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Sur le moyen unique :
Vu l'article 9 du Code Civil ;
Attendu que, selon ce texte, chacun a droit au respect de sa vie privée ; qu'il en résulte qu'il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ;
Attendu que Mme X..., qui avait été engagée le 20 janvier 1986 en qualité de secrétaire par la société Robuchon, concessionnaire Renault à Montmorillon, a été licenciée le 8 juin 1989 au motif que, pour remplacer sa voiture Renault R 5, elle avait fait l'acquisition d'un véhicule Peugeot 405 ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt infirmatif attaqué énonce que la liberté individuelle du salarié a pour limite, vis-à-vis de son employeur, l'obligation de ne pas causer à celui-ci de préjudice ; que le fait pour un salarié d'acquérir une voiture, qui est en concurrence directe avec des véhicules de même catégorie et de prix analogues vendus par son employeur, constitue nécessairement une marque de défiance dans la qualité de la marchandise offerte dans l'établissement où il travaille ; qu'un tel comportement constitue une publicité et en tout cas une critique indirecte de la marchandise dont la vente permet d'assurer le travail et la rémunération du personnel ; que, dans ces conditions, la liberté du salarié d'acheter un véhicule de marque autre que celle vendue par l'employeur a pour corrolaire, en raison de la méconnaissance des intérêts de l'employeur, la liberté pour celui-ci de se séparer pour une cause réelle et sérieuse de ce salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, dans sa vie privée, le salarié est libre d'acheter les biens, produits ou marchandise de son choix et alors que, d'autre part elle s'est bornée à constater le simple achat d'un véhicule sans relever le moindre trouble objectif apporté à l'entreprise par le comportement incriminé de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges