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21/11/1991 | FRANCE | N°90-83101

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 novembre 1991, 90-83101


REJET du pourvoi formé par :
- X... André,
contre le jugement du tribunal maritime commercial de Boulogne-sur-Mer, en date du 24 avril 1990, qui, dans une procédure suivie contre lui du chef de manquements au règlement international pour prévenir les abordages en mer, ayant provoqué un abordage qui a eu pour conséquence le naufrage d'un navire et la mort de plusieurs personnes, l'a condamné à 8 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que, selon l'article 93 du Code disciplinaire et pénal de la marine marc

hande-disposition législative contre laquelle ne saurait prévaloir celle de l...

REJET du pourvoi formé par :
- X... André,
contre le jugement du tribunal maritime commercial de Boulogne-sur-Mer, en date du 24 avril 1990, qui, dans une procédure suivie contre lui du chef de manquements au règlement international pour prévenir les abordages en mer, ayant provoqué un abordage qui a eu pour conséquence le naufrage d'un navire et la mort de plusieurs personnes, l'a condamné à 8 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que, selon l'article 93 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande-disposition législative contre laquelle ne saurait prévaloir celle de l'article 31. 13° du décret du 26 novembre 1956-, les pourvois formés contre les jugements des tribunaux maritimes commerciaux sont assimilés, quant aux délais, aux pourvois en matière de police correctionnelle ; qu'il en résulte que le pourvoi formé le 30 avril 1990 contre le jugement rendu contradictoirement le 24 du même mois est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 80 et 81, 90-1 du Code disciplinaire de la marine marchande, de l'article 25 du décret du 26 novembre 1956, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que le Tribunal a déclaré X... coupable d'avoir effectué une manoeuvre contraire à la règle 9 du règlement international pour prévenir les abordages en mer provoquant un abordage avec le transporteur britannique Hengist, faits constituant l'infraction prévue et réprimée par les articles 80 et 81 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, tout en prononçant, le même jour à l'issue de la même audience un second jugement sur les poursuites engagées à l'encontre du capitaine de transbordeur ;
" alors que les faits poursuivis concernant le même abordage et les débats ayant eu lieu à la même audience, le Tribunal devait statuer par un seul et même jugement afin de permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la compatibilité des réponses données aux questions concernant chacun des prévenus, l'article 90-1 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande prévoyant d'ailleurs les modalités de composition du Tribunal lorsque plusieurs prévenus, titulaires de brevets différents, comparaissent dans la même affaire " ;
Attendu que, selon l'article 90-1 du Code précité, en cas de pluralité de prévenus ayant des qualités différentes, chacun d'eux doit être jugé par le Tribunal siégeant dans une composition déterminée ; qu'il en résulte qu'en statuant à l'égard de chacun des prévenus par un jugement distinct, le Tribunal a fait l'exacte application de ce texte ; que le moyen, dès lors, ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, de l'article 8 du décret du 26 novembre 1956 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que le Tribunal était composé de M. Y..., président et de Mlle Z..., de M. A..., de M. B... et de M. C..., membres ;
" alors que le président ne peut avoir procédé à l'instruction de l'affaire ; que le commissaire-rapporteur D... indique avoir établi son rapport au vu des pièces du dossier constitué par les soins du président du Tribunal ; qu'il en résulte que M. Y..., président, qui a constitué le dossier de l'enquête, a nécessairement participé à l'instruction de l'affaire ;
" alors que le troisième juge du Tribunal doit être un capitaine au long cours de moins de 60 ans qui a accompli 4 ans de commandement ; que les énonciations du jugement ne permettent pas de s'assurer que M. B... remplissait ces conditions ;
" alors que le quatrième juge doit être un marin titulaire du même brevet ou diplôme que le prévenu ; que les deux jugements rendus le 24 avril 1990 par le Tribunal indiquent que les débats se sont ouverts à 14 heures 30 en présence, d'après l'un des jugements, d'un quatrième juge titulaire d'un certificat de capacité à la pêche et en présence, d'après le second jugement, d'un capitaine au long cours ; que la Cour de Cassation, face à cette contradiction, ne peut s'assurer que le quatrième juge était bien titulaire du même brevet que X... ;
