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Attendu que Mlle Z... a été embauchée par M. Y..., agent immobilier, le 1er octobre 1987, en qualité de comptable ; que, sur la demande de son employeur, qui cessait son activité, elle a travaillé à partir du mois d'août 1988 pour la société Gestion courtage immobilier Alpes (GCIA) laquelle lui a proposé un contrat à durée déterminée du 1er octobre au 31 décembre 1988 ; que ce contrat ayant été reconduit pour 3 mois, l'employeur a déclaré y mettre fin le 28 février 1989 ; que, soutenant que l'agence de M.
Y...
avait été, en réalité, reprise par la société GCIA, et que son contrat de travail à durée indéterminée avait continué avec cette société en application des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société GCIA fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 décembre 1990) d'avoir omis de constater que les parties ne s'étaient pas opposées à ce que M. X..., magistrat chargé du rapport, les entende seul lors de l'audience des plaidoiries et que ce magistrat avait rendu compte de cette audience à la cour d'appel dans son délibéré alors que, selon le moyen, il résulte de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile que si le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience, c'est à la double condition de constater que les parties ne s'y sont pas opposées et que ce magistrat en a rendu compte à la cour d'appel dans son délibéré ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que les débats ont eu lieu devant un seul magistrat qui a fait rapport à la formation collégiale ; que ces mentions suffisent à établir qu'il a été satisfait aux exigences de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société GCIA fait encore grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement de Mlle Z... était intervenu en violation des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail et de l'avoir condamnée à payer des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que, selon le moyen, d'une part, la cession de mandats de gérance d'appartements ou de copropriétés par un agent immobilier à une société exerçant cette activité ne peut constituer, en l'absence de tout autre élément corporel ou incorporel ou de quelque moyen d'exploitation cédé, un transfert d'une entité économique au sens de l'article L. 122-12 du Code du travail ; qu'une telle cession porte uniquement sur le support juridique permettant au cessionnaire, sous réserve de l'agrément de chacune des assemblées de copropriétaires, de reprendre pour lui la clientèle jusqu'alors attachée au cédant ; qu'en assimilant à un transfert d'entité économique la simple poursuite par la société GCIA de l'activité exercée jusqu'alors par M. Y..., la cour d'appel a violé par fausse interprétation le texte susvisé ; alors que, d'autre part, en toute hypothèse, l'application de l'article L. 122-12 ne peut contraindre le nouvel employeur à reprendre tous les emplois dont l'activité cédée constituait le support ; qu'en l'espèce, le poste de comptable de
Mlle Z... eût nécessairement fait double emploi avec celui dont disposait la société GCIA, qui exerçait l'activité d'agent immobilier lors de la cession litigieuse ; qu'en se bornant à déduire le caractère abusif du licenciement de la seule et unique constatation que l'article L. 122-12 était applicable à la cession en cause, sans aucunement constater que le poste de la salariée aurait pu survivre à la disparition du cabinet de M.
Y...
et au transfert de ses seuls mandats de gérance à la société GCIA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé et de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; alors que, de troisième part, le contrat de travail à durée indéterminée peut être résilié à tout moment par simple accord des parties ; qu'aucune disposition légale ne leur interdit de conclure ultérieurement ensemble un contrat à durée déterminée ; qu'en l'espèce, le contrat à durée déterminée de Mlle Z..., que celle-ci déclarait signer en parfaite connaissance de cause, avait été conclu le 3 octobre 1988, soit postérieurement au transfert des mandats de M. Y... à la société GCIA ; qu'en affirmant que la conclusion de ce contrat constituait une fraude de l'employeur aux dispositions de l'article L. 122-12, sans préciser en quoi le consentement de la salariée à la résiliation de son contrat à durée indéterminée et à son remplacement par un contrat à durée déterminée n'aurait pas été libre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors que, enfin, la présomption posée par l'article L. 122-3-1 du Code du travail est une présomption simple, l'employeur restant en droit de rapporter la preuve que le contrat qu'il a conclu correspond à l'une des hypothèses dans lesquelles la conclusion d'un contrat à durée déterminée est légalement autorisée ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait dans ses conclusions que le contrat de Mlle Z... avait été conclu, comme celui de M. Y..., pour faire face à un surcroît exceptionnel d'activités temporaires ; qu'en refusant délibérément de s'expliquer sur les motifs ainsi invoqués par l'employeur pour justifier la conclusion d'un contrat à durée déterminée aux motifs erronés que le silence du contrat sur ce point faisait irréfragablement présumer que ce contrat était un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le portefeuille de l'agence Y..., comprenant des mandats de gestion d'appartements, de garages et de copropriétés, constituait une entité économique autonome qui avait été transférée à l'agence immobilière tenue par la société GCIA, laquelle en avait poursuivi l'exploitation, les juges du fond ont décidé à bon droit qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, Mlle Z... était devenue la salariée de la société GCIA ;
Et attendu que la cour d'appel, en relevant que l'employeur n'avait eu recours à un contrat à durée déterminée que pour faire échec aux dispositions de ce texte et rompre ainsi le contrat à durée indéterminée de la salariée, a constaté souverainement la fraude commise et légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi