.
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 272 à L. 285 et L. 286 à L. 295-2 du Code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre et les articles L. 308 à L. 318 du même Code ;
Attendu que seuls les déportés résistants et les déportés politiques, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi, sont fondés à se prévaloir du titre de déporté ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que l'Association départementale du Lot-et-Garonne des déportés, internés et familles de disparus a assigné l'Association départementale des déportés du travail aux fins de l'interdiction à cette association de faire usage dans sa dénomination des termes " déportés " et " déportation " ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que le terme " déporté " existant comme nom commun peut être utilisé par tous, qu'avant même la création de l'Association demanderesse, l'Association des déportés du travail avait le libre usage de sa dénomination ; qu'après la création des associations des déportés, internés, résistants et patriotes et des déportés, internés et familles des disparus, le législateur, qui a établi, par les textes du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les statuts particuliers des intéressés, l'utilisation préalable du terme " déporté " n'a pas été expressément remise en cause ; qu'en outre, l'emploi de ce terme n'a pas été interdit par la loi et que l'expression " déporté du travail " a été clairement définie dans l'article L. 330 du Code susvisé ; qu'il en résulte que l'utilisation de la dénomination " déportés " constitue d'autant moins une faute que la qualification " du travail " qui suit ce terme évite toute confusion de nature à créer un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris MOYEN ANNEXE
Moyen produit par la SCP Boré et Xavier, avocat aux Conseils, pour l'Association départementale du Lot-et-Garonne des déportés, internés et familles de disparus ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
" Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de l'Association départementale du Lot-et-Garonne des déportés, internés et familles de disparus, formulée à l'encontre de l'Association départementale du Lot-et-Garonne des déportés du travail, tendant à lui faire interdiction d'utiliser le terme " déporté " dans sa dénomination,
AUX MOTIFS QUE si le législateur est lui-même intervenu pour définir et organiser, par les textes susvisés du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les statuts particuliers d'une part, des déportés et internés de la Résistance, et des déportés et internés politiques, et, d'autre part, des personnes contraintes au travail, il n'en reste pas moins que ni les associations de déportés résistants ou de déportés politiques ni le législateur lui-même n'ont expressément remis en cause l'utilisation préalable du terme " déporté " par l'Association des déportés du travail ; que si dans la définition légale des statuts des personnes contraintes au travail, la loi évite, certes, d'employer le terme " déporté ", on ne saurait cependant en conclure qu'elle a voulu l'interdire, ce qui aurait constitué une exception au principe du libre usage des noms communs, laquelle, comme toute exception, ne peut s'exprimer que clairement et non point par un raisonnement a contrario ; que, surtout, si telle avait été l'intention du législateur, il se serait lui-même gardé d'employer l'expression " déporté du travail " dans le même Code à l'article L. 330 ; qu'en effet, même si ce texte se borne à octroyer le bénéfice du régime des prêts du Crédit agricole mutuel à certaines catégories de personnes qu'il énumère, tels les déportés du travail, il reste cependant que cette expression est non seulement expressément utilisée, ce qui ne pouvait être que si elle avait été protégée et réservée à une autre catégorie, mais encore clairement définie dans le dernier alinéa qui, par voie d'assimilation, consacre cette dénomination ; qu'il apparaît ainsi que contrairement à ce que soutiennent les associations demanderesses et à ce qu'a retenu le Tribunal, seules les dénominations " déportés résistants " et " déportés politiques " sont strictement définies et réglementées, et non point celle de " déporté " qui, à elle seule, sans autre qualification, demeure un terme commun insusceptible, dès lors, d'appropriation pouvant créer un droit privatif ;
ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des lois des 6 août et 9 septembre 1948, portant statut des déportés politiques, codifiées sous les articles L. 272 et L. 286 du Code des pensions militaires d'invalidité (CPMI), d'une part, et de la loi du 14 mai 1951, portant statut des personnes contraintes au travail en pays ennemi, codifiée sous les articles L. 308 et suivants du même Code, que compte tenu du sens précis que les événements de la Seconde Guerre mondiale avaient donné au mot " déporté ", la volonté du législateur avait été de réserver l'usage de cette appellation aux déportés résistants ou politiques détenus dans des camps limitativement énumérés, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, cependant, considéré que le terme " déporté " est un terme générique qui ne constitue pas une dénomination originale susceptible de
conférer un droit privatif et de remettre en cause l'utilisation préalable du terme " déporté du travail " par l'ADDT, ce terme étant au surplus consacré par l'article L. 330 du Code des pensions militaires d'invalidité ; qu'en se déterminant ainsi, alors que le législateur a, par des textes immédiatement applicables aux situations en cours, réservé l'usage du titre de " déporté " aux détenus politiques ou résistants des camps de concentration à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi, et qu'on ne saurait dès lors déduire de la loi caractérisant le régime de certains prêts aux anciens prisonniers de guerre et aux anciens déportés politiques ou du travail dont la définition ne coïncide pas avec celle des personnes contraintes au travail, la volonté du législateur d'autoriser les requis du travail à se prévaloir du terme, étroit, précis et protégé, de " déporté ", la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'ensemble des textes susvisés ".