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14/04/1992 | FRANCE | N°87-80411

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 avril 1992, 87-80411


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 23 octobre 1986 qui, après avoir rejeté l'exception de nullité de la procédure, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et à des réparations civiles pour complicité de diffamation envers un particulier.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la diffusion le 31 juillet 1983 sur la chaîne de télévision française dite TF1, lors du journal télÃ

©visé de 20 heures, de propos mettant en cause les frères Y... tenus par X..., vice-prési...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 23 octobre 1986 qui, après avoir rejeté l'exception de nullité de la procédure, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et à des réparations civiles pour complicité de diffamation envers un particulier.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la diffusion le 31 juillet 1983 sur la chaîne de télévision française dite TF1, lors du journal télévisé de 20 heures, de propos mettant en cause les frères Y... tenus par X..., vice-président de la société Shell France, Edouard Y... s'est, le 27 octobre 1983, constitué partie civile devant le juge d'instruction de Paris, en portant plainte contre X... et tous coauteurs et complices pour diffamation publique, délit prévu et réprimé par " les articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1981 " à raison de l'expression suivante : " il faut bien comprendre que dans cette affaire, les frères Y... sont des imposteurs et des charlatans " ;
Que cette plainte a été suivie le 14 novembre 1983 d'un réquisitoire du procureur de la République aux fins d'informer contre toute personne que l'information ferait connaître du chef de diffamation publique envers un particulier au vu des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42, 43, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'à l'issue de l'information, X..., seul inculpé, a été, par ordonnance du 3 août 1985, renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un particulier, faits prévus et punis par les articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42, 43 et suivants, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 59, 60 du Code pénal ;
Que par exploit en date du 27 août 1985, X... a été cité à comparaître devant la juridiction de jugement pour répondre de la complicité de délit de diffamation envers un particulier en application des articles 59, 60 du Code pénal, 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 34 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'à la suite de cette citation, il a, le 4 septembre 1985, fait signifier une offre de preuve de la vérité des faits à laquelle il a été répondu le 9 septembre suivant par une offre de preuve contraire ;
Qu'après deux remises de la cause et nouvelle citation en date du 20 décembre 1985 retenant pour la même expression la qualification de complicité de diffamation publique envers un particulier et visant, outre les articles 59, 60 du Code pénal, les articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42, 43 et suivants, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, le Tribunal, après avoir rejeté les exceptions de nullité de la procédure et de prescription soulevées par le prévenu avant toute défense au fond, a, par jugement du 4 mars 1986, estimant que les faits étaient constitutifs du seul délit d'injure publique, relaxé le prévenu et débouté la partie civile de son action ;
Que sur appel de cette dernière et celui du procureur de la République, les juges du second degré ont, par l'arrêt attaqué, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté les exceptions mais l'infirmant pour le surplus, condamné X... pour complicité de diffamation publique envers un particulier aux peines et réparations civiles susindiquées ;
Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988, sont, à l'exception de ceux visés à l'article 29.13° de ladite loi, amnistiés les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 22 mai 1988 ;
Qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu, dès la publication de la loi du 20 juillet 1988 ;
Que cependant, aux termes de l'article 24 de cette loi, l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers, que la juridiction saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
Sur l'action civile :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 53 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a confirmé le jugement qui avait rejeté l'exception de nullité de procédure soulevée par X..., prévenu du délit de complicité de diffamation publique envers un particulier, et qui avait décidé que la prescription de l'action publique n'avait donc pu avoir d'effet ;
