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17/02/1993 | FRANCE | N°92-81477

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 février 1993, 92-81477


IRRECEVABILITE et REJET du pourvoi formé par :
- La SARL Trifollette, partie civile,
- la compagnie d'assurances La Lilloise, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 5 février 1992, qui, dans la procédure suivie contre Lucien X... et Rodolphe Y..., pour homicide et blessures involontaires et pour fraude commerciale, a déclaré la société Trifollette irrecevable en sa constitution de partie civile et n'a pas fait entièrement droit aux demandes de la compagnie d'assurances La Lilloise.
LA COUR,
Vu les mémoires pr

oduits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqu...

IRRECEVABILITE et REJET du pourvoi formé par :
- La SARL Trifollette, partie civile,
- la compagnie d'assurances La Lilloise, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 5 février 1992, qui, dans la procédure suivie contre Lucien X... et Rodolphe Y..., pour homicide et blessures involontaires et pour fraude commerciale, a déclaré la société Trifollette irrecevable en sa constitution de partie civile et n'a pas fait entièrement droit aux demandes de la compagnie d'assurances La Lilloise.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Frédéric Z..., associé de la SARL Trifollette, qui exploitait un restaurant d'altitude à Val d'Isère, pilotait une chenillette acquise d'occasion de la société Rolba par cette entreprise et transportant son épouse et deux employées ; que la chenillette, après s'être arrêtée, étant repartie en marche arrière dans le sens de la pente, est venue heurter le pylône d'une installation de télécabines, provoquant la chute de deux cabines ; que Frédéric Z... a été mortellement blessé, tandis qu'Elisabeth A..., serveuse de la société Trifollette, et deux occupants des cabines ont subi des blessures ;
Attendu que, par jugement devenu définitif à cet égard, Rodolphe Y... et Lucien X..., respectivement directeur des ventes et chef d'atelier de la société Rolba, ont été déclarés coupables d'homicide et blessures involontaires et de tromperie sur les qualités substantielles de la chenillette ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, saisie des seuls intérêts civils, les a déclarés entièrement responsables des conséquences dommageables de l'accident ;
En cet état :
I-Sur la recevabilité du pourvoi de la compagnie La Lilloise :
Attendu qu'il résulte de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, dont les dispositions sont d'ordre public, que seuls les assureurs du prévenu, de la personne civilement responsable et de la partie lésée sont admis à intervenir ou peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la compagnie La Lilloise tendant au remboursement des indemnités qu'en sa qualité d'assureur de la chenillette appartenant à la société Trifollette, elle a été amenée à verser à Elizabeth A..., la juridiction du second degré retient que celle-ci, blessée alors qu'elle était transportée entre sa résidence et son lieu de travail dans le véhicule de son employeur, ne disposait d'aucune action en réparation contre celui-ci et que, dès lors, ledit assureur était privé de toute action subrogatoire ;
Attendu qu'en statuant ainsi sur la prétention de la compagnie La Lilloise, alors qu'il lui appartenait de déclarer d'office irrecevable son intervention en qualité d'assureur de responsabilité de la société Trifollette dont l'associé, conducteur de la chenillette, n'était pas poursuivi pour blessures involontaires sur la personne d'Elizabeth A..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que, l'intervention de la compagnie La Lilloise étant irrecevable, il en est de même de son pourvoi ;
II-Sur le pourvoi de la société Trifollette :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2 et 3, 418, 485 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, 319 du Code pénal, 1 et 2 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes, ensemble contradiction et défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société La Trifollette irrecevable à sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que le préjudice allégué par cette société résulterait selon celle-ci de la désorganisation et du manque à gagner causé par le décès de Frédéric Z..., seul cuisinier professionnel de cette société familiale et qu'un tel préjudice, à le supposer établi, ne découlerait pas directement des infractions ; qu'il faut également relever que la société La Trifollette a fait assigner la société Rolba devant la juridiction civile en résolution de la vente de la chenillette et que, par conclusions signifiées le 27 décembre 1989, elle a demandé à la venderesse la réparation de son entier préjudice sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1641 du Code civil (cf. arrêt attaqué p. 9, 3e attendu) ;
" alors que, d'une part, il résulte de la combinaison des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que l'action civile est recevable pour tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, nés directement de l'infraction ou des faits, objet de la poursuite ; que, par suite, lorsque lesdits faits sont constitutifs de deux infractions qui se trouvent en concours, l'action civile tendant à obtenir la réparation du préjudice trouvant sa source dans l'une ou l'autre de ces infractions, est nécessairement recevable devant la juridiction pénale comme découlant directement des faits, objet de la poursuite ; que, dès lors qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a reconnu les prévenus, préposés de la société Rolba, distributeur exclusif pour la France d'engins de damage, coupables tant d'homicide involontaire sur la personne de Frédéric Z... que de tromperie sur les qualités substantielles de la chenillette vendue par eux à la société La Trifollette à peine 1 mois avant l'accident causé par l'inaptitude à l'emploi de cette chenillette et dans lequel M. Z... a trouvé la mort, et les a déclarés entièrement responsables des conséquences dommageables de cet accident, le préjudice commercial subi par la société La Trifollette du fait du décès de son gérant et principal animateur dans l'accident prend directement sa source dans les faits retenus par la prévention ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors que, d'autre part et en tout état de cause, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué comme des pièces de la procédure que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chenillette dont les prévenus ont été reconnus coupables a consisté notamment dans la dissimulation de sa totale inaptitude à l'emploi auquel elle était destinée et a eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l'homme au sens de l'article 2 de la loi du 1er août 1905, puisqu'il a été la cause du décès de M. Z... et des blessures de trois autres personnes ; que, par suite, le préjudice commercial subi par La Trifollette, victime directe de la fraude ainsi commise à son encontre, du fait du décès de son gérant dans l'accident causé par cette totale inaptitude à l'emploi de l'engin qui lui a été vendu, est une conséquence directe de l'infraction de fraude ; qu'en statuant en sens contraire, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale ;
" alors qu'enfin, en relevant également, pour justifier son affirmation de l'irrecevabilité de l'action civile de La Trifollette, qu'elle avait déjà demandé à la société Rolba devant le juge civil la réparation de son entier préjudice dans le cadre de son action en résolution de la vente de la chenillette litigieuse, ce qui impliquait nécessairement qu'elle n'avait plus, en tout état de cause, d'intérêt à agir devant la juridiction pénale, sans rechercher si les conclusions sur lesquelles elle fondait son affirmation représentaient bien le dernier état des conclusions de La Trifollette devant la juridiction civile et si celle-ci avait fait droit à cette demande, la cour d'appel a, ici encore, privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable en sa constitution de partie civile, la société Trifollette, les juges d'appel retiennent que le préjudice allégué par celle-ci résulterait, selon elle " de la désorganisation et du manque à gagner causé par le décès de Frédéric Z..., seul cuisinier professionnel de cette société familiale, que cependant un tel préjudice, à le supposer établi, ne découlerait pas directement des infractions " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés, relatifs à l'objet de l'action en résolution de la vente de la chenillette, engagée par ladite société devant la juridiction civile, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Sur le pourvoi en tant qu'il est formé par la compagnie d'assurances La Lilloise :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi en tant qu'il est formé par la société Trifollette :
Le REJETTE.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-81477
Date de la décision : 17/02/1993
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Définition - Société - Homicide involontaire et fraude commerciale - Décès du gérant - Préjudice économique (non).

