Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu qu'est inexcusable la faute d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Caen, 14 novembre 1991) que M. Y..., qui, de nuit, traversait à pied une route, a été heurté et mortellement blessé par l'automobile de Mlle X... ; que sa femme et ses enfants (les consorts Y...) ont demandé à Mlle X... et à son assureur la compagnie Préservatrice foncière assurances, réparation de leur préjudice ;
Attendu que, pour débouter les consorts Y... de leur demande en retenant une faute inexcusable de la victime, l'arrêt énonce que M. Y..., handicapé d'une jambe et dont la vision était déficiente, traversait la chaussée en biais, de nuit, sans éclairage, et présentait un taux d'alcoolémie élevé ; que l'arrêt retient qu'il s'agissait d'un comportement chronique dangereux pour lui et pour les autres, puisque M. Y... avait l'habitude de randonnées nocturnes, qu'il avait été averti par son entourage des risques encourus et qu'il a délibérément continué de circuler dans des conditions périlleuses dont il pouvait mesurer le danger ;
Qu'en l'état de ces énonciations, d'où ne résulte pas l'existence d'une faute inexcusable à la charge de la victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.