violé les articles 1315 et suivants, et 1965 du Code civil ;
" alors, d'autre part, que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartenant à celui qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction, la cour d'appel, qui était saisie par le cercle Haussmann de la demande de dommages-intérêts et qui l'a rejetée en se fondant uniquement sur les dispositions de l'article 1965 du Code civil, n'a pu, sans se contredire et s'en être mieux expliquée, écarter toute réparation, tout en tenant pour constante l'infraction " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Pierre Y... a émis à l'ordre de Paul X..., directeur du cercle de jeux " Haussmann ", autorisé par arrêté du ministre de l'Intérieur, quatre chèques bancaires de 50 000 francs chacun, en date des 30 septembre, 2 octobre et 3 octobre 1989, qui ont été acceptés par X... pour alimenter le jeu ; que ces chèques s'étant avérés sans provision, Jean-Pierre Y... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, lequel, par jugement du 4 février 1992, a constaté l'extinction de l'action publique conformément aux dispositions de la loi du 30 décembre 1991 et a débouté la partie civile de sa demande ;
Attendu que, saisie des seuls intérêts civils, la cour d'appel, pour confirmer sur le fondement de l'article 1965 du Code civil l'irrecevabilité de l'action en paiement de la somme de 200 000 francs demandée " à titre de dommages-intérêts représentant le montant des chèques dont s'agit ", énonce, d'une part, que si le décret du 5 mai 1947 pris pour l'application de l'article 47 de la loi du 30 juin 1923, ainsi que les instructions administratives auxquelles ce texte renvoie sur la réglementation des jeux dans les cercles, autorisent ceux-ci à escompter les chèques émis par leurs membres, c'est à la stricte condition posée par l'article 40 de l'instruction ministérielle du 15 juillet 1947 que les fonds soient remis au tireur " sous forme de billets de banque ou de numéraire, à l'exclusion de jetons ou de toutes autres valeurs représentatives " ; qu'en l'espèce, la partie civile ne conteste pas que les chèques litigieux aient été remis en échange de jetons comme l'a toujours affirmé Jean-Pierre Y... ; que, d'autre part, il n'est pas établi que Jean-Pierre Y... ait été membre de l'association du cercle Haussmann ; que la juridiction du second degré en déduit que l'acceptation des chèques n'était pas licite et que, dès lors, Paul X... ne dispose, en application de l'article 1965 du Code civil, d'aucune action en paiement à l'encontre de Y... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, tirées d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause soumis au débat contradictoire, et dès lors que la partie civile, sous couvert d'une demande de dommages-intérêts, exerçait l'action en remboursement des chèques sans provision, la cour d'appel, qui, sans inverser la charge de la preuve, a constaté que les conditions de licéité de l'escompte des chèques au regard de la réglementation des jeux n'étaient pas réunies, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.