CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- la société Air Tahiti, partie civile,
contre l'ordonnance du président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Papeete, en date du 31 juillet 1992, qui, dans l'information suivie contre Eric X... et Alain Y... des chefs d'homicides et blessures involontaires, a prononcé la non-admission de son appel d'une ordonnance du juge d'instruction déclarant sa constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 13 octobre 1992, rendue en vertu de l'article 567-1 du Code de procédure pénale et prescrivant l'examen du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 87, alinéas 1 et 3, 186, alinéas 2 et 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'ordonnance attaquée a prononcé la non-admission de l'appel interjeté le 23 juin 1992 par le conseil de la société Air Tahiti à l'encontre d'une ordonnance d'irrecevabilité de sa constitution de partie civile dans la procédure suivie contre Eric X..., rendue par le juge d'instruction le 18 juin 1992 ;
" aux motifs qu'il résulte de la combinaison des articles 87 et 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale que celui qui se constitue partie civile en se joignant à l'action publique n'a pas la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance d'irrecevabilité du juge d'instruction rejetant sa constitution pour défaut de préjudice en rapport direct avec l'infraction poursuivie ; qu'en l'absence d'intérêt, il appartient au président de la chambre d'accusation de prononcer d'office la non-admission de l'appel en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 186 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'une part, que selon l'article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la partie civile peut interjeter appel des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils, ce qui inclut toute ordonnance de nature à nuire au succès de l'action civile, et donc, notamment, l'ordonnance rejetant comme irrecevable une constitution de partie civile formée par voie d'intervention devant le juge d'instruction ; que, dès lors, le président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Papeete a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la demanderesse faisait valoir dans un chef péremptoire de son mémoire d'appel que, pour déclarer son intervention irrecevable, l'ordonnance entreprise avait quelque peu préjugé au fond la valeur d'un droit à réparation, alors qu'au stade de l'instruction la recevabilité de l'action civile n'est subordonnée qu'à la possibilité d'un préjudice découlant directement des faits poursuivis ; qu'en laissant sans réponse ce moyen soulignant le caractère erroné du critère adopté par le juge d'instruction pour déterminer l'intérêt à agir d'une partie civile intervenante, le président de la chambre d'accusation a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la partie civile peut interjeter appel des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils ; que tel est le cas d'une ordonnance déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée et des pièces de la procédure qu'à la suite d'un accident d'aviation ayant occasionné des dommages corporels ainsi que la destruction de l'appareil, une information a été ouverte au tribunal de première instance de Papeete des chefs d'homicides et blessures involontaires ; que la société Air Tahiti, propriétaire de l'avion, s'est constituée partie civile par voie d'intervention, que le juge d'instruction a déclaré cette constitution irrecevable ;
Attendu que la partie civile ayant relevé appel de cette décision, le président de la chambre d'accusation, se fondant sur les dispositions de l'article 186, alinéa 6, du Code de procédure pénale, a, par l'ordonnance attaquée, décidé la non-admission de l'appel ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que l'ordonnance entreprise entrait dans les prévisions de l'article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, le président de la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que la censure est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Papeete, en date du 31 juillet 1992 ;
Et attendu que la chambre d'accusation est saisie de l'appel ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT qu'il n'y a lieu à renvoi.