1° Justifie sa décision au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable en sa constitution de partie civile une société, retient que le préjudice économique allégué par celle-ci, et lié selon elle au décès de son gérant, ne découlerait pas directement -à le supposer établi- des délits d'homicide involontaire et de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule reprochés au prévenu.

2° CASSATION - Pourvoi - Pourvoi de la partie intervenante - Assureur - Assureur d'un tiers - conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident - Intervention irrecevable - Irrecevabilité du pourvoi.

2° ASSURANCE - Assureur appelé en garantie - Juridictions pénales - Intervention ou mise en cause - Recevabilité - Assureur d'un tiers - conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident (non).

2° Il résulte de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, dont les dispositions sont d'ordre public, que seuls les assureurs du prévenu, de la personne civilement responsable et de la partie lésée sont admis à intervenir ou peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires. Dès lors, l'intervention de l'assureur d'un tiers, conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident, étant irrecevable, son pourvoi l'est également.(1).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 2, 3
Code de procédure pénale 388-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre correctionnelle), 05 février 1992

CONFER : (2°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1991-12-12, Bulletin criminel 1991, n° 473, p. 1214 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 fév. 1993, pourvoi n°92-81477, Bull. crim. criminel 1993 N° 77 p. 182
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 77 p. 182

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Blin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Delvolvé, la SCP Célice et Blancpain.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.81477
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