Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal formé par la société Sonevie :
Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que le service de nettoiement des ordures de la ville de Nîmes, qui était assuré par la Société poitevine de nettoiement (SPN), a été repris, à partir du 1er janvier 1990, avec l'accord de la municipalité, par une filiale de cette société, la Société nîmoise de nettoiement (SNN) ; qu'après un appel d'offres, le marché a été attribué, à partir du 1er août 1990, à la Société de nettoiement des villes (Sonevie) ; que le cahier des charges indique que l'adjudicataire fournira le personnel en nombre suffisant pour qu'il n'y ait aucune interruption du service et reprendra au moins 80 % du personnel chargé de la collecte des ordures et précédemment employé par la SNN ; que la Sonevie, ne s'estimant pas liée par les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, a proposé aux salariés de la SNN de les reprendre à son service, mais selon un nouveau contrat de travail et à d'autres conditions ; que la fédération nationale des syndicats de transports CGT, le syndicat CGT des éboueurs, l'union locale CGT et l'union départementale CGT ont alors saisi le juge des référés pour voir juger que les contrats de travail des 82 salariés de la SNN avaient été transférés de plein droit à la Sonevie et pour faire condamner cette dernière à faire cesser le trouble manifestement illicite commis par elle, et à fournir du travail auxdits salariés ; qu'après rejet de cette prétention par le premier juge, les syndicats CGT ont relevé appel et l'union départementale du Gard CGT-FO ainsi que la section syndicale FO du personnel de la Sonevie sont intervenues volontairement devant la cour d'appel ;
Attendu que pour décider que le refus de la Sonevie de reprendre aux mêmes conditions les salariés de la SNN était constitutif d'un trouble manifestement illicite au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail et du cahier des charges de l'adjudication, la cour d'appel énonce d'abord que le marché public d'enlèvement des ordures ménagères, exclusivement exercé dans le cadre du monopole public réservé à ce type d'activité, constitue, par sa stabilité économique, son importance, l'identité du champ d'activité et des moyens techniques mis en oeuvre, une entreprise au sens de l'article L. 122-12, ce d'autant plus que l'exécution du marché litigieux représentait l'unique activité économique de l'entrepreneur précédent et que l'entreprise consistant en la circonstance en une prestation de services, et par conséquent de main d'oeuvre, apparaît sans portée l'observation du premier juge relative à l'absence d'un transfert des bâtiments, ateliers, matériel et stock ; que la cour d'appel ajoute qu'au demeurant, la Sonevie se trouvait tenue par les termes clairs et précis du marché qui lui imposaient la reprise des contrats en cours, aux mêmes conditions, et non une simple offre ou priorité d'embauche sans reprise d'ancienneté et avec des garanties inférieures ;
Attendu cependant, en premier lieu, qu'à elle seule, l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire ne réalise pas le transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ;
Attendu, en second lieu, que le cahier des charges du marché se bornait à prévoir l'obligation pour l'adjudicataire de reprendre au moins 80 % du personnel chargé de la collecte et précédemment employé par la SNN ; qu'en décidant que cette clause obligeait la Sonevie à reprendre, sans aucun changement, les contrats de travail de la totalité des salariés de la SNN, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du cahier des charges ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident formé par l'union départementale du Gard CGT-FO et par la section syndicale FO du personnel de la Sonevie et sur les autres moyens du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, à l'exception du chef du dispositif déclarant recevable l'action exercée par les organisations syndicales CGT pour la défense des intérêts collectifs des salariés, l'arrêt rendu le 22 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier