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25/11/1991 | FRANCE | N°91-80278

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 1991, 91-80278


ANNULATION sans renvoi sur la requête présentée par :
- X... France,
et tendant à la révision du jugement rendu le 1er août 1952 par le tribunal militaire aux armées des troupes françaises du Nord Viêt-nam, qui, pour détournement de fonds appartenant à l'Etat et désertion en temps de guerre avec emport d'effets militaires, a condamné par défaut Bernard X... à la peine de 10 années d'emprisonnement et a ordonné la mise sous séquestre de tous ses biens.
LA COUR,
Vu la décision de la Commission de révision des condamnations pénales, en date du 9 novembre 1990 ;r>Vu les articles 622 à 626 et notamment 622.4° du Code de procédure pénale ;
Vu le...

ANNULATION sans renvoi sur la requête présentée par :
- X... France,
et tendant à la révision du jugement rendu le 1er août 1952 par le tribunal militaire aux armées des troupes françaises du Nord Viêt-nam, qui, pour détournement de fonds appartenant à l'Etat et désertion en temps de guerre avec emport d'effets militaires, a condamné par défaut Bernard X... à la peine de 10 années d'emprisonnement et a ordonné la mise sous séquestre de tous ses biens.
LA COUR,
Vu la décision de la Commission de révision des condamnations pénales, en date du 9 novembre 1990 ;
Vu les articles 622 à 626 et notamment 622.4° du Code de procédure pénale ;
Vu les convocations régulièrement adressées aux parties ;
Vu la requête présentée par la demanderesse en application de l'article 626 dudit Code ;
Sur la procédure :
Attendu, d'une part, que le jugement rendu par défaut le 1er août 1952, dont la révision est demandée, n'est plus susceptible d'opposition et a acquis l'autorité de la chose jugée ; que les infractions retenues ont été amnistiées en vertu de l'article 29 bis de la loi du 6 août 1953 complétée par celle du 15 juillet 1957 ; que la chambre criminelle a été régulièrement saisie de la demande en révision, laquelle entre dans les prévisions de l'article 622.4° du Code de procédure pénale ;
Attendu, d'autre part, que Bernard X... est décédé le 30 août 1952 au village de Lanh Cam Nhan, Nord Viêt-nam, comme cela résulte d'un acte dressé par l'officier de l'Etat civil au ministère des Anciens Combattants ; que ses intérêts sont défendus par sa soeur, France X..., requérante à l'instance, et par un avocat ; qu'il n'y a pas lieu de nommer un curateur à la mémoire du mort ;
Attendu que le dossier est en état ;
Au fond :
Attendu que le sergent Bernard X..., chargé des fonctions d'officier d'approvisionnement au 1er bataillon de marche indochinois, alors en opération dans le Delta du Tonkin, était envoyé en mission le 7 décembre 1951 à la base arrière de Haiduong ; qu'il s'en absentait le 11 décembre 1951 pour se rendre à Haiphong et au lieu-dit Sept Pagodes ; que n'ayant pas réintégré la base à l'expiration du délai légal, le 13 décembre 1951, il était porté déserteur ;
Qu'un contrôle de la caisse des approvisionnements, dont le susnommé avait la responsabilité, faisait apparaître un " déficit " de 230 601 francs, compte tenu des espèces retrouvées dans la cantine de l'intéressé et qui représentait 1 720 315 francs ;
Que, se fondant sur l'enquête effectuée par l'autorité militaire, le tribunal militaire aux armées des troupes françaises du Nord Viêt-nam condamnait ce sous-officier le 1er août 1952, par défaut, pour détournement de fonds et désertion en temps de guerre, à la peine de 10 années d'emprisonnement et ordonnait la mise sous séquestre de tous ses biens ;
Attendu que le 27 avril 1955, le ministère des Anciens Combattants demandait au maire d'Ecorches (Orne) d'aviser la famille de Bernard X... que, selon les déclarations de militaires libérés d'un camp de prisonniers du Viêt-minh, celui-ci était mort en captivité le 30 août 1952 ; qu'un acte de décès était dressé le 28 juillet 1955 par l'intendant militaire, officier de l'Etat civil dudit ministère ;
Attendu que la soeur du défunt présentait alors une requête en révision de la condamnation, en faisant valoir que ces faits nouveaux, inconnus de la juridiction au jour du procès, étaient de nature à faire naître un doute sur la culpabilité ; que la Commission de révision des condamnations pénales, après avoir réuni les éléments d'information et procédé à diverses vérifications, concluait que la demande paraissait pouvoir être admise ;
Attendu qu'il résulte des investigations effectuées par la Commission précitée, et plus particulièrement des dernières déclarations du colonel Y..., ancien commandant du 1er bataillon de marche indochinois, que le sergent X... n'aurait pas déserté, " au sens que l'on donne habituellement à ce terme " ; qu'il se serait rendu à Haiphong, notamment pour y retrouver une jeune Vietnamienne, et serait tombé dans une embuscade ;
Que cet officier fait observer, dans une lettre, en date du 29 juin 1990, que Bernard X..., chargé de l'approvisionnement en vivres, avait également un motif de service pour se rendre à Haiphong et être porteur d'une somme d'argent ;
Attendu que les renseignements recueillis au cours de l'enquête initiale permettent de relever que les sergents Z... et A... ont rencontré leur collègue X... le 12 décembre 1951 à Haiphong, en compagnie de deux militaires, à proximité d'un magasin de l'intendance ; que le sergent B..., qui a déjeuné ce jour-là avec l'intéressé, a appris que celui-ci devait repartir le même soir pour rejoindre la base de Haiduong mais que son retour avait été reporté au lendemain ; que le sergent C... a été informé par le soldat D... que X... s'était arrêté à Sept Pagodes et était à la recherche d'un moyen de transport pour rentrer à Haiduong ; que c'est en cette circonstance que l'intéressé a été vu pour la dernière fois ;
Attendu que les militaires entendus n'ont fait état d'aucune intention manifestée par le sergent X... de déserter l'armée française ; que, selon eux, un tel comportement apparaît exclu pour ce sous-officier, en raison de ses états de service, des différentes distinctions dont il a été l'objet et de la proximité de son rapatriement en métropole ;
Qu'il convient en outre de souligner que si X... avait déserté, il n'aurait pas abandonné dans sa cantine la somme de 1 720 315 francs ;
Attendu qu'ainsi le rapprochement des éléments nouveaux, inconnus au jour du procès, de ceux recueillis à l'époque de la disparition de Bernard X... est de nature à faire naître un doute sur la culpabilité ;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à la demande en révision et d'annuler le jugement susvisé du 1er août 1952 ;
Et attendu que de nouveaux débats contradictoires se révélant impossibles, l'annulation doit être prononcée sans renvoi ;
Par ces motifs :
ANNULE, en toutes ses dispositions et sans renvoi, le jugement du tribunal militaire aux armées des troupes françaises du Nord Viêt-nam, en date du 1er août 1952, condamnant Bernard X... à la peine de 10 années d'emprisonnement et ordonnant la mise sous séquestre de tous ses biens ; décharge sa mémoire de cette condamnation ;
DIT que le présent arrêt sera publié au Journal officiel et affiché à la mairie de Fresne-la-Mer (Calvados), lieu de naissance de Bernard X..., ainsi qu'à la mairie d'Ecorches (Orne), dernier domicile.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-80278
Date de la décision : 25/11/1991
Sens de l'arrêt : Annulation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° REVISION - Décès du condamné - Requête présentée par la famille - Nomination d'un curateur.

