REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 5 juin 1991, qui, sur renvoi après cassation, a relaxé Gustave X... du chef d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 24 de la loi du 8 juillet 1987, 98 de la loi de finances du 29 décembre 1989, 23 de la loi du 12 juillet 1990, 55 de la Constitution, 3 et 5 de la loi du 28 décembre 1966, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;
" aux motifs que l'article 98 de la loi de finances pour 1990 soumet à une déclaration tous les transferts de fonds, titres ou valeurs d'un montant égal ou supérieur à 50 000 francs effectués par un particulier à destination de l'étranger ou en provenance de l'étranger, sans l'entremise d'intermédiaires agréés ; que dans sa rédaction initiale, l'article 98 n'excluait pas les dispositions de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger et par voie de conséquence celles de l'article 459 du Code des douanes qui prévoit les sanctions applicables aux infractions de change ; que cette référence a été supprimée de l'article 98 par l'article 23 de la loi du 12 juillet 1990 relative au blanchiment des capitaux ; qu'il apparaît ainsi que la suppression de la référence à la loi du 28 décembre 1966, donc de l'article 459 du Code des douanes, constitue une disposition nécessairement nouvelle et plus douce applicable immédiatement aux procédures en cours et non définitivement jugées ; que si l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 qui constitue aujourd'hui la seule base légale des poursuites dirigées contre le prévenu, n'est pas expressément abrogé, il convient d'observer que son champ d'application qui a défini l'assiette des avoirs considérés comme irrégulièrement transférés ou détenus hors du territoire national, recouvre exactement celui de l'article 98 de la loi de finances pour 1990, qu'en raison du principe selon lequel les dispositions législatives même non expressément abrogées cessent d'être applicables, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle, il convient d'en conclure que l'article 98 de la loi de finances pour 1990 a rendu caduc l'article 24 de la loi du 8 juillet 1987 et que dans sa nouvelle rédaction de la loi du 12 juillet 1990, ledit article 98 est immédiatement applicable aux poursuites engagées contre X... ;
" alors que ni la loi de finances pour 1990 (article 98) ni davantage celle du 12 juillet 1990 ne suppriment les incriminations cambiaires applicables aux faits de l'espèce commis depuis 1982 en vertu de la loi de 1966 ; qu'en relaxant le prévenu aux motifs que la référence à la loi de 1966 par l'article 98 de la loi de finances pour 1990 a été supprimée par l'article 23-1 de la loi du 12 juillet 1990 et que cette suppression constitue une disposition nouvelle et plus douce applicable immédiatement, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 a maintenu l'obligation pour les résidents français de justifier de l'origine régulière des avoirs constitués ou détenus à l'étranger pendant le délai de 10 ans, la loi de finances pour 1990 a, dans un but purement fiscal, mis à la charge des contribuables une obligation de déclaration des capitaux intégrables à l'impôt sur le revenu, assorti de sanctions édictées par le Code général des impôts ; qu'en relaxant le prévenu aux motifs que le champ d'application des deux lois se recouvrait et que la seconde était ainsi inconciliable avec la première et l'avait rendue caduque, bien que non abrogée, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux en date des 6 mai et 2 novembre 1983 que Gustave X..., résident français, est poursuivi pour détention irrégulière d'avoirs à l'étranger (Luxembourg), faits prévus et punis par les articles 101 de la loi du 30 décembre 1981, 24-II de la loi du 8 juillet 1987 et 459 du Code des douanes ;
Attendu que pour relaxer l'intéressé des fins de la poursuite, les juges relèvent que les textes législatifs et réglementaires comportant des incriminations cambiaires, notamment ceux visés à la prévention, sont devenus inapplicables ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés mais non déterminants, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet, cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois ou règlements, même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur ; que par voie de conséquence sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.