REJET des pourvois formés par :
- X..., Y..., Z..., A... Julien,
contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Haute-Savoie, en date du 16 septembre 1991, qui les a condamnés : X..., à 20 ans de réclusion criminelle pour assassinat, tentative d'assassinat, vol qualifié, tentative de vol qualifié, complicité de tentative de vol qualifié, destruction volontaire de biens mobiliers et immobiliers par l'effet d'un incendie ou par tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, Y..., à la même peine, pour assassinat, vol qualifié, destruction volontaire de biens mobiliers et immobiliers par l'effet d'un incendie ou par tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, Z..., à 18 ans de réclusion criminelle pour assassinat, vols qualifiés, destruction volontaire de biens mobiliers et immobiliers par l'effet d'un incendie ou par tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, A..., à la même peine pour assassinat et vol qualifié.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles 285 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que, par une ordonnance prise le 20 juin 1991, et communiquée aux parties, dont les accusés, après la lecture des cinq arrêts de renvoi, le président de la cour d'assises a décidé la jonction de cinq procédures différentes, et la comparution conjointe des accusés de ces procédures lors du même débat devant la cour d'assises ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6. 3 b de la Convention européenne précitée, tout accusé doit avoir le temps et les facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que tel n'est pas le cas lorsqu'il apprend au moment de sa comparution devant la cour d'assises et après le commencement des débats, qu'il serait jugé avec d'autres personnes, à raison de faits dans lesquels il n'est en aucun façon impliqué ;
" alors, d'autre part, qu'il n'est pas équitable de joindre en un seul procès différents faits, que ne rattache aucun lien d'indivisibilité, pour la seule raison que certains d'entre eux auraient été commis par certains accusés communs ; que cette façon de procéder, de nature à aggraver la situation de chacun des accusés, artificiellement présenté comme plus ou moins impliqué dans une bande organisée, porte atteinte aux droits de la défense ;
" alors, enfin, que la constatation d'une bonne administration de la justice, fondement de la décision de jonction prise par le président de la cour d'assises, ne peut en rien légitimer l'atteinte aux droits de la défense résultant d'une jonction artificielle qui ne peut qu'aggraver la situation de chaque accusé " ;
Attendu que contrairement à ce qui est allégué au moyen, ce n'est pas au moment de la comparution devant la cour d'assises et après le commencement des débats que A..., Y..., X... et Z... ont eu connaissance de l'ordonnance de jonction rendue le 20 juin 1991 mais, au plus tard, lors de la signification des listes de témoins et d'experts dans les différentes procédures dont le président a prononcé la jonction ; qu'il ressort des pièces de procédure que ces significations ont eu lieu les 27 et 30 juillet 1991, soit près de 2 mois avant l'ouverture de la session des Assises ; que, dès lors, les demandeurs ne sauraient prétendre qu'ils n'ont pas bénéficié du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense ; que pas davantage ils ne peuvent soutenir que la jonction a été décidée de manière arbitraire dans le but d'aggraver leur situation en les présentant comme plus ou moins impliqués dans une bande organisée ; que les arrêts de renvoi ayant été rendus contre les mêmes accusés, à l'exclusion de A..., pour des infractions différentes, le président a fait au contraire l'exacte application de l'article 285 du Code de procédure pénale ; qu'ils n'ont soulevé aucune exception de nullité lorsque le jury de jugement a été définitivement constitué ;
Attendu en cet état que c'est vainement que les demandeurs invoquent une violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 349 du Code de procédure pénale :
" en ce que la question n° 57 : est-il constant qu'à Rumilly (Haute-Savoie) entre le 12 et le 13 juillet 1988, la mort a été volontairement donnée à M. Georges B..., ainsi qu'à son épouse née Pauline C... ?, ainsi que les questions n° s 60 et 62 portant respectivement sur le point de savoir si A... et Y... étaient coupables de ce meurtre, étaient entachées de complexité pour interroger la Cour et le jury en une seule fois sur deux homicides distincts, que ne réunissait pas un lien d'indivisibilité " ;
Attendu que A... et Y... ont été renvoyés devant la cour d'assises pour avoir volontairement donné la mort aux époux B... qu'ils avaient surpris dans leur sommeil à leur domicile ; que l'arrêt de renvoi énonce que A... frappait les victimes à coups de gourdin tandis que Y... éclairait la scène avec une lampe de poche ;
Que sur cette accusation ont été posées la question n° 57 exactement reproduite au moyen et les questions n° s 60 et 62 interrogeant la Cour et le jury sur le point de savoir si A... et Y... se sont rendus coupables des faits spécifiés à la question n° 57 ;
