La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/1993 | FRANCE | N°91-86622

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 1993, 91-86622


REJET du pourvoi formé par :
- X... Monique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 18 avril 1991, qui l'a déclarée coupable de vol, a prononcé l'ajournement de la peine et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de vol de divers objets

d'art au préjudice de Y... qui en était le légitime propriétaire ;
" aux motifs qu'el...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Monique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 18 avril 1991, qui l'a déclarée coupable de vol, a prononcé l'ajournement de la peine et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de vol de divers objets d'art au préjudice de Y... qui en était le légitime propriétaire ;
" aux motifs qu'elle en avait refusé la restitution et ne démontrait pas que la possession lui en avait été remise ;
" alors, d'une part, que, lorsque les objets sont à la disposition de celui qui s'en prétend propriétaire et qui omet ou refuse d'en prendre livraison, la personne chez qui ils sont entreposés ne commet aucune soustraction frauduleuse ; qu'en l'espèce, la prévenue avait fait valoir qu'elle avait toujours tenu à la disposition de M. Y... les objets dont il se prétendait propriétaire et qu'après leur séparation, celui-ci était revenu à plusieurs reprises dans l'ancien domicile commun où il avait pénétré avec ses propres clefs, notamment le 16 novembre 1983 vers 18 heures 30 en compagnie d'un huissier de justice qui a constaté que M. Y... avait ouvert l'appartement avec ses propres clefs ; qu'en la déclarant coupable de vol sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions qui était de nature à exclure l'existence de toute soustraction ou rétention frauduleuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, qu'il n'existe à la charge des concubins aucune obligation légale ou contractuelle de restitution d'objets dont la détention ne leur a pas été remise ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de la prévenue pour les seuls motifs susrapportés, sans constater que M. Y... avait remis à la prévenue la détention des objets, ni caractériser concrètement comment la détention avait été remise, la cour d'appel a prononcé une condamnation illégale ;
" alors, enfin, que Mme X... ne pouvait être déclarée coupable du vol d'un " mannequin funéraire ", dont elle a toujours reconnu qu'il était la propriété de M. Y..., qu'elle a toujours tenu à sa disposition, et qu'elle n'avait aucune obligation de porter à son domicile, M. Y... s'étant abstenu de venir le récupérer " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 12 et 232 du nouveau Code de procédure civile, 1315 et 2279 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable du vol de divers objets d'art au préjudice de M. Y... ;
" aux motifs qu'il ressort du rapport des experts dont les conclusions seront entérinées que les objets d'art appartenant à M. Y... étaient ceux dont la liste suivait ;
" alors, d'une part, que seul le juge, à l'exclusion des experts, a compétence pour trancher les questions de droit, la mission d'expertise ne pouvant porter que sur des questions de fait ; qu'en donnant pour mission aux experts, dans son arrêt avant dire droit du 8 décembre 1988, mission de déterminer qui était propriétaire des objets dont M. Y... revendiquait la remise, cependant que la question de la propriété de ces objets relevait de sa compétence exclusive, et en entérinant le rapport d'expertise qui s'était prononcé sur la propriété desdits objets, la cour d'appel a méconnu sa compétence ;
" alors, d'autre part, que la prévenue avait contesté la propriété de M. Y... sur la fougère des Nouvelles-Hébrides, le bouclier des Nouvelles-Hébrides, le Korivari de Nouvelle-Guinée, la chaise Senoufo, la sculpture indienne, le tableau de Midgette, la sculpture de Chirico, les sculptures de Graham, les catalogues de Venturi et de Van Marle, des cahiers d'art ; que, dès lors, la Cour ne pouvait, sans s'expliquer de façon précise sur les documents établissant la propriété de M. Y... était le légitime propriétaire de ces objets ;
" alors, enfin, qu'en matière de meubles, la possession vaut titre ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la prévenue avait la possession des objets dont elle contestait la propriété à M. Y..., lequel n'avait établi ses droits par aucun titre ; qu'il s'ensuit qu'en affirmant simplement contre les éléments de fait du dossier que la prévenue ne démontrait pas que la possession lui avait été remise cependant qu'il appartenait à M. Y... de rapporter la preuve de la propriété des objets qu'il réclamait, la cour d'appel qui a renversé la charge de la preuve n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable du vol de divers objets d'art au préjudice de M. Y... ;
" alors que le vol suppose, chez son auteur, la volonté de s'approprier une chose qu'il sait appartenir à autrui ; qu'en l'espèce, la prévenue avait fait valoir que la propriété des objets revendiqués appartenait à des tiers ou était indivise entre M. Y... et elle-même ; que cette croyance, aurait-elle été erronée, était de nature à établir l'absence d'intention frauduleuse, élément indispensable pour déclarer le vol constitué au préjudice de M. Y..., de sorte que, faute de s'être expliquée sur l'élément intentionnel de l'infraction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable du vol d'une oeuvre de Salvador Dali intitulée " Le Bateau " au préjudice de M. Y... qui en était le légitime propriétaire ;
" aux motifs que, selon les experts, cet objet appartenait en propre à M. Y... et que la prévenue qui n'en avait pas reçu la possession se refusait à le restituer ; que le tableau avait disparu ;
