CASSATION PARTIELLE dans l'intérêt de la loi sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- le Procureur général pres la Cour de Cassation sur ordre du ministre de la Justice,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 mars 1991, qui, dans la procédure suivie contre X... du chef de viol, a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu la dépêche du ministre de la Justice du 28 octobre 1991 ;
Vu la requête du Procureur général près la Cour de Cassation du 7 novembre 1991 ;
Vu l'article 620 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen de cassation pris de la violation de l'article 332 du Code pénal :
Vu ledit article ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte ou surprise constitue un viol ; qu'il n'exclut pas de ses prévisions les actes de pénétration sexuelle entre conjoints lorsqu'ils sont imposés dans les conditions qu'il définit ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 20 février 1991, une information a été ouverte du chef de viol contre X..., à la suite de la plainte que son épouse Y... avait déposée contre lui la veille en exposant qu'à deux reprises, les 11 et 19 février 1991, son mari lui avait imposé un rapport sexuel en usant de la force pour la soumettre ;
Que le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d'informer aux motifs que les époux X... vivant tous deux au domicile commun sans qu'aucune procédure judiciaire de séparation ait été engagée par l'un d'eux, les actes sexuels accomplis contre le gré de l'épouse qui n'aurait fait état d'aucune violence caractérisée autre que la pénétration sexuelle, " entraient dans le cadre du mariage tel qu'il est traditionnellement admis ", de sorte que les éléments constitutifs du crime de viol n'étaient pas réunis et que les faits, tels que dénoncés, ne pouvaient recevoir aucune autre qualification pénale ;
Attendu que, sur appel de cette ordonnance par le ministère public, la chambre d'accusation énonce " qu'à juste titre, le juge d'instruction a estimé que le mariage a pour effet de légitimer les rapports sexuels et que l'épouse ne peut invoquer son absence de consentement ou l'agressivité qui a accompagné des actes sexuels normaux pour soutenir avoir été victime de viols " ;
Mais attendu qu'en confirmant par ces motifs l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction, alors que la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve contraire, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée de l'article 332 du Code pénal ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE mais seulement dans l'intérêt de la loi, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 mars 1991 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.