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04/11/1993 | FRANCE | N°92-83485

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 1993, 92-83485


REJET du pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 22 mai 1992, qui, dans l'information suivie contre Y... du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l'ordonnance déclarant l'action publique éteinte par amnistie.
LA COUR,
Vu l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liber

tés fondamentales :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a constaté...

REJET du pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 22 mai 1992, qui, dans l'information suivie contre Y... du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l'ordonnance déclarant l'action publique éteinte par amnistie.
LA COUR,
Vu l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie, dans l'information suivie sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par X... du chef de diffamation publique envers un particulier ;
" aux motifs qu'il ressort des dispositions de l'article 2 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 que les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sont amnistiés lorsqu'ils ont été commis avant le 22 mai 1988 ; que la seule date à considérer pour l'application de ladite loi, qui a pour effet de dépouiller rétroactivement certains faits de leur caractère délictueux, est celle de la commission des infractions, peu important à cet égard la date à laquelle la partie poursuivante a été en mesure d'agir ;
" alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
" que la Cour ne pouvait déclarer amnistiés des faits de diffamation, sans rappeler ni les propos tenus, ni la date à laquelle ils avaient été proférés, interdisant ainsi à la Cour suprême d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la loi d'amnistie " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 2 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie et de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie, dans l'information suivie sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par X... du chef de diffamation publique envers un particulier ;
" aux motifs qu'il ressort des dispositions de l'article 2 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 que les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sont amnistiés lorsqu'ils ont été commis avant le 22 mai 1988 ; que la seule date à considérer pour l'application de ladite loi, qui a pour effet de dépouiller rétroactivement certains faits de leur caractère délictueux, est celle de la commission des infractions, peu important à cet égard la date à laquelle la partie poursuivante a été en mesure d'agir ;
" alors que sont amnistiés les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lorsqu'ils ont été commis avant le 22 mai 1988 ;
" que les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ne peuvent constituer le délit de diffamation que pour autant qu'ils aient été déclarés étrangers à la cause et réservés par les tribunaux ;
" d'où il résulte que le délit de diffamation n'est définitivement constitué qu'à la date de la décision de justice qui consacre leur caractère étranger ;
" qu'ainsi, la Cour qui rappelle que la réserve a été prononcée par un arrêt du 19 décembre 1990, ne pouvait considérer que le délit avait été commis avant le 22 mai 1988 " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile déposée par X... contre Y... du chef de falsification de certificat, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, le 21 novembre 1980 ; que, devant la chambre d'accusation saisie de l'appel de cette ordonnance, la partie civile, faisant valoir qu'en cours d'instruction, elle avait été diffamée par Y..., a demandé que lui soit réservée l'action prévue par l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 ; que, par arrêt du 19 décembre 1990, devenu définitif, la chambre d'accusation a déclaré que " les faits diffamatoires étaient étrangers à la cause " et a fait droit à la demande de la partie civile ;
Attendu que, le 15 mars 1991, X... a porté plainte avec constitution de partie civile contre Y... du chef de diffamation publique envers un particulier, à raison des propos pour lesquels il s'était fait réserver son action ; que, par ordonnance du 13 novembre 1991, le juge d'instruction, observant que les faits dénoncés étaient antérieurs au 22 mai 1988 et entraient ainsi dans les prévisions de l'article 2 de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, a déclaré l'action publique éteinte ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, la chambre d'accusation expose tout d'abord que " les propos diffamatoires visés par la partie civile et pour lesquels son action a été réservée résultent de déclarations effectuées antérieurement au 22 mai 1988 " ; qu'ensuite, pour écarter l'argumentation de l'appelant, reprise aujourd'hui par le deuxième moyen, elle énonce que " la seule date à considérer pour l'application de la loi d'amnistie est celle de la commission des infractions, peu important la date à laquelle la partie poursuivante a été en mesure d'agir " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, les juges ont justifié leur décision dès lors qu'il n'est pas contesté que les propos diffamatoires ont été proférés avant le 22 mai 1988 et qu'ainsi ils entrent dans les prévisions de la loi d'amnistie ; que le seul effet de la réserve obtenue par la partie civile a été de lever l'obstacle qui, jusque là, s'opposait à toute poursuite en diffamation ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 24 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie, ensemble de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué qui constate l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie, condamne la partie civile aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
" alors que l'amnistie, qui ne préjudicie pas aux droits des tiers, est applicable aux frais de poursuite et d'instance avancés par l'Etat ;
" qu'ainsi, la Cour, qui déboute la partie civile, ne pouvait la condamner au paiement des dépens " ;
Attendu qu'en condamnant la partie civile aux dépens après avoir rejeté son appel d'une ordonnance déclarant l'action publique éteinte, la chambre d'accusation n'a fait qu'appliquer les dispositions des deuxième et troisième alinéas, alors en vigueur, de l'article 216 du Code de procédure pénale, selon lesquelles, si son arrêt éteint l'action dont elle a eu à connaître, elle " liquide les dépens et condamne aux frais la partie qui succombe " ; qu'à cet égard, il n'importe que l'action publique ait été éteinte par amnistie ; que l'alinéa 3 de l'article 24 de la loi du 20 juillet 1988, visé par le moyen et aux termes duquel " l'amnistie est applicable aux frais de poursuite et d'instance avancés par l'Etat ", ne concerne que la partie qui bénéficie de l'amnistie ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-83485
Date de la décision : 04/11/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Immunités - Discours ou écrits devant les tribunaux - Exceptions à l'immunité - Action réservée par le Tribunal lorsque les faits diffamatoires concernent une partie - Portée.

Lorsque, à la suite de propos diffamatoires proférés devant une juridiction mais étrangers à la cause, la partie diffamée a obtenu que lui soit réservée l'action prévue par l'alinéa 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, le seul effet de cette réserve est de lever l'obstacle qui, jusque là, s'opposait à toute poursuite en diffamation.


Références :

Loi du 28 juillet 1881 art. 41 al. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 22 mai 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 1993, pourvoi n°92-83485, Bull. crim. criminel 1993 N° 326 p. 817
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 326 p. 817

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Milleville.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.83485
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