" aux motifs propres et adoptés que le réquisitoire définitif s'est référé aux articles 23, 29, alinéa 1er, 42, 43, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 en qualifiant les faits de diffamation publique envers un particulier, que l'article 23 est un texte qui fixe les conditions de publicité de la diffamation et l'article 29, alinéa 1er, en fait mention pour déterminer sa propre application, que l'ordonnance de renvoi comporte l'énoncé des mêmes textes en les complétant par les articles 59 et 60 du Code pénal relatifs à la complicité, que si l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 est visé de surcroît dans la citation du 27 août 1985, sa présence ne risque pas d'engendrer la moindre erreur sur la qualification du fait poursuivi qui est précisément rappelée et que le texte de répression se trouve indiqué avec exactitude en conformité des dispositions de l'article 53 de la loi, qu'aucune équivoque, préjudiciable aux intérêts de la défense, n'a pu naître des mentions surabondantes faites dans la plainte et la citation, dès lors que, dès l'origine des poursuites, tant la partie civile que le procureur de la République ont qualifié les propos incriminés de diffamation publique envers un particulier et que le prévenu n'a pu se méprendre sur le fondement juridique des poursuites exercées contre lui ;
" alors que, d'une part, en l'état des termes de la plainte avec constitution de partie civile du 27 octobre 1983 qui visait cumulativement l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 (qualification de provocation à crimes ou délits) et l'article 29 de ladite loi (qualification de diffamation publique envers un particulier), la Cour aurait dû constater la nullité de cette plainte et de la procédure subséquente ;
" alors que, d'autre part, en l'état des termes de la citation délivrée au prévenu le 27 août 1985 qui visait cumulativement tout à la fois les articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, et l'article 34 de ladite loi (qualification de diffamation envers la mémoire des morts), mais qui par contre ne visait pas les articles 42, 43 et suivants, 47 et 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 régissant la poursuite des infractions reprochées au prévenu, la Cour aurait dû constater la nullité de cette citation et de la procédure subséquente ;
" alors qu'enfin, en l'état de la nullité de la plainte du 27 octobre 1983 et de la citation du 27 août 1985 suite à un réquisitoire conforme du 11 juillet 1985, les faits reprochés au prévenu devaient être déclarés couverts par la prescription de 3 mois prévue par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, aucun acte interruptif de prescription n'ayant été valablement accompli entre la signification de l'ordonnance de renvoi du 6 août 1985 et la nouvelle citation du 20 décembre 1985 " ;
Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité et de prescription, les premiers juges énoncent que le réquisitoire introductif qui constitue la base légale de l'ouverture de l'information, s'est référé aux articles 23, 29, alinéa 1er, 42, 43, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 en qualifiant les faits de diffamation publique envers un particulier ; que l'article 23 est un texte qui fixe les conditions de la publicité ; que l'ordonnance de renvoi comporte l'indication des mêmes textes en les complétant par le visa des articles 59 et 60 du Code pénal relatif à la complicité ; que si l'article 34 de la loi précitée est mentionné de surcroît dans la citation du 27 août 1985, cette indication ne risque pas d'engendrer la moindre erreur sur la qualification du fait poursuivi ; qu'adoptant ces motifs, la cour d'appel ajoute qu'aucune équivoque préjudiciable aux intérêts du prévenu n'a pu naître des mentions surabondantes faites dans la plainte et la citation, dès lors qu'à l'origine des poursuites tant la partie civile que le procureur de la République ont qualifié les propos incriminés de diffamation publique envers un particulier ; que X... n'a pu se méprendre sur le fondement juridique des poursuites exercées contre lui ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la plainte avec constitution de partie civile, seul acte, en la circonstance, susceptible de mettre les actions publique et civile en mouvement et d'interrompre la prescription de 3 mois, répondait aux exigences de l'article 50 de la loi sur la liberté de la presse nonobstant l'erreur sur le millésime de cette loi et le visa de son article 23 lequel n'avait d'autre portée que de préciser le mode de publicité donnant à la diffamation son caractère délictuel ; que l'acte initial de poursuite fixant irrévocablement la nature et l'étendue de celle-ci quant aux faits et à leur qualification, il importe peu qu'une citation postérieure à l'ordonnance de renvoi ne soit pas conforme aux prescriptions de la loi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 42, 43 et suivants, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que par l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, la Cour a déclaré le prévenu coupable de complicité de diffamation publique envers un particulier et l'a condamné à une peine d'amende et à réparation civile à l'égard de la personne diffamée ;
