CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la Société des assurances du crédit, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 1991, qui, dans la procédure suivie contre Roger X... pour détournement d'objet donné en gage, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation du décret du 30 septembre 1953, des articles 400, alinéa 5, du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Les Assurances du crédit ;
" aux motifs que le libellé de l'article 400, alinéa 5, du Code pénal, prévoit une incrimination strictement applicable au donneur du gage, ici, un débiteur, qui détourne le gage et qu'il en résulte qu'est incriminé le détournement d'objet gagé effectué par le donneur de gage au préjudice de celui au profit de qui le prévenu a constitué le gage ; que des pièces précitées, il résulte que le gage a été constitué par le prévenu au profit de DICO créancier-gagiste, défini comme tel par le contrat et les documents d'inscription et conservation du gage et selon les modalités et effets spécifiés à l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 ; que si le régime du gage est civilement réglé et si, du fait qu'elle a payé DICO, son assurée, la société Crédit Namur a pu bénéficier d'une subrogation dans les droits, sûretés et privilèges de DICO, cela n'entraîne au profit de l'assureur, par cette subrogation à laquelle le prévenu donneur du gage reste étranger, que l'exercice civil, au sens extra-pénal, de ses droits devant le juge civil ; que cela n'entraîne pas, au-delà, la possibilité pour l'assureur d'exercer devant le juge pénal l'action accessoire à l'action publique ; que décider autrement conduirait, dans un cas non prévu par les lois pénales ou de procédure pénale, à admettre la constitution de partie civile de l'assureur de la victime à la place de cette dernière alors que l'assureur n'est pas directement victime de l'infraction, mais a payé en vertu de ses obligations contractuelles seules envers son assuré-victime-gagiste ; que même si le prévenu a correspondu avec l'assureur, a été sommé par cet assureur, voire lui a réglé des sommes relatives à ce litige, cela peut concerner, le cas échéant, le litige civil échappant au juge répressif sans transformer cet assureur en victime directe de l'infraction pénale, cette définition résultant ou dérivée de la loi n'étant ni à la disposition du prévenu ni à celle des victimes ;
" alors, d'une part, que l'article 2 du Code de procédure pénale ouvre à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction la voie de l'action civile ; que l'effet translatif de la subrogation investit le subrogé de l'ensemble des droits et garanties dont le subrogeant pouvait se prévaloir à l'égard de son débiteur ; qu'il s'ensuit que l'assureur se trouve être personnellement et directement victime de la dissipation du gage qu'il tient de l'effet translatif de la subrogation lorsque l'infraction prévue et réprimée à l'alinéa 5 de l'article 400 du Code pénal se trouve matérialisée, comme au cas particulier, postérieurement à cette subrogation ; que, dès lors, la Cour ne pouvait pas, sans violer les dispositions de cet article, déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la société Les Assurances du crédit ;
" alors, d'autre part, que le juge pénal a l'obligation de trancher la question du contrat de gage conformément aux règles du droit civil ou du droit commercial ; qu'en refusant de se prononcer sur cette question, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile, en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui en ont personnellement et directement souffert ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 3 mai 1986, Roger X... a emprunté à la société Diffusion industrielle et commerciale (DICO) une somme de 61 000 francs destinée à financer l'achat d'un véhicule automobile qu'il a constitué en gage au créancier ; que le 29 juin 1987, la société DICO a subrogé dans ses droits et actions, privilèges et garanties la société Les Assurances du crédit qui l'indemnisait du montant de sa créance en raison de la défaillance du débiteur ; que le 18 août 1989, cette dernière a fait dresser procès-verbal de non-restitution du véhicule ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la société Les Assurances du crédit à l'encontre de Roger X..., déclaré coupable de détournement d'objet donné en gage, la cour d'appel énonce que cet assureur n'est pas directement victime de l'infraction dès lors qu'il a payé en vertu de ses obligations contractuelles " son assuré-victime-gagiste " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le la victime du détournement d'objet gagé est le créancier titulaire dudit gage, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, en date du 28 mai 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.