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26/01/1993 | FRANCE | N°89-85389

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 janvier 1993, 89-85389


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Syndicat des travailleurs des commerces et services du Val-de-Marne CFDT, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 9 juin 1989, qui l'a débouté de ses demandes dans la procédure suivie contre Stanislas X..., Michel Y..., Maurice Z... et Patrick A... pour infractions au Code du travail, et a mis hors de cause la société Pomona.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le Syndicat des travailleurs des commerc

es et services du Val-de-Marne a fait citer devant le tribunal correctionn...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Syndicat des travailleurs des commerces et services du Val-de-Marne CFDT, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 9 juin 1989, qui l'a débouté de ses demandes dans la procédure suivie contre Stanislas X..., Michel Y..., Maurice Z... et Patrick A... pour infractions au Code du travail, et a mis hors de cause la société Pomona.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le Syndicat des travailleurs des commerces et services du Val-de-Marne a fait citer devant le tribunal correctionnel Stanislas X..., président du directoire de la société Pomona, Michel Y..., directeur de l'établissement de Rungis de cette société, Maurice Z... et Patrick A..., cadres supérieurs de cet établissement, pour plusieurs faits d'atteinte à l'exercice des fonctions des délégués du personnel, d'entrave à l'exercice du droit syndical et d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise ; que Stanislas X... a été relaxé en raison de la délégation de ses pouvoirs dans l'établissement de Rungis à Michel Y... ; que ce dernier et les autres prévenus ont été également relaxés par les premiers juges qui ont considéré que les faits poursuivis n'étaient pas susceptibles de sanctions pénales ;
Que, saisie des seuls intérêts civils sur l'appel du syndicat poursuivant, la juridiction du second degré a mis hors de cause Stanislas X... faute de participation aux faits et, en ce qui concerne les autres dirigeants de l'entreprise, a déclaré non réunis les éléments constitutifs des infractions reprochées ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 422-1, L. 424-5, L. 482-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non établie l'entrave poursuivie à l'exercice des fonctions de délégués du personnel constituée par l'absence de réponse donnée par la direction de la société aux réclamations présentées par les délégués du personnel et d'avoir déclaré irrecevable en sa constitution de partie civile le syndicat demandeur ;
" aux motifs que le critère permettant de distinguer entre réclamations et revendications est celui de la finalité poursuivie ; que s'il s'agit d'obtenir l'application stricte d'un droit déjà acquis ou d'un texte existant ou d'une simple tolérance déjà admise, il y a réclamation ; que s'il y a recherche d'avantages nouveaux, supérieurs donc à ceux déjà acquis (amélioration de statut et autres), il y a revendication ; qu'il est certain que les revendications relèvent de la compétence des organisations syndicales et les réclamations de la double compétence de celles-ci et des délégués du personnel ; que le chef d'établissement peut se dispenser de répondre à des revendications dès lors qu'elles ne sont pas présentées par les organisations syndicales habilitées ; qu'en l'espèce, les demandes des délégués du personnel visées étaient contenues dans une note remise le 27 janvier 1986 et portaient sur une augmentation des salaires pour tout le personnel et des congés supplémentaires, une réévaluation d'un certain nombre d'avantages et de primes, une réduction de la durée du travail ; que la direction avait répondu à bon droit qu'il s'agissait là de revendications qui n'étaient pas du ressort des délégués du personnel ;
" alors que les délégués du personnel ont pour mission de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles et collectives relatives aux salaires, sans autre précision ; qu'en limitant l'objet de ces réclamations aux seuls avantages acquis, à l'exclusion d'avantages nouveaux, les juges du fond ont ajouté au texte une restriction qu'il ne comporte pas " ;
Attendu qu'en énonçant que les prévenus, saisis par les délégués du personnel de demandes tendant à augmenter les salaires pour tout le personnel et les congés supplémentaires, à réévaluer diverses primes et à réduire la durée du travail, avaient répondu à bon droit que ces revendications étaient du ressort exclusif de la négociation collective, donc des syndicats, et que la prévention d'atteinte à l'exercice des fonctions des délégués du personnel n'était pas établie, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, a justifié sa décision ;
Qu'en effet, s'il est vrai que l'article L. 422-1 du Code du travail, dans le domaine des salaires, ne limite pas la mission des délégués du personnel aux seules réclamations ayant pour but l'application des règles de droit, l'employeur, selon l'article L. 132-27 dudit Code, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives au sens de l'article L. 132-2, est tenu d'engager chaque année avec ces organisations une négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail ; qu'il est donc fondé, en présence de revendications des délégués du personnel portant, comme en l'espèce, sur l'augmentation de la rémunération et la réduction de la durée du travail, à répondre qu'elles relèvent de la négociation collective avec lesdites organisations ; qu'une telle réponse, ainsi motivée, satisfait aux exigences de l'article L. 424-5 du Code du travail ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 122-32-5 et L. 482-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non établie l'entrave poursuivie aux fonctions de délégués du personnel constituée par la non-consultation de ces délégués avant le licenciement d'un salarié accidenté du travail et, à cet égard, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat demandeur ;
" aux motifs qu'il est constant que B..., salarié de l'entreprise, a subi un grave accident du travail en décembre 1983 ; qu'il n'est pas contesté que, avant de lui adresser le 11 juillet 1986 une lettre de licenciement, l'employeur n'a respecté à son égard aucune des formalités préalables au licenciement prévues par l'article L. 122-32-5 du Code du travail ; qu'il est donc établi, au vu de cet article, que si le licenciement était alors intervenu, l'employeur se serait trouvé en infraction avec les dispositions de cet article, notamment pour ne pas avoir demandé préalablement leur avis aux délégués du personnel ; que le délit serait donc constitué, mais que, B... ayant notifié le 12 juillet 1986 à son employeur un nouvel arrêt de travail pour une période de 40 jours à effet du 11 juillet 1986, la société Pomona est alors revenue sur sa décision et lui a notifié par lettre du 31 juillet 1986 que cette décision de licenciement était sans effet ; que la tentative n'est ici pas punissable ; que le fait reproché à la prévention ne constitue donc pas une infraction dès lors que le licenciement a, alors, été rapporté ; que B... a fait par la suite l'objet d'un licenciement sans que la procédure de l'article L. 122-32-5 ait été respectée ; qu'il est possible qu'une infraction ait alors été commise mais elle ne fait pas, en l'état de la procédure, l'objet de la prévention soumise à la Cour ;
" alors qu'il résulte ainsi des constatations de l'arrêt attaqué que le licenciement de ce salarié, accidenté du travail, avait été notifié à celui-ci sans la consultation requise des délégués du personnel ; que ces faits constituent une entrave consommée aux fonctions de ces délégués et pas seulement une tentative quand bien même par la suite l'employeur aurait déclaré cette décision sans effet ; que, de ce chef, la décision n'est pas légalement justifiée ;
" alors, en outre, qu'à cet égard, il n'a pas été répondu aux conclusions du syndicat demandeur selon lesquelles cette décision n'avait été rapportée qu'à raison de la citation des auteurs de cette entrave devant le tribunal correctionnel du 25 juillet 1986 ;
" et alors, en tout cas, que la Cour qui constate qu'après que le licenciement de B... eut été rapporté, il avait fait l'objet d'un licenciement sans que la procédure de l'article L. 122-32-5 ait été respectée, ne pouvait refuser d'examiner l'éventuelle infraction en résultant ; que ce licenciement ne constituait en effet qu'une circonstance du fait principal dont le juge répressif se trouvait saisi " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il était également reproché aux prévenus d'avoir licencié le 11 juillet 1986 un salarié victime d'un accident du travail, sans avoir recueilli l'avis des délégués du personnel exigé par les dispositions de l'article L. 122-32-5 du Code du travail, et d'avoir ainsi porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions de ces délégués ;
Attendu que, pour considérer l'infraction non établie, les juges du second degré relèvent notamment que, si les prévenus n'ont pas respecté les formalités prévues par la loi, la société Pomona a rétracté sa décision de licenciement le 31 juillet 1986 ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la rétractation de l'employeur n'était pas de nature à faire disparaître l'infraction déjà commise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a privé sa décision de base légale ;
Que dès lors la censure est encourue ;
Attendu, cependant, que la mise hors de cause de Stanislas X..., en l'absence de participation aux faits poursuivis, n'ayant pas été critiquée, est définitive ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 9 juin 1989 en ses seules dispositions relatives à l'inobservation de l'article L. 122-32-5 du Code du travail par Y..., Z... et A... et à la mise hors de cause de la société Pomona de ce chef, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-85389
Date de la décision : 26/01/1993
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Prérogatives légales - Présentation de revendications portant sur l'augmentation des salaires et la diminution de la durée du travail - Existence d'une section syndicale dans l'entreprise - Effet.

