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14/10/1992 | FRANCE | N°90-83026

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 octobre 1992, 90-83026


REJET du pourvoi formé par :
- X... Marcel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 1990, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie ;
" aux mot

ifs que le prévenu admet que l'appareil Diascan est également utilisé par les médecin...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Marcel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 1990, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie ;
" aux motifs que le prévenu admet que l'appareil Diascan est également utilisé par les médecins pour dépister la présence de sucre dans le sang de certains sujets à risque diabétique ; qu'il fait notamment partie de la trousse d'urgence du médecin appelé au chevet d'un malade tombé dans le coma ; qu'il est également utilisé dans le cadre de la médecine scolaire et de la médecine du travail ; qu'en outre, son utilisation à titre de surveillance par un patient dont l'affection diabétique a été reconnue médicalement ne fait que prolonger ou confirmer le diagnostic du médecin et provoquer chez le patient une réponse à la modification du taux de glycémie qu'il a pu ainsi déceler ; que, dans ces conditions, la bandelette réactive permet l'auto-diagnostic, mais également participe au diagnostic médical des maladies se manifestant par un taux de glycémie anormal ; que, si comme toute substance ou tout support réactif visés à l'article L. 512 du Code de la santé publique, la bandelette ne permet pas à elle seule de nommer la maladie elle reste une des composantes primordiales du diagnostic médical en permettant de mettre en évidence un état physiologique anormal et à ce titre doit être considérée au sens de ce texte comme étant 'destinée au diagnostic médical', notion que le législateur n'a pas entendu définir restrictivement et qui englobe toute opération participant à son élaboration ;
" alors, d'une part, que l'article L. 512 du Code de la santé publique réserve aux pharmaciens la vente des produits destinés au diagnostic médical ; qu'en énonçant que cette expression ne devait pas être définie restrictivement et englobait toute opération participant à l'élaboration du diagnostic, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que faute de rechercher, à la faveur de l'erreur de droit dénoncée ci-dessus, si le système Diascan était destiné au diagnostic médical , la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, encore, que la circonstance relevée par la Cour que certains médecins d'urgence, sportifs ou scolaires utilisent le système Diascan pour dépister la présence de sucre dans le sang n'établit pas que le système Diascan aurait été destiné au diagnostic médical ;
" alors, en outre, qu'en retenant que le système Diascan permettait au malade de prolonger (sic) le diagnostic médical , la cour d'appel, qui a employé une expression dépourvue de sens, n'a pas davantage établi que ce système serait destiné au diagnostic ;
" alors, enfin, qu'en retenant à la charge de X... que le système Diascan permettait au patient d'apporter une réponse à la modification du taux de glycémie qu'il avait ainsi pu déceler , la cour d'appel, qui a confondu diagnostic et traitement , a derechef privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Biovallées, dont Marcel X..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, est président-directeur général, commercialise, soit directement auprès des particuliers, soit auprès des pharmaciens d'officine, un lecteur automatique de glycémie, dénommé Diascan, comportant un stylo auto-piqueur, des lancettes stériles, des bandelettes de réactifs et un lecteur électronique ; que Marcel X... a été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie sur le fondement des articles L. 512.2° et 3° du Code de la santé publique ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, la juridiction du second degré retient, d'une part, que l'appareil mis en vente est utilisé par les médecins, notamment dans les cas d'urgence, en médecine du travail et en médecine scolaire, pour déceler la présence de sucre dans le sang des malades et en connaître la teneur, d'autre part, que son utilisation par les malades insulino-dépendants eux-mêmes ne fait que prolonger ou confirmer le diagnostic des médecins, la connaissance du taux de glycémie étant une des composantes essentielles de ce diagnostic pour les besoins du traitement ; que les juges en déduisent que les bandelettes de réactifs doivent être considérées comme destinées au diagnostic médical au sens de l'article L. 512.2° du Code de la santé publique, lequel englobe toute opération participant à son élaboration ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, loin de méconnaître les dispositions de l'article L. 512.2° du Code de la santé publique, en a fait l'exacte application ;
Qu'en effet, selon ce texte, un réactif conditionné en vue de la vente au public et qui permet de déterminer le taux d'un élément présent dans l'organisme pour l'élaboration du traitement d'une affection participe au diagnostic de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 30 et 36 du traité de Rome du 25 mars 1957, 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie ;
" aux motifs que le système Diascan est destiné au diagnostic médical au sens de l'article L. 512 du Code de la santé publique et doit par ce fait être commercialisé en pharmacie ;
" alors que constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative l'interdiction faite aux entreprises de vendre directement au public des produits (qui seraient) destinés au diagnostic médical ; que l'exception à un tel principe prévue par l'article 36 du Traité, qui valide les interdictions justifiées par la santé et la vie des personnes, n'est pas applicable à des produits qui, par définition, n'ont aucun effet curatif ou toxique ; que la réglementation restrictive française, étant sur ce point contraire au traité de Rome, ne pouvait être appliquée par le juge du fond ;
" alors qu'en toute hypothèse il appartiendrait au juge communautaire de se prononcer à titre préjudiciel sur les points de savoir :
" - si le monopole réservé aux pharmaciens pour la vente des produits destinés au diagnostic médical est une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative ;
" - dans l'affirmative, si ce monopole en tant qu'appliqué aux produits destinés au diagnostic médical , serait justifié par des raisons tenant à la protection de la santé et de la vie des personnes " ;
Attendu que la restriction à la libre circulation des marchandises, qui peut résulter du monopole de la vente en France des réactifs conditionnés destinés au diagnostic médical, entre dans les prévisions de l'article 36 du traité instituant la Communauté économique européenne selon lequel les dispositions des articles 30 et 34 relatifs aux restrictions quantitatives et aux mesures d'effet équivalent ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes ;
Attendu que l'application à l'espèce de la réglementation européenne ne soulève aucune difficulté sérieuse et qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'en demander l'interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes ;
D'où il suit que tant l'exception préjudicielle invoquée que le moyen ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-83026
Date de la décision : 14/10/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Vente de produits et réactifs conditionnés destinés au diagnostic médical - Vente d'un lecteur automatique de glycémie.