" aux motifs que les propos incriminés, extraits d'un entretien du prévenu avec une journaliste de TF1 faisaient suite au rappel par celle-ci de la guerre de l'essence opposant alors les frères Y... aux sociétés pétrolières et son dernier épisode, qu'après ce rappel les téléspectateurs ne pouvaient douter qu'en parlant de cette affaire le prévenu faisait référence à la guerre de l'essence et que les expressions charlatan et imposteur visaient la méthode commerciale utilisée par les frères Y... pour la vente des carburants, qu'il s'agissait d'un fait déterminé suffisamment précis pour être prouvé, que les propos reprochés au prévenu portaient atteinte à la considération professionnelle des frères Y... et qu'en raison de l'indivisibilité existant entre les expressions outrageantes proférées par le prévenu et les imputations, l'injure se trouvait absorbée par la diffamation, qu'en acceptant que de tels propos soient retransmis par TFI, le prévenu s'était rendu coupable de complicité de diffamation publique et qu'à bon droit cette qualification avait été retenue dans les poursuites dirigées contre lui ;
" alors que, d'une part, pour être qualifié de diffamatoire et non pas d'injurieux, le propos répréhensible doit viser un fait déterminé suffisamment précis pour être prouvé et qu'en elle-même l'expression dans cette affaire accompagnant les termes imposteur et charlatan ne constituait qu'une expression générale et ne visait aucun fait précis en sorte que seul le délit d'injures publiques aurait pu donner lieu à poursuites, et non celui de diffamation dont les éléments constitutifs ne se trouvaient pas réunis ;
" alors que, d'autre part, l'expression dans cette affaire aurait-elle correspondu à un fait précis dans l'esprit des téléspectateurs en raison des commentaires de la présentatrice de TF1 ayant rappelé la guerre de l'essence, qu'il n'était ni établi ni même soutenu que le prévenu ait eu quelque part personnelle que ce soit dans l'élaboration et la diffusion de ces commentaires en sorte que ne pouvait être retenu contre lui le délit de complicité de diffamation publique envers un particulier " ;
Attendu que pour déclarer, contrairement aux premiers juges, le prévenu complice du délit de diffamation publique envers Edouard Y... pour avoir accepté que ses propos fussent retransmis par la télévision, la cour d'appel énonce qu'en se référant à l'affaire des rabais illicites sur le prix de l'essence, X... avait, en usant des expressions " imposteurs " et " charlatans " visé la méthode utilisée pour la vente des carburants par les frères Y... et imputé à ceux-ci un manque de probité commerciale portant atteinte à leur considération professionnelle ;
Attendu qu'en statuant par ces seules énonciations, les juges du second degré n'ont encouru aucun des griefs allégués ;
Que d'une part, le prévenu qui a spontanément demandé dans les conditions prévues à l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 à faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, ne saurait ensuite soutenir que les termes incriminés ne seraient pas diffamatoires faute de contenir l'imputation de faits précis susceptibles de preuve ;
Que d'autre part, la précision du fait imputé peut être déguisée sous de simples expressions outrageantes comme celles qui, en l'espèce, ont été proférées par le demandeur ;
Qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 42, 43 et suivants, 47, 48 et suivants, 35 de la loi du 29 juillet 1881, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu pour complicité de diffamation publique envers un particulier à une peine d'amende et à des dommages-intérêts au profit de la personne diffamée, faute par le prévenu de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, à savoir d'avoir employé à l'égard des frères Y... les expressions imposteurs et charlatans ;
" aux motifs que le prévenu entend prouver qu'Edouard Y... a abusé de la crédulité publique et s'est montré imposteur et charlatan en faisant croire que les centres à son enseigne pratiquaient les rabais extraordinaires annoncés alors que ceux-ci n'étaient appliqués que dans quelques centres seulement et en prétendant mensongèrement avoir été menacé de mort par les compagnies pétrolières, mais que si le prévenu établit que les rabais sur carburants n'étaient pratiqués que dans quelques points de vente il ne ressort pas des documents produits qu'Edouard Y... avait pris personnellement l'engagement à l'époque de généraliser immédiatement les rabais annoncés, que même si ses déclarations le laissaient croire, ce fait ne saurait suffire à justifier les imputations du prévenu s'étendant au caractère anormal et illicite des rabais, car ce caractère illicite n'est pas établi en l'état de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 29 janvier 1985 qui démontrait que les rabais consentis par Edouard Y..., bien que dépassant ceux autorisés par la réglementation française de l'époque, n'étaient pas contraires au traité de Rome, qu'il était sans intérêt de vérifier l'autre prétendue imposture auquel le prévenu n'a pas fait allusion dans ses déclarations, et que le prévenu ne rapportait pas la preuve totale de la vérité des faits par lui allégués ;
" alors que, dès l'instant où la Cour constatait que, par ses déclarations, Edouard Y... avait laissé croire à la clientèle que les centres Y... consentaient des rabais sur les carburants très supérieurs à ceux qui étaient autorisés, bien que de tels rabais n'aient été en réalité pratiqués que dans un nombre très restreint de centres Y..., et qu'à cette époque de tels rabais étaient contraires à la réglementation française en vigueur, et avaient donc un caractère anormal et illicite, le prévenu avait rapporté la preuve totale de la véracité des faits allégués, à savoir qu'Edouard Y... avait abusé de la crédulité publique, ce qui constitue la définition littérale du charlatan et de l'imposteur, et que la Cour n'a pu déclarer que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'était pas rapportée, qu'en refusant de tirer de ses propres constatations les conséquences nécessaires qu'elles comportaient et qu'en violant l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Attendu qu'il appert des motifs de l'arrêt attaqué exactement repris par le moyen que de l'analyse faite par les juges d'appel, tant des faits imputés à Edouard Y... par X..., que des documents produits par celui-ci et par la partie poursuivante, la cour d'appel a, à juste titre, déduit que le prévenu n'avait pas rapporté la preuve de la vérité des faits par lui imputés au plaignant ; qu'au demeurant, pour produire son effet, une telle preuve doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations formulées tant dans leur matérialité que dans leur portée et dans leur signification diffamatoire, ce qui, en l'espèce, n'est pas le cas en raison des expressions outrageantes sous lesquelles le fait diffamatoire a été déguisé ;
Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 42, 43 et suivants, 47, 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :
" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a condamné le prévenu pour complicité de diffamation publique envers un particulier, à une peine d'amende et à des réparations civiles au profit de la personne diffamée, en écartant l'exception de bonne foi soulevée par le prévenu ;
" aux motifs que la croyance personnelle que pouvait avoir le prévenu dans l'irrégularité des procédés commerciaux employés par Edouard Y... dans la guerre de l'essence ne saurait suffire à faire admettre sa bonne foi et que pas davantage son intention d'éclairer le public dans la polémique l'opposant aux frères Y... n'est constitutive de bonne foi ;
" alors que le prévenu avait soutenu dans des conclusions de ce chef délaissées que sa bonne foi résultait du fait qu'en tenant les propos qui lui étaient reprochés, il considérait que le fait de se faire justice à soi-même, de s'estimer capable d'interpréter à sa manière la loi, de ne pratiquer les rabais que dans un nombre dérisoire de stations-service, tout en laissant croire que l'intégralité du réseau les pratique, de prétendre mensongèrement avoir été menacé de mort par les compagnies pétrolières, était le propre d'un imposteur, et que la Cour aurait dû chercher si ces mobiles n'établissaient pas la bonne foi du prévenu " ;
Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice du fait justificatif de la bonne foi, l'arrêt attaqué énonce que la croyance personnelle que X... pouvait avoir dans l'irrégularité des procédés commerciaux employés par Edouard Y... dans la guerre de l'essence, non plus que l'intention d'éclairer le public dans la polémique l'opposant aux frères Y..., ne sauraient suffire à détruire l'intention de nuire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a répondu aux conclusions du demandeur reprises au moyen ; que les expressions malveillantes proférées pour caractériser les imputations diffamatoires sont exclusives de la bonne foi ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-80411
Date de la décision : 14/04/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Instruction - Constitution de partie civile initiale - Plainte contenant les mentions exigées par l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 - Visa surabondant - Erreur sur le millésime de la loi - Absence d'influence.