" alors qu'enfin, la désignation de tous les juges doit être approuvée par le directeur des affaires maritimes et que la Cour de Cassation n'est pas à même de s'assurer qu'une telle approbation est intervenue " ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte des pièces de procédure que l'instruction de l'affaire a été diligentée par " l'administrateur de première classe E... Jean-Paul " et non par M. Y... ;
Attendu, d'autre part, que les énonciations du jugement attaqué, selon lesquelles le troisième juge était " M. B... Bernard, capitaine au long cours inactif " et que " tous (les juges réunissaient) les conditions exigées par l'article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande " permettent à la Cour de Cassation de s'assurer de la régularité de la composition du tribunal maritime commercial au regard des griefs formulés à la deuxième et quatrième branches du moyen ;
Attendu enfin que, contrairement aux allégations de la troisième branche du moyen, il ne résulte nulle contradiction du fait que la composition, lors de la même audience, du tribunal maritime commercial soit portée de manière différente sur deux décisions distinctes consacrées au jugement de deux coprévenus, l'article 90-1 du Code disciplinaire et pénal disposant que lorsque, " dans une même affaire, comparaissent plusieurs prévenus qui sont, soit des marins brevetés ou diplômés ou des personnes autres que des marins, le tribunal maritime commercial comprend, en plus du quatrième juge désigné en fonction du prévenu titulaire du brevet ou du diplôme le plus élevé, autant de juges supplémentaires qu'il est nécessaire pour tenir compte... de la situation des autres prévenus " ;
Que le moyen, dès lors, ne peut être retenu en aucune de ses branches ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 91 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande et des articles 30 et 33 du décret du 26 novembre 1956 :
" en ce que le jugement attaqué ne constate pas la présence du ministère public lors de la lecture du jugement ;
" alors que le commissaire-rapporteur, représentant le ministère public, doit être présent lors du prononcé du jugement " ;
Attendu que le jugement rendu, conformément aux dispositions de l'article 24 du décret du 26 novembre 1956 après les délibérations ayant suivi immédiatement la clôture des débats consacrés à l'affaire, mentionne la présence du commissaire-rapporteur, le capitaine de corvette D... ; qu'il s'en déduit que cette présence ne s'est pas limitée aux débats, mais a été effective lors de la lecture du jugement ;
Que le moyen, dès lors, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 88 à 94 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande et du décret du 26 novembre 1956 :
" en ce qu'un témoin a été entendu par l'intermédiaire d'un interprète ;
" alors que ni le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande ni le décret du 26 novembre 1956 qui a fixé la forme de procédure devant les tribunaux maritimes commerciaux, ne prévoient la possibilité pour le président de faire appel à un interprète " ;
Attendu qu'il résulte tant des dispositions des articles 22 du décret du 26 novembre 1956 et 22, alinéa 2, du décret du 22 janvier 1965 que de celles de l'article 6. 1 et 6. 3 a et d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, devant le tribunal maritime commercial comme devant toute juridiction répressive, le témoin qui ne parle pas suffisamment le français doit être entendu par le truchement d'un interprète ;
Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 25 du décret du 26 novembre 1956 et des articles 80 et 81 du Code disciplinaire et pénale de la marine marchande :
" en ce que le Tribunal a été successivement interrogé par les deux questions suivantes : Les routes choisies par le patron X... pour le chalutier Glorieuse Vierge Marie jusqu'au moment de l'abordage, constituent-elles une traversée d'un chenal étroit conduisant sciemment à la gêne du transbordeur Hengist dans sa manoeuvre ?. Cette infraction a-t-elle entraîné l'abordage entre le chalutier Glorieuse Vierge Marie et le transbordeur Hengist ? ;
" alors qu'est entachée de complexité la première question ainsi posée au tribunal maritime commercial relative à la fois à l'existence d'une infraction aux règles maritimes et à la matérialité de l'abordage du navire " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la première question, exactement reproduite au moyen, n'est pas entachée de complexité dès lors qu'elle est exclusivement relative au comportement du prévenu antérieurement à l'abordage, abstraction faite de la réalité de ce dernier auquel il n'est fait référence que pour fixer la chronologie des faits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le jugement est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-83101
Date de la décision : 21/11/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Jugement - Cassation - Pourvoi - Délai.

1° CASSATION - Pourvoi - Délai - Tribunal maritime commercial.

