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21/05/1992 | FRANCE | N°91-80304

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mai 1992, 91-80304


REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 5 décembre 1990 qui, dans les poursuites exercées contre Alain X... notamment pour infractions à la législation et à la réglementation sur les changes, a déclaré l'action publique éteinte par abrogation de la loi pénale.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 7 et 13 du décret du 29 décembre 1989, 18 du décret du 15 janvier 1990, 98 de la

loi de finances du 29 décembre 1989, 23 de la loi du 12 juillet 1990, 24-II de ...

REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 5 décembre 1990 qui, dans les poursuites exercées contre Alain X... notamment pour infractions à la législation et à la réglementation sur les changes, a déclaré l'action publique éteinte par abrogation de la loi pénale.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 7 et 13 du décret du 29 décembre 1989, 18 du décret du 15 janvier 1990, 98 de la loi de finances du 29 décembre 1989, 23 de la loi du 12 juillet 1990, 24-II de la loi du 8 juillet 1987, 15-1 du pacte international de New York de 1966, 55 de la Constitution, 3 et 5 de la loi du 28 décembre 1966, 1er et suivants du décret du 24 décembre 1968, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action tendant à l'application de sanctions fiscales éteinte par l'abrogation de la loi ;
" aux motifs que les faits reprochés au prévenu entraient dans le champ d'application des articles 101 de la loi du 30 décembre 1981, modifié par l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987, et 3 du décret du 24 novembre 1968 ; que l'article 98 de la loi de finances pour 1990 du 29 décembre 1989 dispose que les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger des sommes, titres ou valeurs sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi du 24 janvier 1984 doivent en faire la déclaration lorsque leur montant est supérieur à 50 000 francs ; que ledit article 98 mentionne qu'il s'applique sans préjudice des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, relative aux relations financières avec l'étranger ; que cependant, la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 ayant trait à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants énonce en son article 23, qu'à l'article 98 de la loi de finances pour 1990, les mots sans préjudice des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966... sont supprimés ; qu'il résulte ainsi des dispositions combinées de l'article 98 de la loi de finances pour 1990 et de l'article 23 de la loi du 12 juillet 1990 que, sous réserve de la déclaration prévue par l'article 98, les personnes physiques peuvent librement transférer des sommes, titres ou valeurs à l'étranger pour y constituer des avoirs sans y avoir été, au préalable, autorisées par une administration française et que la constitution de tels avoirs est libre depuis la promulgation de cette loi ; qu'il suit de là que l'article 98 de la loi de finances pour 1990 et l'article 23 de la loi du 12 juillet 1990 doivent être regardés comme s'appliquant, en l'espèce, aux poursuites exercées de ce deuxième chef de prévention et retirant, par là même, aux faits ayant donné lieu à ces poursuites, leur caractère punissable tant en ce qui a trait à l'action publique qu'à l'action fiscale ; que les décrets des 29 décembre 1989 et 15 janvier 1990, ce dernier modifiant et complétant le décret du 29 décembre 1989, ont expressément abrogé le décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968 et le décret n° 89-154 du 9 mars 1989, lequel avait déjà sensiblement modifié et allégé la réglementation des relations financières avec l'étranger ; qu'ainsi, constitue une disposition réputée plus douce, et par suite d'application immédiate, un texte réglementaire abrogeant celui servant de base, comme en l'espèce, aux faits poursuivis, à savoir le décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, et ne comportant plus aucune incrimination de ceux-ci ; que l'abrogation de la réglementation qui constituait le support nécessaire de l'incrimination des faits poursuivis sous ces autres chefs de prévention retire également à ces faits leur caractère punissable tant en ce qui concerne l'action publique que l'action tendant à l'application des sanctions fiscales ;
" alors que ni la loi de finances n° 89-935 pour 1990 (article 98) ni davantage la loi du 12 janvier 1990 (n° 90-614) ne suppriment les incriminations cambiaires applicables aux faits de l'espèce commis entre 1982 et 1985 en vertu de la loi n° 66-1008 de 1966 et de ses décrets d'application ; d'où il suit qu'en déclarant l'action fiscale éteinte par l'effet de la rétroactivité in mitius, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors que les décrets pris le 29 décembre 1989 (n° 89-938) et 15 janvier 1990 (n° 90-58) en matière cambiaire n'ont pas de portée rétroactive ; d'où il suit qu'en les déclarant applicables aux faits commis antérieurement, la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors que le pacte de New York suppose pour son application un texte du droit national abrogeant les dispositions antérieurement applicables ; que le droit communautaire ne déroge pas à cette condition d'application du principe de la rétroactivité in mitius ; qu'il s'ensuit qu'en se référant aux normes du droit international et communautaire, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et erronés, privant ainsi sa décision d'un défaut de base légale " ;
Attendu qu'il est reproché à Alain X..., étant résident en France, d'avoir procédé à des investissements en Suisse sans autorisation et hors l'entremise d'un intermédiaire agréé et d'avoir omis de rapatrier des revenus qu'il y avait encaissés ou effectué des transferts irréguliers pour y accroître ses avoirs, faits prévus et punis par les articles 1, 2, 3, 4 et 6 du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, 3 de la loi du 28 décembre 1966, 101 de la loi de finances pour 1982, 24-II de la loi du 8 juillet 1987, 459 du Code des douanes ;
Attendu que pour relaxer l'intéressé des fins de la poursuite les juges relèvent que les textes législatifs et réglementaires comportant des incriminations cambiaires, notamment ceux visés à la prévention, sont devenus inapplicables ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés mais non déterminants, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet, cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois ou règlements, même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, la législation a rétabli la liberté des relations financières, dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur ; que par voie de conséquence sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Que dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-80304
Date de la décision : 21/05/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Loi nouvelle - Dispositions législatives ou réglementaires antérieures non expressément abrogées - Caractère inconciliable - Portée