" alors, d'une part, que ce tableau ayant disparu, la déclaration de culpabilité ne pouvait reposer que sur la constatation que la prévenue était l'auteur de cette disparition ; qu'en l'état des motifs de l'arrêt attaqué, qui n'imputent pas cette disparition à la prévenue, la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée ;
" alors, d'autre part, que les experts s'étaient bornés à écrire que ce tableau était la propriété présumée de M. Y... sans s'expliquer sur les éléments d'où était tirée la présomption ; qu'en déclarant que les experts avaient affirmé que le tableau appartenait en propre à M. Y..., la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et privé la déclaration de culpabilité de base légale ;
" alors, enfin que, dans ses conclusions demeurées sans réponse, la prévenue avait fait valoir qu'un document manuscrit établi par M. Y... fait apparaître que le tableau de Dali de 1932 est la propriété commune de lui-même et de Mme X... ; qu'en affirmant que ce tableau était la propriété présumée du seul M. Y..., sans répondre à ce moyen des conclusions et cependant que M. Y... avait reconnu que ce document était écrit de sa main, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable du vol d'une sculpture de Dubuffet au préjudice de M. Y... qui en était le légitime propriétaire ;
" aux motifs que, selon les experts, cet objet appartenait en propre à M. Y... et que la prévenue qui n'en avait pas reçu la possession se refusait à le restituer ;
" alors, d'une part, qu'il n'était pas contesté que cette sculpture avait disparu lors d'un cambriolage dont la prévenue avait été victime ; qu'en déclarant, sans autre explication, la prévenue coupable du vol de cette sculpture, la cour d'appel n'a donné aucune base légale à la déclaration de culpabilité ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que, dans ses conclusions d'appel délaissées par la Cour, la prévenue avait fait valoir que cet objet était la propriété indivise des anciens concubins ; que, faute de s'être expliquée sur la propriété de l'objet, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Monique X... et Benjamin Y..., antiquaires, ont vécu ensemble pendant 8 ans dans un appartement loué par eux et meublé de sculptures, tableaux et objets d'art ; qu'après leur séparation en octobre 1983, Monique X... demeurée dans l'appartement a, malgré les réclamations de son ex-ami, notamment par sommation d'huissier du 24 avril 1984, refusé de restituer les oeuvres d'art dont Benjamin Y... se déclarait propriétaire pour les avoir apportées pendant la vie commune et dont elle se déclarait elle-même propriétaire indivis ou dépossédée par un cambriolage ;
Attendu que, par arrêt avant dire droit, la cour d'appel a constaté que Monique X... n'avait, sur les biens litigieux, qu'une détention provisoire et a désigné trois experts pour préciser les éléments de nature à écarter ou à caractériser l'appropriation frauduleuse par elle de ces oeuvres d'art ;
Attendu que, pour déclarer Monique X... coupable de vol, les juges du fond relèvent, après expertise, que les oeuvres d'art qu'ils énumérent et qui sont ou ont été détenues par la prévenue, parmi celles qui ont été revendiquées par Benjamin Y..., sont la propriété légitime de ce dernier ; qu'ils précisent en particulier que le tableau disparu du peintre Salvador Dali intitulé " le Bateau ", estimé 1 200 000 francs et dont Monique X... a proposé la vente à la fin de l'année 1984, selon une attestation de Serge Z..., fait également partie des oeuvres d'art appartenant à Benjamin Y... ainsi qu'une sculpture disparue de Joseph Dubuffet alors que la présence de celle-ci dans l'appartement avait été constatée par huissier le 16 novembre 1983 et qu'elle n'a pas été restituée malgré la sommation faite le 24 avril 1984 avant le cambriolage qui aurait eu lieu le 23 décembre 1984 seulement ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de vol mis à la charge de la prévenue ;
Qu'en effet, la détention matérielle d'une chose mobilière, non assortie de la remise de possession, n'est pas exclusive de l'appréhension frauduleuse, élément constitutif du vol ;
Que dès lors les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-86622
Date de la décision : 08/02/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

VOL - Eléments constitutifs - Elément légal - Soustraction frauduleuse - Définition - Objet remis provisoirement à la disposition d'une personne.

La détention matérielle, non assortie d'une remise de possession, n'est pas exclusive de l'appréhension frauduleuse, élément constitutif du vol. Ainsi, une cour d'appel déclare à bon droit coupable du délit de vol la prévenue qui, après une période de vie commune et une séparation, refuse de restituer à son ex-ami, les oeuvres d'art appartenant à ce dernier et dont elle a conservé la détention dans l'appartement qu'ils occupaient.(1).


Références :

Code pénal 379

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 avril 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1977-11-30, Bulletin criminel 1977, n° 381, p. 1013 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-12-17, Bulletin criminel 1980, n° 351, p. 899 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1986-04-29, Bulletin criminel 1986, n° 148, p. 383 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1988-05-25, Bulletin criminel 1988, n° 223, p. 583 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 1993, pourvoi n°91-86622, Bull. crim. criminel 1993 N° 65 p. 155
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 65 p. 155

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Hecquard.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Henry.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.86622
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award