1° Lorsque le condamné est décédé et que la requête en révision est présentée par un membre de sa famille, comme, en l'espèce, par sa soeur assistée d'un avocat, il n'y a pas lieu de nommer un curateur à la mémoire du mort (1).

2° REVISION - Cas - Fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès - Définition - Désertion en temps de guerre et détournement de fonds - Militaire prisonnier de l'ennemi.

2° Constitue un fait nouveau de nature à faire naître un doute sur la culpabilité, au sens de l'article 622.4° du Code de procédure pénale, le fait qu'un militaire, chargé des fonctions d'officier gestionnaire, était prisonnier de l'ennemi lorsqu'il a été condamné pour désertion en temps de guerre et détournement de fonds, circonstance inconnue des juges au jour du procès (2).

3° REVISION - Annulation sans renvoi - Cas - Condamné - Décès.

3° L'annulation est prononcée sans renvoi lorsque de nouveaux débats contradictoires se révèlent impossibles. Il en est ainsi en cas de décès du prévenu (3).


Références :

Code de procédure pénale 622
Code de procédure pénale 626

Décision attaquée : Tribunal militaire aux armées des troupes françaises du Nord Viêt-nam, 01 août 1952

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1949-05-19 , Bulletin criminel 1949, n° 179, p. 281 (nomination d'un curateur). CONFER : (2°). (2) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1957-02-27 , Bulletin criminel 1957, n° 206, p. 350 (cassation) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1982-02-24 , Bulletin criminel 1982, n° 56, p. 148 (cassation). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1931-03-05 , Bulletin criminel 1931, n° 65, p. 123 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 nov. 1991, pourvoi n°91-80278, Bull. crim. criminel 1991 N° 434 p. 1108
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 434 p. 1108

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gondre
Avocat(s) : Avocat :Me Caillaud, avocat au barreau d'Orléans

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:91.80278
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