1° Il entre dans les attributions des délégués du personnel de connaître l'objet de toutes revendications présentées par le personnel affilié ou non à un syndicat. Cependant, lorsque sont constituées une ou plusieurs sections syndicales dans l'entreprise, et même si l'article L. 422-1 du Code du travail, dans le domaine des salaires, ne limite pas la mission des délégués du personnel aux seules réclamations ayant pour but l'application des règles de droit, l'employeur, tenu d'engager chaque année avec les organisations syndicales représentatives une négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail, est fondé en présence de revendications des délégués du personnel portant sur l'augmentation de la rémunération et la réduction de la durée du travail à répondre qu'elles sont du ressort de la négociation collective avec les syndicats. Une telle réponse ainsi motivée satisfait aux prescriptions de l'article L. 424-5 du Code du travail(1).

2° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Délit d'atteinte - Eléments constitutifs - Elément matériel - Licenciement d'un salarié - accidenté du travail - Défaut de consultation des délégués du personnel - Rétractation ultérieure du licenciement - Effet.

2° L'inobservation des dispositions de l'article L. 122-32-5 du Code du travail prescrivant de recueillir l'avis des délégués du personnel avant le licenciement d'un travailleur victime d'un accident du travail, constitue une atteinte à l'exercice régulier des fonctions de ces délégués. La rétractation ultérieure du licenciement n'a pas pour effet de faire disparaître une infraction déjà commise.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L122-32-5, L482-1
Code du travail L132-2, L132-27, L422-1, L424-5, L482-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juin 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1973-05-24, bulletin criminel 1973, n° 239, p. 572 (rejet) ;

Chambre sociale, 1980-05-13, bulletin 1980, V, n° 424, p. 322 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jan. 1993, pourvoi n°89-85389, Bull. crim. criminel 1993 N° 43 p. 102
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 43 p. 102

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumont.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Mme Luc-Thaler.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:89.85389
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