1° Selon l'article L. 512.2° et 3° du Code de la santé publique, la vente au public de produits ou réactifs conditionnés destinés au diagnostic médical est réservée aux pharmaciens. Un réactif conditionné en vue de la vente au public et qui permet de déterminer le taux d'un élément présent dans l'organisme pour l'élaboration du traitement d'une affection participe au diagnostic de celle-ci. Il en est ainsi d'un appareil permettant de déterminer, à l'aide de bandelettes de réactifs, le taux de glycémie des malades en vue de l'élaboration du traitement (1).

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Compétence - Traité de Rome - Interprétation - Cas - Limites.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Restrictions quantitatives au commerce entre les Etats membres - Mesure d'effet équivalent - Exceptions - Interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes - Monopole de la vente de réactifs conditionnés destinés au diagnostic médical.

2° La réglementation du monopole en France de la vente de réactifs conditionnés destinés au diagnostic médical ne masque aucune restriction interdite entre les Etats membres de la Communauté économique européenne et n'est contraire à aucune disposition du Traité instituant la Communauté économique européenne. Les restrictions qui peuvent en résulter relèvent de l'exception prévue par l'article 36 du Traité selon lequel les dispositions des articles 30 et 34 relatifs aux restrictions quantitatives et aux mesures d'effet équivalent ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes. Si, aux termes de l'article 177 du Traité instituant la Communauté économique européenne, la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du Traité, il n'y a pas lieu de recourir en interprétation lorsque le texte ne comporte aucune ambiguïté (2).


Références :

Code de la santé publique L512
traité de Rome du 25 mars 1957 art. 30, art. 34, art. 36, art. 177

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom (chambre correctionnelle), 03 mai 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1989-12-19 , Bulletin criminel 1989, n° 492, p. 1203 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1988-10-18 , Bulletin criminel 1988, n° 352, p. 945 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 oct. 1992, pourvoi n°90-83026, Bull. crim. criminel 1992 N° 326 p. 899
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 326 p. 899

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jean Simon
Avocat(s) : Avocats :la SCP Coutard et Mayer, la SCP Célice et Blancpain

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.83026
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