REJET du pourvoi formé par :
- l'Union des assurances de Paris (UAP), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 6 juillet 1990, qui, dans la procédure suivie contre Didier X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que le 13 octobre 1985 une collision s'est produite entre la motocyclette de Didier X... et celle d'Henri Y..., qui a été grièvement blessé ; que par jugement du 29 octobre 1987, devenu définitif, le premier a été déclaré coupable de blessures involontaires sur la personne du second, et condamné à réparer intégralement son préjudice, dont l'évaluation a été soumise à expertise ; que, la victime ayant alors mis en cause l'UAP en qualité d'assureur de Didier X... et sollicité l'allocation d'une provision, le Tribunal a condamné cet assureur à payer à Henri Y..., pour le compte de qui il appartiendra, une provision de 500 000 francs qui, sur appel de l'UAP, a été ramenée à 350 000 francs par l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles R. 420-5, R. 420-8 du Code des assurances, 3, 388-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné l'UAP à verser à la victime, pour le compte de qui il appartiendra, la somme de 350 000 francs à titre de provision ;
" aux motifs, d'une part, qu'en application de l'article 3 du Code de procédure pénale, le juge pénal ne saurait, après qu'un jugement définitif eut statué sur l'action publique et sur le principe des dommages-intérêts dont le montant reste à fixer, admettre la mise en cause du civilement responsable, mais qu'en application de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, les assureurs appelés à garantir le dommage peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive à tous les stades de l'instance, même pour la première fois ;
" alors qu'en application de l'article 3 du Code de procédure pénale, le juge de la répression ne peut connaître de l'action civile qu'autant qu'il est saisi de l'action publique ; que l'article 388-1 du même Code, qui admet la mise en cause de l'assureur pour la première fois en cause d'appel, n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, où l'UAP a été citée devant le tribunal répressif dans une instance distincte après qu'un jugement définitif fut intervenu sur l'action publique ; que dès lors, la Cour, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, n'a pas justifié sa décision contraire ;
" aux motifs, d'autre part, que le juge des référés n'est pas seul compétent pour condamner une compagnie d'assurances à payer pour le compte de qui il appartiendra ; qu'en effet, en l'état d'une contestation sur la validité du contrat d'assurance, contestation dont est saisie une autre juridiction, la juridiction pénale a compétence pour prononcer contre l'assureur une condamnation pour le compte de qui il appartiendra dans la mesure où les conditions d'application de l'article R. 420-8 du Code des assurances sont remplies ;
" alors que l'UAP avait fait valoir dans ses conclusions que les conditions d'application de l'article R. 420-8 du Code des assurances n'étaient pas réunies, en l'espèce, où l'existence même du contrat d'assurance et pas seulement sa validité était contestée ; que la Cour, qui n'a pas répondu à ce moyen de nature pourtant à dégager l'UAP de sa garantie, a exposé sa décision à une censure certaine " ;
Sur la première branche :
Attendu que pour rejeter l'exception d'irrecevabilité tirée par l'assureur de ce qu'il n'avait été mis en cause, devant la juridiction de première instance, qu'après que le Tribunal eut définitivement statué sur l'action publique, les juges d'appel retiennent que, selon l'article 388-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale, lorsque des poursuites sont exercées pour homicide ou blessures involontaires, les assureurs appelés à garantir le dommage peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive, même pour la première fois en cause d'appel ; qu'ils en infèrent que cette mise en cause peut être faite devant le Tribunal " à tous les stades de l'instance " ;
Attendu qu'en cet état et dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, l'assureur a été mis en cause, non dans une instance distincte, mais dans l'instance civile toujours pendante devant la juridiction pénale, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Sur la seconde branche :
Attendu que l'UAP a, d'une part, contesté l'existence d'un contrat la liant à Didier X... en faisant valoir que l'attestation d'assurance présentée par ce dernier était un faux, d'autre part, soutenu qu'en l'état de cette contestation, seule la juridiction civile était compétente, en application de l'article R. 420-8 du Code des assurances, pour connaître d'une demande de paiement pour le compte de qui il appartiendra ;
Attendu que pour écarter cette argumentation, les juges-après avoir observé qu'en l'absence d'une condamnation définitive prononcée contre Didier X... du chef d'usage de faux, l'attestation d'assurance produite par lui constituait une présomption de garantie-retiennent que la juridiction pénale est compétente pour prononcer contre l'assureur une condamnation pour le compte de qui il appartiendra, dès lors que, comme en l'espèce, les conditions d'application de l'article R. 420-8- devenu l'article R. 421-8- du Code précité sont remplies ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel, loin de méconnaître les dispositions invoquées, en a fait l'exacte application ;
Qu'en effet, d'une part, il résulte des dispositions combinées des articles R. 421-5, alinéa 2, R. 421-6 et R. 421-8 du Code des assurances, dans leur rédaction issue du décret du 14 janvier 1981, que l'assureur peut être condamné à payer à la victime ou à ses ayants droit, pour le compte de qui il appartiendra, l'indemnité fixée par la juridiction répressive, alors même qu'il conteste l'existence du contrat d'assurance nonobstant la présentation, par le responsable de l'accident, d'une attestation d'assurance ;
Que, d'autre part, la juridiction pénale, devant laquelle l'assureur a été mis en cause, est compétente pour prononcer une telle condamnation ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.