CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 1991, qui l'a condamné, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures comptables, à la peine de 60 000 francs d'amende, ainsi qu'à la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 7, 8, 40, 593 du Code de procédure pénale, L. 230 du Livre des procédures fiscales, manque de base légale, défaut de motifs, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription et condamné le prévenu pour défaut de déclaration de TVA due au titre du 1er décembre 1984 au 1er décembre 1985, et déclaration minorée de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1984 ;
" aux motifs, adoptés par la cour d'appel, que l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales énonce que les plaintes de l'administration fiscale peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise ; pour les impôts qui font l'objet de déclaration mensuelle, c'est la date de dépôt de la déclaration mensuelle qui doit être prise en considération ; en l'espèce, sont retenues les fraudes commises pour le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires exigibles à compter du 1er décembre 1984 ; la troisième année qui suit celle à laquelle l'infraction a été commise est bien l'année 1988 et la plainte a été déposée avant le 1er décembre 1988 ; en ce qui concerne les impôts sur le revenu qui font l'objet d'une déclaration annuelle, l'infraction est commise au jour du dépôt de la déclaration ou à l'expiration du délai imparti pour la déposer ; que les revenus de 1984 devaient être déclarés en 1985 ; la prescription n'était donc pas acquise lorsque l'administration fiscale a déposé sa plainte le 30 novembre 1988 ; l'exception fondée sur la prescription doit donc être rejetée ;
" alors, d'une part, que la plainte de l'administration fiscale, qui ne met pas en mouvement l'action publique, n'interrompt pas la prescription ; que dès lors, en se bornant à relever que la plainte était intervenue dans le délai de prescription sans relever l'existence d'aucun autre acte interruptif dans le même délai, la cour d'appel n'a pas légalement jusitifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que les faits reprochés au titre de l'année 1985 étaient définitivement prescrits le 31 juin 1989 compte tenu de l'intervention de la Commission des infractions fiscales entre le 23 mars 1988 et le 18 octobre 1988 ; qu'en l'absence d'acte interruptif de prescription avant cette date, l'action publique était définitivement prescrite lorsque est intervenue, le 29 octobre 1989, la citation directe devant le tribunal correctionnel d'Evreux ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de prescription soulevée, l'arrêt attaqué a violé les dispositions des articles susvisés ;
" alors, enfin, que la prescription est suspendue pendant une durée maximum de 6 mois entre la date de saisine de la Commission des infractions fiscales et la date à laquelle celle-ci rend son avis ; qu'en l'espèce, la Commission des infractions fiscales ayant été saisie à compter du 25 mars 1988 pendant plus de 6 mois, le délai de la prescription pour le défaut de déclaration de TVA due au titre du 1er décembre 1984 au 1er décembre 1985 et la déclaration minorée des impôts sur le revenu dus au titre de l'année 1984, expirait le 30 juin 1989 ; qu'avant cette date, seuls la plainte et un soit-transmis du Parquet, non interruptifs de prescription, sont intervenus ; que dès lors, à la date de la citation le 29 octobre 1989, les infractions susvisées étaient prescrites " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 3 et 8, 40, 75, 593 du Code de procédure pénale, L. 230 du Livre des procédures fiscales, 1743 du Code général des impôts, manque de base légale, défaut de motifs, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription et déclaré X... coupable d'avoir volontairement omis de passer ou de faire passer des écritures comptables au livre journal et au livre d'inventaire au cours des années 1984 et 1985 ;
" alors que le délit d'omission de passer des écritures comptables se commet au moment où l'écriture aurait dû être passée ; que dès lors, le défaut de comptabilité reproché à X... au titre des années 1984 et 1985 se prescrivait respectivement le 31 décembre 1987 et le 30 juin 1989, compte tenu de la saisine de la Commission des infractions fiscales entre le 25 mars 1988 et le 18 octobre 1988 ; qu'ainsi, l'action publique était définitivement éteinte lorsqu'est intervenue, le 26 octobre 1989, la citation directe, premier acte interruptif de prescription, de sorte que l'arrêt attaqué ne pouvait entrer en voie de condamnation sans violer les articles précités " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les textes précités ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir des motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que statuant sur les poursuites engagées contre X..., la cour d'appel, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique et déclarer le prévenu coupable de fraude aux taxes sur le chiffre d'affaires au titre de la période du 1er décembre 1984 au 31 décembre 1985, et de fraude à l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1984 et 1985, ainsi que du délit d'omission d'écritures comptables concernant les exercices 1984 et 1985, énonce, par motifs adoptés des premiers juges, que la date de commission de l'infraction est celle du dépôt de la déclaration fiscale ou de l'expiration du délai imparti pour la déposer, et en conclut que la prescription n'était pas acquise en l'espèce lorsque l'administration des Impôts a déposé sa plainte le 30 novembre 1988 ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs sans rechercher, pour chacune des trois infractions et chacun des exercices, la date d'échéance de la prescription de l'action publique, ni les actes de poursuite ayant éventuellement interrompu cette prescription, et en attribuant à la plainte de l'Administration un effet interruptif qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 22 avril 1991 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.