CHANGES - Lois et règlements - Loi nouvelle - Dispositions législatives ou réglementaires antérieures non expressément abrogées - Caractère inconciliable - Portée

CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Loi nouvelle - Loi des 29 décembre 1989 (article 98) et 12 juillet 1990 (article 23) - Rétablissement de la liberté des relations financières avec l'étranger - Poursuites en cours - Portée

Les dispositions des lois ou règlements, même non expressément abrogées, cessent d'être applicables dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle. Ainsi, il résulte des dispositions combinées des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, prises en conformité de la directive communautaire du 24 juin 1988, qu'en soumettant désormais à une simple déclaration les transferts de sommes, titres ou valeurs vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, le législateur a rétabli la liberté des relations financières dont le principe est affirmé à l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966 demeurée en vigueur. Par voie de conséquence sont devenues incompatibles avec ce principe de liberté toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966 ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987 (1).


Références :

Code des douanes 459
Directive CEE 88/361 du 24 juin 1988
Décret 68-1021 du 24 novembre 1968 art. 1, art. 2, art. 3, art. 4, art. 6
Décret 89-154 du 09 mars 1989
Décret 89-938 du 29 décembre 1989 art. 7, art. 13
Décret 90-58 du 15 janvier 1990 art. 18
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 1, art. 3, art. 5
Loi 81-1160 du 30 décembre 1981 art. 101
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 24-II
Loi 89-935 du 29 décembre 1989 art. 98 Loi 90-614 1990-07-12 art. 23

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 décembre 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1986-02-13 , Bulletin criminel 1986, n° 59, p. 138 (cassation partielle sans renvoi) ;

A comparer : Chambre criminelle, 1989-05-10 , Bulletin criminel 1989, n° 187, p. 479 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 mai. 1992, pourvoi n°91-80304, Bull. crim. criminel 1992 N° 203 p. 557
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 203 p. 557

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Amiel
Rapporteur ?: Rapporteurs : M. Gondre (arrêts n°s 1 et 2), M. Bayet (arrêt n° 3), M. de Mordant de Massiac (arrêt n° 4). -
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier (arrêts n°s 1, 2, 3 et 4), M. Henry (arrêt n° 1), la SCP Piwnica et Molinié (arrêt n° 2), M. Barbey (arrêt n° 3), la SCP Matteï-Dawance (arrêt n° 4)

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.80304
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