Que la Cour et le jury ayant répondu affirmativement aux trois questions, A... et Y... ont été déclarés coupables d'homicide volontaire et condamnés de ce chef ;
Attendu que les questions, telles qu'elles ont été posées, n'encourent pas les griefs allégués ;
Que, quel que fût le nombre de victimes, les crimes dont A... et Y... ont été accusés procédaient, pour chacun d'entre eux, d'un acte unique et indivisible accompli par les mêmes moyens dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, inspiré par une même pensée homicide et devant entraîner les mêmes conséquences pénales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, 349 et 356 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que, pour chacun des accusés X..., Z... et Y..., mineurs au moment des faits, la question de savoir s'il y avait lieu de l'exclure du bénéfice de l'excuse atténuante de minorité a été posée (et résolue affirmativement) après la question relative aux circonstances atténuantes ;
" alors que la question relative aux circonstances atténuantes doit être posée en dernier " ;
Attendu que la délibération de la Cour et du jury étant secrète, il n'y a pas lieu de rechercher dans quel ordre les questions ont été examinées ;
Qu'au demeurant, lorsqu'il est, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, répondu négativement à la question demandant s'il y a lieu d'exclure un accusé du bénéfice de l'excuse atténuante de minorité, la peine doit être calculée en appliquant d'abord, le cas échéant, les circonstances atténuantes et ensuite l'excuse de minorité ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt pénal porte condamnation de X..., Z... et Y... du chef d'assassinat sur la personne de M. D..., crime qui serait concomitant d'un vol aggravé commis au préjudice de ce dernier ;
" alors que, si la Cour et le jury ont répondu affirmativement à la question (n° 34) posée abstraitement de la concomitance entre ces deux crimes, aucune question sur le point de savoir si les accusés seraient chacun coupable d'un assassinat concomitant d'un vol qualifié n'a été posée ; qu'aucune déclaration de culpabilité sur la circonstance de concomitance n'est intervenue, et que l'arrêt pénal se trouve ainsi en contradiction flagrante avec les réponses aux questions " ;
Et sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt pénal porte condamnation de A... et Y... du chef d'homicide volontaire sur les personnes de M. Georges B... et de son épouse Mme Pauline C..., homicides qui seraient concomitants d'un vol aggravé commis au préjudice de ces derniers " ;
" alors, que si la Cour et le jury ont répondu affirmativement à la question (n° 58) posée abstraitement de la concomitance entre ces deux crimes, aucune question sur le point de savoir si les accusés seraient chacun coupable de meurtres concomitants d'un vol qualifié n'a été posée ; qu'aucune déclaration de culpabilité sur la circonstance de concomitance n'est intervenue et que l'arrêt pénal se trouve ainsi en contradiction flagrante avec les réponses aux questions " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions nos 37, 38, 41, 42, 43 et 44 qui les interrogeaient sur le point de savoir si X..., Z... et Y... se sont rendus coupables, d'une part, d'un assassinat sur la personne de Marcel D... et, d'autre part, d'un vol qualifié commis à son préjudice ; qu'ils ont aussi résolu par l'affirmative les questions nos 59 et 60 déclarant A... coupable d'homicide volontaire sur la personne des époux B... et de vol qualifié commis à leur préjudice et la question n° 61 déclarant Y... coupable d'homicide volontaire seulement ;
Attendu que dans les deux affaires, la question de concomitance a été posée in abstracto et résolue par l'affirmative ; qu'il n'importe, dès lors, qu'aucune question n'ait été posée sur le point de savoir si les accusés s'étaient rendus coupables d'un assassinat ou d'un homicide volontaire concomitant d'un vol qualifié ;
Qu'en effet, les circonstances aggravantes d'un crime, lorsqu'elles ont été régulièrement constatées, étendent de droit leurs conséquences à tous les auteurs ; que par suite la référence à un fait principal dans une question relative à la culpabilité d'un accusé, implique nécessairement ce fait principal avec les circonstances aggravantes retenues par la Cour et le jury ; qu'il ne saurait être admis d'exception que pour les circonstances aggravantes morales ou personnelles ;
D'où il suit que l'arrêt pénal condamnant les demandeurs pour assassinat ou homicide volontaire concomitant d'un vol qualifié, se trouve en concordance avec les réponses aux questions posées et que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le mémoire proposant un moyen additionnel :
Attendu que le mémoire a été produit après expiration du délai imparti et postérieurement au dépôt du rapport par le conseiller commis ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 590, alinéa 3, du Code de procédure pénale, de le déclarer irrecevable ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE les pourvois.