Attendu que, selon délibération du 10 octobre 1974, le conseil municipal de Partinello (Corse) a décidé de classer dans la voirie communale un chemin affecté à la circulation publique et assurant la desserte de l'église ; que, sur ce chemin, et sur une parcelle de 16 mètres carrés, les consorts X... avaient édifié un muret ; que la commune de Partinello les a assignés devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio en délaissement de cette parcelle ; que, par arrêt du 20 mars 1984, partiellement infirmatif, la cour d'appel de Bastia a estimé que les consorts X... avaient acquis la parcelle litigieuse par prescription trentenaire, et a débouté en conséquence la commune de sa demande en délaissement ; que, selon arrêt du 29 avril 1986, la Cour de Cassation a cassé cette décision ; que, statuant en qualité de juridiction de renvoi, la cour d'appel de Montpellier a sursis à statuer jusqu'à ce que soit tranchée la question de savoir si la délibération du 10 octobre 1974 était légale ou illégale ; que l'arrêt infirmatif attaqué a estimé qu'en utilisant la procédure " expéditive " de classement, dans la voirie communale, du chemin incluant la parcelle litigieuse de 16 mètres carrés, au lieu de faire établir son droit de propriété sur cette parcelle par les voies de droit adéquates, la commune avait commis une voie de fait rendant nulle et non avenue la délibération du conseil municipal de Partinello, en date du 10 octobre 1974 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la commune de Partinello fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la délibération du 10 octobre 1974 comme constitutive d'une voie de fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'elle avait fait valoir dans ses conclusions que la voie litigieuse avait été et était toujours affectée à la circulation publique et qu'elle faisait ainsi partie du domaine public de la commune avant même son classement dans la voirie communale, de telle sorte que la délibération du 10 octobre 1974 ne pouvait être considérée comme inexistante ou comme constitutive d'une voie de fait ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, l'arrêt attaqué n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le chemin litigieux ne faisait pas partie du domaine public de la commune avant son classement dans la voirie communale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu qu'ayant estimé à bon droit " qu'elle n'avait pas dans la présente procédure à se prononcer sur la propriété de la parcelle querellée ", mais à déterminer seulement si l'on se trouvait en présence d'une voie de fait, la cour d'appel n'avait donc pas à répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes, et encore moins à rechercher si le chemin litigieux appartenait avant 1974 au domaine privé ou au domaine public de la commune de Partinello, une telle question relevant de l'appréciation exclusive des tribunaux de l'ordre administratif ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux premières branches ;
Mais sur la troisième branche du même moyen :
Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que la voie de fait se définit comme un acte manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir conféré à l'Administration par la loi et exercé en conformité de celle-ci, et portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique fondamentale ;
Attendu que, pour déclarer nulle et non avenue la délibération du conseil municipal du 10 octobre 1974 en ce qu'elle avait classé dans la voirie communale le chemin rural incluant la parcelle litigieuse de 16 mètres carrés, l'arrêt attaqué énonce qu'en optant pour cette procédure, en l'occurrence " expéditive ", en présence d'une contestation sérieuse et au mépris du droit de propriété invoqué par les consorts X..., portant ainsi une atteinte grave à ce droit, la commune avait commis une voie de fait ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la délibération litigieuse avait été prise dans l'exercice des pouvoirs du conseil municipal de classer les chemins ruraux dans la voirie communale, de telle sorte que cette délibération n'était pas manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir de l'Administration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.