REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 29 mars 1991, qui a relaxé Raoul X..., du chef d'infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, et l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 et 13 du décret du 29 décembre 1989, 18 du décret du 15 janvier 1990, 98 de la loi de finances du 29 décembre 1989, 23 de la loi du 12 juillet 1990, 15.1 du pacte international de New York de 1966, 55 de la Constitution, 3 et 5 de la loi du 28 décembre 1966, 1er et suivants du décret du 24 décembre 1968, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;
" aux motifs que les dispositions du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, que vise la prévention, ont été abrogées par le décret n° 90-58 du 15 janvier 1990 ; qu'il est de principe que les nouvelles dispositions, à l'évidence plus douces que les précédentes, dès lors que, selon les modalités qu'elles fixent, elles permettent aux résidents la libre détention d'avoirs à l'étranger et suppriment l'obligation de les rapatrier en France, sont immédiatement applicables aux infractions constatées antérieurement ; que, selon une jurisprudence bien assise, il n'en serait autrement que si le texte législatif en vertu duquel les poursuites ont été exercées venait à demeurer en vigueur ; que ce texte est en l'espèce la loi du 28 décembre 1966, dont sont issues les sanctions pénales prévues par l'article 459 du Code des douanes ; qu'à cet égard la loi de finances du 30 décembre 1989 avait prévu que cette loi demeurerait en vigueur ; qu'en effet, elle stipulait que les nouvelles dispositions relatives à la détention d'avoirs à l'étranger s'appliqueraient sans préjudice des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 ; que l'article 23 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 vient précisément de supprimer ce membre de phrase ; que la Cour, qui se place nécessairement au jour où elle statue, constatera que la loi du 28 décembre 1966, désormais dénuée de tout champ d'application, n'est plus en vigueur ; qu'il s'ensuit que les poursuites manquent de base légale ;
" alors que ni la loi de finances n° 89-935 pour 1990 (art. 98) ni davantage la loi du 12 juillet 1990 (n° 90-614) ne suppriment les incriminations cambiaires applicables aux faits de l'espèce commis en 1984 et 1985 en vertu de la loi n° 66-1008 de 1966 et de ses décrets d'application ; d'où il suit qu'en déclarant l'action fiscale éteinte par l'effet de la rétroactivité in mitius, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors que les décrets pris les 29 décembre 1989 (n° 89-938) et 15 janvier 1990 (n° 90-58) en matière cambiaire n'ont pas de portée rétroactive ; d'où il suit qu'en les déclarant applicables aux faits commis antérieurement, la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il est reproché à Raoul X... un non-rapatriement et un rapatriement hors délais de créances sur l'étranger (Suisse) en 1984 et 1985, faits prévus et punis par les articles 1, 4, 6 du décret du 24 novembre 1968, pris pour l'application de la loi du 28 décembre 1966, et 459 du Code des douanes ;
Attendu que pour relaxer l'intéressé des fins de la poursuite, les juges relèvent que les textes législatifs et réglementaires comportant des incriminations cambiaires, notamment ceux visés à la prévention, sont devenus inapplicables ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés mais non déterminants, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet, cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois et règlements, même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur ; que par voie de conséquence sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.