1° Selon l'article 93 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, disposition législative contre laquelle ne saurait prévaloir celle de l'article 31.13° du décret n° 56-1219 du 26 novembre 1956, les pourvois formés contre les jugements des tribunaux maritimes commerciaux sont assimilés, quant aux délais, aux pourvois en matière de police correctionnelle. Le délai pour se pourvoir contre un tel jugement est donc de 5 jours francs

2° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Composition - Pluralité de prévenus - Composition différente selon les prévenus - Portée.

2° Selon l'article 90-1 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, en cas de pluralité de prévenus ayant des qualités différentes, chacun d'eux doit être jugé par le Tribunal siégeant dans une composition déterminée. Il en résulte qu'en statuant à l'égard de chacun des prévenus par un jugement distinct, le Tribunal a fait l'exacte application de ce texte

3° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Composition - Régularité - Mentions suffisantes.

3° Les énonciations du jugement du tribunal maritime commercial, selon lesquelles cette juridiction était composée, comme troisième juge, d'un capitaine au long cours inactif et qui précisent que les juges réunissaient les conditions exigées par l'article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, suffisent à établir que ce troisième juge avait moins de 60 ans et avait accompli 4 ans de commandement et que la désignation des juges avait été approuvée par le directeur des affaires maritimes, ces conditions étant prescrites par ledit article

4° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Composition - Commissaire rapporteur - Présence - Lecture du jugement.

4° Il se déduit des mentions du jugement du tribunal maritime commercial, rendu conformément aux dispositions de l'article 24 du décret n° 56-1219 du 26 novembre 1956 après les délibérations ayant suivi immédiatement les débats, que la présence du commissaire rapporteur, dont il est précisé qu'il a été entendu en ses réquisitions, ne s'est pas limitée aux débats, mais a été effective lors du jugement (1).

5° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Débats - Interprète - Assistance - Nécessité - Cas.

5° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - Accusé ne parlant pas la langue utilisée par un témoin - Interprète - Nécessité 5° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de l'accusé à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation - Accusé ne parlant pas la langue utilisée par un témoin - Interprète - Nécessité 5° INTERPRETE - Assistance - Nécessité - Cas - Tribunal maritime commercial - Prévenu ne parlant pas la langue utilisée par un témoin.

5° Il résulte tant des dispositions des articles 22 du décret n° 56-1219 du 26 novembre 1956 et 22, alinéa 2, du décret n° 65-75 du 22 janvier 1965 que de celles de l'article 6.1 et 6.3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, devant le tribunal maritime commercial comme devant toute juridiction répressive, le témoin qui ne parle pas suffisamment le français doit être entendu par le truchement d'un interprète

6° NAVIGATION MARITIME - Tribunal maritime commercial - Questions - Complexité - Définition.

6° N'est pas entachée de complexité la question demandant au tribunal maritime commercial si les routes choisies par le prévenu pour son chalutier jusqu'au moment de l'abordage constituent ou non une traversée d'un chenal étroit conduisant sciemment à la gêne d'un transbordeur dans sa manoeuvre, dès lors que , suivie d'une question portant sur l'existence de l'abordage, elle est exclusivement relative au comportement du prévenu antérieurement à cette circonstance, abstraction faite de la matérialité de celle-ci à laquelle il est fait référence seulement pour fixer la chronologie des faits (2).


Références :

Code disciplinaire et pénal de la marine marchande 93, 90
Décret 56-1219 du 26 novembre 1956 art. 31, art. 24, art. 22
Décret 65-75 du 22 janvier 1965 art. 22 al. 2

Décision attaquée : Tribunal maritime commercial de Boulogne-sur-Mer, 24 avril 1990

CONFER : (4°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1991-02-14 , Bulletin criminel 1991, n° 76, p. 193 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (6°). (2) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1963-02-07 , Bulletin criminel 1963, n° 70 (3), p. 147 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1970-10-22 , Bulletin criminel 1970, n° 278 (4), p. 665 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1988-11-16 , Bulletin criminel 1988, n° 390, p. 1031 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 nov. 1991, pourvoi n°90-83101, Bull. crim. criminel 1991 N° 425 p. 1084
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 425 p. 1084

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Maron
Avocat(s) : Avocat :M. Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.83101
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