Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 mai 1991), que les consorts X..., qui avaient vendu, en 1982, un terrain à la société civile immobilière Campo di Fiori, moyennant un prix converti en dation d'un certain nombre d'appartements, à livrer dans un certain délai, ont assigné l'acquéreur, le 29 octobre 1985, en résolution de la vente pour défaut de paiement ; qu'à la même date, ils ont cédé à la SCI César Matignon leur créance sur la SCI Campo di Fiori ; que celle-ci a notifié à la société cessionnaire sa volonté d'exercer le retrait litigieux dans les conditions de l'article 1699 du Code civil ;
Attendu que la SCI César Matignon fait grief à l'arrêt de constater la régularité de ce retrait et de déclarer, en conséquence, la résolution sans objet, alors, selon le moyen, 1°) que le retrait litigieux n'est valablement exercé que si, antérieurement à la cession elle-même, le droit cédé avait donné lieu à engagement d'un procès et à manifestation de volonté du débiteur de résister à la demande ; qu'à défaut, le droit n'est pas litigieux au sens de l'article 1699 du Code civil ; que cette double condition, impérativement voulue par le législateur dans un souci de défiance envers le retrait et les incertitudes de la notion de droit litigieux, ne permet pas aux juges de poser des dérogations tirées des dates de l'assignation et de la cession ; qu'il n'en irait autrement que par la démonstration d'un concert frauduleux ourdi entre les cédants et le cessionnaire avec intention de priver le cédé du recours au retrait ; qu'en l'espèce, une telle preuve ne peut résulter seulement de l'appartenance de Joseph X... à l'indivision X... et à la société César Matignon dont il n'est qu'un associé non gérant ; que l'arrêt, qui a validé le retrait exercé par la société Campo di Fiori, pour le motif qu'elle n'avait pas eu le temps matériel de répondre à l'assignation faite le jour même de la cession, a violé, par refus d'application, l'article 1699 du Code civil ; 2°) que même si les juges étaient fondés à méconnaître la nécessaire antériorité de la contestation du cédé par rapport à la cession, il resterait que ladite contestation, qui doit affecter le fond du droit, objet de l'assignation, conditionne la validité du retrait ; que si les juges n'ont pas à examiner les mérites de cette contestation, il leur appartient, néanmoins, lorsqu'ils s'en trouvent saisis, d'en écarter l'existence lorsqu'elle ne comporte, manifestement, aucune réfutation réelle et sérieuse de la demande ; qu'en énonçant le contraire, les juges, en même temps qu'ils ont méconnu leurs pouvoirs en sens de l'article 12, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, ont violé, par fausse interprétation, l'article 1700 du Code civil ; 3°) qu'une créance n'est pas litigieuse pour la seule raison que le débiteur s'abstient de l'exécuter ; que dans une vente contre dation en paiement de vingt-quatre appartements, le droit du vendeur d'agir en résolution pour inexécution n'est pas sérieusement contestable si, près d'un an après le terme prévu pour la livraison des douze premiers, aucune des constructions destinées à les contenir n'a même pas fait l'objet d'une quelconque ouverture de chantier, sans que l'acheteur ait jamais allégué un motif explicatif de ses abstentions ; qu'à supposer que les créances de Jean-Etienne et Dominique X... aient été novées par la convention d'un paiement de numéraire, à la place d'un apport en appartements, accord qui laissait d'ailleurs subsister les sûretés et ne fut honoré que pour un seul bénéficiaire, l'obligation initiale de la société Campo di Fiori de livrer les appartements promis, inchangée pour les autres indivisaires, n'est, de plus, jamais devenue pour autant litigieuse à l'égard de quiconque ; qu'en raison d'une contestation sur le fond du droit, l'arrêt a derechef faussement appliqué et, par suite, violé l'article 1700 du Code civil ; 4°) que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'aucun texte n'oblige le créancier d'une obligation demeurée inexécutée, malgré de longs et vains
pourparlers, de faire précéder d'une sommation du débiteur l'assignation de celui-ci en justice ; qu'en faisant grief de cette attitude au cédant, de surcroît tiers au retrait dont il était saisi, l'arrêt a violé l'article 12, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ; 5°) que la simultanéité de date entre l'assignation en résolution pour inexécution, faite par les consorts X... à la société Campo di Fiori, et la cession de leurs droits à la société César Matignon, ne dispensait aucunement les juges de rechercher si le retrait avait ou non porté sur une chose litigieuse à raison d'une contestation sur le fond du droit, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que, du fait, non seulement de la présence d'une même personne au sein de l'indivision cédante et de la société cessionnaire, mais aussi de la spéculation, sur les droits détenus par les consorts X..., au détriment de la société Campo di Fiori, réalisée par les " acteurs " de la cession des droits des consorts X..., ces acteurs étant en même temps les membres d'un groupe commercial, concurrent des auteurs d'un projet de création d'un centre commercial sur le terrain vendu à la SCI Campo di Fiori, cette cession, qui n'avait pas laissé au cédé le temps matériel pour répondre à l'assignation, et qui a été caractérisée par la " fraude grave " du cédant et du cessionnaire, paralysant le fonctionnement normal du retrait, la cour d'appel qui, relevant que l'un des consorts X... avait été, selon les prétentions de la SCI Campo di Fiori, entièrement désintéressé et que la nature de la créance d'un autre de ces consorts avait été modifiée, en a exactement déduit que la résolution de la vente était contestée, a, sans modifier l'objet du litige, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.