CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'assises du Puy-de-Dôme, en date du 3 octobre 1991, qui les a condamnés, le premier à 9 années de réclusion criminelle pour viol aggravé, le second à 10 ans de la même peine pour viol aggravé et viol ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de X... ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Attendu que ce mémoire, qui n'est pas signé par le demandeur au pourvoi ne remplit pas les conditions exigées par l'article 584 du Code de procédure pénale et ne saisit pas la Cour de Cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;
Mais sur le moyen proposé par ledit mémoire et pris de la violation de l'article 253 du Code de procédure pénale et relevé d'office pour les deux demandeurs :
Vu ledit article ;
Attendu que les magistrats qui, dans l'affaire soumise à la cour d'assises, ont procédé à un acte d'instruction, ne peuvent faire partie de cette Cour, en qualité de président ou d'assesseur ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Mme Rubantel, assesseur de la cour d'assises, avait antérieurement, en tant que juge d'instruction au tribunal de Cusset, délivré deux commissions rogatoires relatives à l'enquête de personnalité de X... ;
Que dès lors ce magistrat ne pouvait siéger comme assesseur du président des Assises ;
D'où il suit que la composition de la cour d'assises était irrégulière et que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le pourvoi de Y... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 332, alinéas 1, 2 et 3 et 463 du Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... à la peine de 10 années de réclusion criminelle, après lui avoir accordé le bénéfice de circonstances atténuantes ;
" aux motifs qu'il s'est rendu coupable d'avoir, à Clermont-Ferrand et à Beaumont, le 29 août 1990, en tout cas dans le département du Puy-de-Dôme, par violence, contrainte ou surprise, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Z... avec cette circonstance que l'un de ces viols a été commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices ;
" alors que, d'une part, la première question posée aux jurés, unique sur deux crimes de viol distincts, commis dans des circonstances de lieu différentes, l'un par un seul auteur, l'autre par deux ou plusieurs auteurs, appelait des réponses entraînant des conséquences pénales différentes, et se trouvait donc complexe et nulle ;
" alors que, d'autre part, est complexe et nulle, dès lors qu'elle se réfère à deux crimes distincts, la question unique sur la circonstance de pluralité d'auteurs posée en ces termes aux jurés :
tous les viols spécifiés à la question n° 1 ont-ils été commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices ? ;
" alors qu'en outre, dès lors qu'elle interroge sur une circonstance aggravante susceptible d'entacher l'un ou l'autre des deux crimes de viol poursuivis, la question n° 3, aux termes de laquelle l'un des viols spécifiés à la question n° 1 a-t-il été commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices ? , est conçue en termes alternatifs et donc nulle ;
" alors qu'enfin, faute d'identification précise du crime de viol entaché de circonstance aggravante, la déclaration de culpabilité ne justifie pas légalement la condamnation à 10 années de réclusion criminelle prononcée à l'encontre du demandeur, égale, en dépit des circonstances atténuantes, au maximum de la peine de 5 à 10 ans encourue en cas de viol simple prévu et réprimé par l'article 332, alinéa 2, du Code pénal " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 349 du Code de procédure pénale qu'une question doit être posée sur chaque fait principal ;
Attendu que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n°s 1 et 3 ainsi libellées : question n° 1 : " l'accusé Y... est-il coupable d'avoir à Clermont-Ferrand et à Beaumont, le 29 août 1990... par violence contrainte ou surprise, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Z... ? " ; question n° 3 :
" l'un des viols spécifiés à la question n° 1 a-t-il été commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices ? " ;
Attendu que la cour d'assises a été ainsi interrogée par ces questions sur des actes de pénétration sexuelle qui, bien que commis sur la même victime, ne constituaient pas, ainsi qu'il appert de l'arrêt de renvoi, un acte unique et indivisible accompli dans le même trait de temps, mais plusieurs actes de pénétration sexuelle perpétrés en divers endroits par des auteurs différents n'entraînant pas les mêmes conséquences pénales, et constituant dès lors des crimes distincts qui devaient faire l'objet de questions séparées, que lesdites questions sont donc entachées de complexité prohibée ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Puy-de-Dôme, en date du 3 octobre 1991, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
Par voie de conséquence ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt civil du même jour ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Cher.