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14/05/1992 | FRANCE | N°90-12275

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mai 1992, 90-12275


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Attendu que Prospérine X... et Jacques Z... se sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; que sont nés de cette union Pierre, décédé en 1972, laissant sa veuve Elizabeth et quatre enfants, Henri, décédé en 1982, laissant son épouse Aline et deux enfants, dont un fils, Alain, et Maurice ; que, le 21 avril 1966, les époux Y... de Lorbeau-Lagarrigue ont donné en avancement d'hoirie et en nue-propriété à leur fils Pierre un immeuble appartenant en propre à la mère, ainsi que divers tableaux et meubles appartenant en propre au père ; qu'après l

e décès des donateurs survenu le 16 janvier 1967 pour l'épouse et le 17 févr...

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Attendu que Prospérine X... et Jacques Z... se sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; que sont nés de cette union Pierre, décédé en 1972, laissant sa veuve Elizabeth et quatre enfants, Henri, décédé en 1982, laissant son épouse Aline et deux enfants, dont un fils, Alain, et Maurice ; que, le 21 avril 1966, les époux Y... de Lorbeau-Lagarrigue ont donné en avancement d'hoirie et en nue-propriété à leur fils Pierre un immeuble appartenant en propre à la mère, ainsi que divers tableaux et meubles appartenant en propre au père ; qu'après le décès des donateurs survenu le 16 janvier 1967 pour l'épouse et le 17 février 1974 pour le mari, le règlement de leur succession a soulevé des difficultés concernant notamment la donation précitée ; qu'un arrêt du 14 juin 1978, ayant force de chose jugée, a dit que le rapport en moins prenant de cette libéralité devait être de sa valeur au jour où elle a été consentie conformément aux dispositions de l'article 860 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 1971 ; que, sur une action introduite en 1984 par la veuve et les deux enfants d'Henri Z..., l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 octobre 1989) a décidé que les héritiers de Pierre Z... ne devaient pas rapport des fruits provenant des biens donnés pour la période postérieure au 17 février 1974, que les intérêts de la somme rapportable au titre de la donation commenceraient à courir, suivant la variation du taux légal, à compter du prononcé de l'arrêt attaqué et, enfin, qu'il n'y avait pas lieu à application de l'anatocisme du chef des intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Aline A..., épouse Y... de Lorbeau et M. Alain Z... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que les fruits de l'immeuble ayant fait l'objet de la donation à Pierre Z... ne devaient pas être rapportés à la succession du survivant des donateurs, alors, selon le moyen, que l'article 856 du Code civil prescrit que les fruits et intérêts de la chose sujette à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession, de sorte qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé, conformément aux dispositions précitées de l'arrêt du 14 juin 1978, que le rapport des biens donnés devait avoir lieu en valeur, la cour d'appel en a justement déduit que le gratifié n'était pas tenu à restitution des fruits produits depuis la date d'ouverture de la succession du dernier survivant des donateurs, mais seulement d'une indemnité de rapport productrice d'intérêts ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir refusé l'application des règles de l'anatocisme aux intérêts des sommes dues à la succession de leur auteur, alors que le fait que le décompte de ces sommes, en principal et intérêts, n'ait pas été arrêté, ne saurait faire obstacle à la capitalisation de ces intérêts, contrairement à ce que la cour d'appel a admis ;

Mais attendu que les juges du fond peuvent refuser d'ordonner la capitalisation des intérêts si c'est par suite du retard apporté par celui qui la sollicite qu'il n'a pu être procédé à la liquidation de la dette ; que, confirmant la décision des premiers juges en ce qu'elle a refusé d'ordonner la capitalisation des intérêts, la cour d'appel en a adopté les motifs, suivant lesquels les diverses réclamations de Mme Aline Z... et de son fils Alain, demandeurs originaires à l'instance, n'étaient pas étrangères aux lenteurs du règlement de la succession, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à leur demande tendant à ce que les règles de l'anatocisme soient appliquées aux indemnités de rapport ; que l'arrêt attaqué est donc légalement justifié sur ce point, abstraction faite du motif surabondant que vise le moyen ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 856 du Code civil ;

Attendu, selon ce texte, que les intérêts des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession ;

Attendu que la cour d'appel a dit que les sommes à rapporter du chef des biens donnés en avancement d'hoirie par l'acte précité du 21 avril 1966 porteraient intérêts à compter de l'arrêt attaqué et seulement dans la mesure où le total excéderait la part successorale du donataire, la fraction venant en dépassement étant seule productrice d'intérêts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de rapport était de la valeur des biens donnés, telle que fixée par l'acte de donation, et que, dès lors, son montant se trouvait arrêté au jour de l'ouverture de la succession du dernier des deux donateurs, de sorte qu'elle était productrice d'intérêts, dans son intégralité, à compter de ce jour, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition disant que les sommes à rapporter du chef des biens donnés en avancement d'hoirie porteront intérêts à compter du prononcé de l'arrêt attaqué, à concurrence de la fraction venant en dépassement de la part successorale du donataire, l'arrêt rendu le 3 octobre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 90-12275
Date de la décision : 14/05/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SUCCESSION - Rapport - Modalités - Rapport en valeur - Obligation de restituer les fruits (non).

1° DONATION - Rapport à la succession - Rapport en valeur - Obligation de restituer une indemnité de rapport productive d'intérêts.

1° De ce que le rapport de biens donnés devait avoir lieu en valeur, une cour d'appel déduit justement que le gratifié n'est pas tenu à restitution des fruits produits depuis la date du décès du donateur, mais seulement d'une indemnité de rapport productive d'intérêts.

2° INTERETS - Anatocisme - Refus par les juges du fond - Cas - Retard dans la liquidation de la dette du fait du demandeur.

2° Les juges du fond peuvent refuser d'ordonner la capitalisation des intérêts si c'est par suite du retard apporté par celui qui la sollicite qu'il n'a pu être procédé à la liquidation de la dette.

3° SUCCESSION - Rapport - Modalités - Rapport en valeur - Indemnité - Intérêts - Point de départ.

3° SUCCESSION - Rapport - Intérêts - Article 856 du Code civil - Rapport en valeur 3° INTERETS - Intérêts moratoires - Dette d'une somme d'argent - Point de départ - Applications diverses - Succession - Rapport.

3° Selon l'article 856 du Code civil, les intérêts des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession. Il s'ensuit que lorsqu'une indemnité de rapport est de la valeur des biens donnés, telle que fixée par l'acte de donation, et que, dès lors, son montant se trouve arrêté au jour de l'ouverture de la succession, cette indemnité est productive d'intérêts, dans son intégralité, à compter de ce jour.


Références :

Code civil 856

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 03 octobre 1989

A RAPPROCHER : (3°). Chambre civile 1, 1987-01-27 , Bulletin 1987, I, n° 36 (3), p. 25 (rejet) ; Chambre civile 1, 1988-10-04 , Bulletin 1988, I, n° 272, p. 187 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mai. 1992, pourvoi n°90-12275, Bull. civ. 1992 I N° 142 p. 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 I N° 142 p. 96

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Massip, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Flipo
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bernard de Saint-Affrique
Avocat(s) : Avocats :M. Vuitton, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.12275
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