1° Seul l'acte initial de poursuite qui fixe irrémédiablement la nature et l'étendue de celle-ci, doit répondre aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 (1). Est régulière la plainte avec constitution de partie civile précisant les faits qualifiés de diffamation publique envers un particulier et visant l'article 32, alinéa 1er, de ladite loi, le visa de l'article 23 n'ayant d'autre portée que de préciser le mode de publicité et l'erreur sur le millésime de la loi étant, en l'occurrence, sans incidence (2)

2° PRESSE - Procédure - Citation - Citation délivrée à la suite de l'ordonnance de renvoi - Portée.

2° Dès lors que la plainte avec constitution de partie civile est régulière, il importe peu que la citation délivrée postérieurement à l'ordonnance de renvoi contienne des visas de textes erronés (3).

3° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Offre de preuve - Portée.

3° Le prévenu qui a spontanément demandé, dans les conditions prévues à l'article 55 de la loi sur la liberté de la presse, à faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, ne saurait ensuite soutenir que les termes incriminés ne seraient pas diffamatoires, faute de contenir l'imputation de faits précis susceptibles de preuve (4).

4° PRESSE - Diffamation - Allégation ou imputation d'un fait précis - Forme - Forme déguisée - dubitative ou insinuation.

4° La précision du fait imputé peut être déguisée sous de simples expressions outrageantes (5).

5° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Preuve non administrée - Constatations suffisantes.

5° Est justifiée la condamnation pour diffamation dès lors que la cour d'appel a déduit de l'analyse tant des faits diffamatoires que des documents produits, dans les conditions prévues aux articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, que le prévenu n'a pas rapporté la preuve de la vérité des faits par lui imputés au plaignant (6).

6° PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Croyance en l'irrégularité des faits allégués et intention d'éclairer le public (non).

6° La croyance que le diffamateur pouvait avoir dans l'irrégularité des procédés commerciaux employés par le plaignant et l'intention d'éclairer le public ne sauraient suffire à détruire l'intention de nuire caractérisée par des expressions malveillantes (7).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 23, art. 32 al. 1, art. 50
Loi du 29 juillet 1881 art. 55
Loi du 29 juillet 1881 art. 55, art. 56

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 1986

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1987-12-22 , Bulletin criminel 1987, n° 483, p. 1272 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1889-11-29 , Bulletin criminel 1889, n° 371, p. 585 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1961-07-24 , Bulletin criminel 1961, n° 354, p. 679 (rejet et cassation) ;

Chambre criminelle, 1980-03-10 , Bulletin criminel 1980, n° 86, p. 202 (cassation partielle). CONFER : (2°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1974-01-09 , Bulletin criminel 1974, n° 12, p. 28 (cassation partielle), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1987-12-22 , Bulletin criminel 1987, n° 483, p. 1272 (rejet). CONFER : (3°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1966-02-22 , Bulletin criminel 1966, n° 63, p. 135 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-12-02 , Bulletin criminel 1980, n° 326, p. 834 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1982-06-03 , Bulletin criminel 1982, n° 143, p. 406 (action publique éteinte et cassation). CONFER : (4°). (5) Cf. Chambre criminelle, 1928-08-07 , Bulletin criminel 1928, n° 237, p. 479 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1960-06-10 , Bulletin criminel 1960, n° 313, p. 636 (cassation). CONFER : (5°). (6) Cf. Chambre criminelle, 1960-01-08 , Bulletin criminel 1960, n° 5, p. 9 (rejet). CONFER : (6°). (7) Cf. Chambre criminelle, 1952-06-20 , Bulletin criminel 1952, n° 159, p. 267 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1955-11-03 , Bulletin criminel 1955, n° 451, p. 796 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1956-05-26 , Bulletin criminel 1956, n° 398, p. 735 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1975-06-03 , Bulletin criminel 1975, n° 142, p. 385 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 avr. 1992, pourvoi n°87-80411, Bull. crim. criminel 1992 N° 162 p. 417
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 162 p. 417

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Zambeaux, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocat :M. Pradon

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:87.80411
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