Joint les pourvois n° 91-17.334 et n° 91-17.381, qui attaquent le même arrêt ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 avril 1991), que, dans les jours précédant la mise en redressement judiciaire de la société Etablissements Manaut (la société Manaut) la Société bordelaise de crédit industriel et commercial (la banque) a rejeté plusieurs chèques émis par elle, au motif de l'insuffisance de provisions au compte ; que les bénéficiaires des chèques ont soutenu que le montant du découvert consenti par la banque à la société Manaut était supérieur à 2 000 000 de francs, et, en conséquence, suffisant pour assurer les provisions ; que la banque a invoqué la limitation à 750 000 francs du découvert contractuellement convenu, expliquant ses dépassements intermittents par des décalages entre l'inscription des décaissements, immédiatement portée au compte, et celle, différée, des encaissements en raison de l'incidence des " jours de valeurs " ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, qui a constaté qu'elle devait honorer les chèques jusqu'au découvert de 750 000 francs, d'où il résultait que l'ouverture du crédit consenti par la banque se limitait à cette somme, ne pouvait considérer qu'elle avait commis une faute en refusant de couvrir, au-delà de cette somme, les chèques émis par la société Manaut, et qu'elle avait ainsi unilatéralement dénoncé le découvert qu'elle avait consenti ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la portée juridique de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, pour décider que la banque avait commis une faute en dénonçant unilatéralement le découvert qu'elle avait consenti au-delà de la somme de 750 000 francs, la cour d'appel s'est bornée à constater que le compte de la société Manaut avait présenté un découvert supérieur à cette somme de façon régulière, pour des périodes allant de plusieurs jours à plusieurs semaines, et que cette situation avait été acceptée par la banque ; qu'en statuant de la sorte, sans caractériser en quoi les découverts ponctuels autorisés par la banque se distinguaient d'une simple tolérance, révocable à tout moment, et sans constater l'existence d'une ouverture de crédit, fût-elle tacite, pour une somme supérieure à 750 000 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir analysé les variations du solde du compte courant et recherché quels montants de débits y étaient fréquemment relevés, à l'exclusion de toute tolérance exceptionnelle, pour des durées plus longues que celles de simples avances sur encaissements en cours, l'arrêt constate que des financements pour des montants supérieurs à ceux nécessaires au paiement des chèques litigieux ont été continûment accordés par la banque à sa cliente ; qu'ayant ainsi, à bon droit, caractérisé l'existence du découvert durable et régulier pour lequel la banque s'était tacitement engagée par sa pratique habituelle, ainsi que son mode de calcul, et souverainement déterminé son montant, la cour d'appel, en estimant fautif le refus opposé par la banque de payer le montant des chèques, a tiré les conséquences légales de ses appréciations et constatations ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.