CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... René,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, du 2 juillet 1992, qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de fausses attestations et usage.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre criminelle du 29 juin 1988 portant désignation de juridiction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 26 et 28 de la Constitution du 4 octobre 1958 et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que les poursuites ont été engagées contre X... sur la base d'une plainte avec constitution de partie civile déposée le 18 octobre 1988, d'un réquisitoire aux fins d'informer fondé exclusivement sur la plainte en date du 17 mai 1989 et d'un arrêt de la chambre d'accusation du 23 mai 1989, également fondé sur le seul visa de la plainte, disant y avoir lieu à informer et désignant son président pour instruire ;
" alors que l'arrêt attaqué constatant que X... " est député de la Moselle depuis 1981 ", et les trois dates sus-énoncées étant situées pendant le cours des sessions ordinaires du Parlement, les poursuites ont été illégalement engagées au regard des dispositions de l'article 26 de la Constitution susvisée " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958 aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'assemblée dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit ;
Attendu que Dominique Y... a, le 16 mai 1988, déposé entre les mains du juge d'instruction de Thionville une plainte avec constitution de partie civile du chef de faux et usage de faux en écritures publiques ; que cette plainte, quoique portée contre personne non dénommée, mettant en cause René X..., député de la Moselle, en sa qualité de maire, la chambre criminelle de la Cour de Cassation, sur la requête du procureur de la République, a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy comme pouvant être chargée de l'instruction de l'affaire, en application des articles 679 et suivants du Code de procédure pénale, alors applicables ;
Attendu que Dominique Y..., le 18 octobre 1988, a réitéré sa plainte avec constitution de partie civile devant la chambre d'accusation ainsi désignée, laquelle, par arrêt du 23 novembre 1988, a fixé le montant de la somme devant être consignée avant le 31 décembre ; que, par un nouvel arrêt du 23 mai 1989, la chambre d'accusation, sur réquisitions du procureur général aux fins d'ouverture d'une information, a constaté que la consignation avait été effectuée dans le délai imparti et désigné son président pour instruire sur les faits dénoncés dans la plainte ;
Attendu qu'après avoir été inculpé le 29 mars 1990 de faux et usage de faux en écritures publiques, René X... est, par l'arrêt attaqué, renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de fausses attestations et usage ;
Mais attendu que le Parlement était en session lors de la mise en mouvement de l'action publique intervenue le 18 octobre 1988 ; que dès lors, en s'abstenant de relever, fût-ce d'office, qu'un tel acte initial de poursuite, fait sans l'autorisation du Parlement est frappé d'une nullité d'ordre public, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1992 ;
Et attendu que l'action publique n'ayant pas été régulièrement mise en mouvement avant l'abrogation par la loi du 4 janvier 1993 des articles 679 et suivants du Code de procédure pénale, l'arrêt portant désignation n'a pas saisi la juridiction désignée qui n'est plus compétente en vertu de l'article 225, alinéa 2, de cette loi ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.