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05/11/1991 | FRANCE | N°91-82347

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 novembre 1991, 91-82347


CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., prévenu,
- la société Y..., partie civile,
- la société coopérative HLM Z..., partie civile,
- A..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 1991 qui, dans les poursuites exercées contre X... pour diffamations publiques envers des particuliers, a déclaré immédiatement recevable l'appel interjeté par les parties civiles du jugement ordonnant qu'il soit sursis à statuer, confirmé ledit jugement et condamné le prévenu aux frais de l'action

civile.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date ...

CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., prévenu,
- la société Y..., partie civile,
- la société coopérative HLM Z..., partie civile,
- A..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 1991 qui, dans les poursuites exercées contre X... pour diffamations publiques envers des particuliers, a déclaré immédiatement recevable l'appel interjeté par les parties civiles du jugement ordonnant qu'il soit sursis à statuer, confirmé ledit jugement et condamné le prévenu aux frais de l'action civile.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 26 juin 1991 joignant les pourvois en raison de leur connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Y..., la société coopérative HLM Z... et A... et pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 4 du Code civil, 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de la suite qui sera donnée à l'information ouverte auprès du juge Maman sur plainte avec constitution de partie civile du B... ;
" aux motifs qu'il apparaît qu'une plainte en escroquerie a été déposée par X... agissant comme président du B... et qui, bien que dirigée contre personne non dénommée, fait suite aux agissements de la SA HLM dite Y..., dont le président-directeur général est A... ; qu'il est ainsi établi que les faits dénoncés dans cette plainte recouvrent une grande partie de ceux imputés à X... dans les documents estimés diffamatoires dans la présente instance ; que si le sursis à statuer n'est pas obligatoire, il importe que le juge sache si les faits dénoncés par X... constituent, comme il le prétend, une escroquerie portant sur des sommes très importantes et ayant lésé un grand nombre de victimes ; que le sursis à statuer lui est nécessaire pour former sa décision ;
" alors que, d'une part, le sursis à statuer, qu'il soit obligatoire pour le juge en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 ou simplement facultatif dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, suppose en tout état de cause qu'il y ait une stricte identité entre les imputations diffamatoires reprochées au prévenu et les faits qui, sur plainte avec constitution de partie civile de ce dernier, ou à la requête du ministère public, font l'objet d'une procédure pénale en cours ; qu'en l'espèce, les imputations diffamatoires consistant en l'allégation de multiples infractions autres que les escroqueries prétendument commises tant par la SA HLM Y... que par A... et la société coopérative d'HLM Z..., la Cour qui, pour considérer qu'il y avait lieu de surseoir à statuer du fait d'une plainte avec constitution de partie civile du chef d'escroquerie déposée par le prévenu contre la personne non dénommée mais mettant en cause la SA Y... et M. A..., a entaché sa décision d'un manque de base légale flagrant dans la mesure où, en l'état de ses seules énonciations, il s'avérait, comme elle le constate elle-même que, non seulement les faits, objet d'une poursuite pénale en cours, n'étaient qu'une partie des imputations diffamatoires mais que, de plus, celle-ci ne vise que la société Y... et M. A..., sans par conséquent mettre en cause la coopérative d'HLM Z..., partie civile dans la présente procédure ;
" alors que, d'autre part, en prononçant un sursis à statuer dans de telles conditions et en l'absence de toute inculpation prononcée dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 19 novembre 1989 pour escroquerie, sans en examiner le caractère sérieux, la cour d'appel a tout autant commis un déni de justice que violé le droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" et alors enfin que le juge répressif ne saurait, sans interrompre le cours de la justice, ordonner un sursis à statuer d'une durée indéterminée ; que, bien que le jugement confirmé ait fixé une date pour faire le point , il y a tout lieu de penser, comme le constate expressément l'arrêt attaqué, qu'à cette date interviendra un autre renvoi, si bien que le sursis accordé s'analyse en définitive, ainsi que la Cour l'a exactement décidé, en un sursis indéfini et illimité qu'elle ne pouvait prononcer dès lors sans méconnaître le principe susvisé " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour X... et pris de la violation des articles 2 à 10, 507, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a déclaré recevable l'appel des parties civiles contre un jugement du tribunal correctionnel du Mans du 19 novembre 1990 ayant déclaré surseoir à statuer dans l'attente de la suite qui sera donnée à une information en cours et a dit que l'affaire sera à nouveau évoquée à l'audience du 28 octobre 1991 à 14 heures et a confirmé le jugement entrepris, le prévenu étant toutefois condamné aux frais de l'action civile ;
" aux motifs que les premiers juges ont sursis à statuer dans l'attente de la suite qui sera donnée à l'information ouverte auprès du juge Maman sur plainte avec constitution de partie civile du B... et dit que l'affaire serait à nouveau évoquée à l'audience du 28 octobre 1991 pour que soit fait le point sur l'état d'avancement de cette information ; qu'il y a donc tout lieu de penser qu'au jour du renvoi, l'affaire pourra faire l'objet, éventuellement, d'un autre renvoi en fonction de l'état d'avancement de la procédure d'information conduite à Paris ; qu'il convient dès lors d'analyser le sursis accordé en un sursis indéfini et illimité rendant l'appel immédiatement recevable (arrêt p. 4, paragraphes 1 à 3) ;
" 1°/ alors que, d'une part, l'appel des parties civiles était irrecevable faute pour elles d'avoir préalablement déposé une requête en autorisation d'appel conformément aux exigences de l'article 507 du Code de procédure pénale dès lors que le jugement entrepris, qui ne mettait pas fin à la procédure, avait renvoyé l'affaire à une date déterminée ;
" 2°/ alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait sans trancher le fond, mettre à la charge du prévenu les dépens de l'action civile réservés par le jugement entrepris " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881, l'appel contre les jugements statuant en matière d'infractions à ladite loi sur les incidents et exceptions autres que les exceptions d'incompétence ne peut être formé, à peine de nullité, qu'après le jugement rendu sur le fond et en même temps que l'appel contre ledit jugement ; qu'il n'y est dérogé qu'en cas d'application des articles 507 et 508 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, dans les poursuites engagées contre X..., président du B... , pour diffamations publiques envers des particuliers, sur plainte avec constitution de partie civile de la société anonyme Y..., de la société coopérative HLM Z... et d'A..., ces derniers ont, ainsi que le ministère public, interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel du Mans du 19 novembre 1990 ordonnant qu'il soit sursis à statuer " dans l'attente de la suite qui sera donnée à l'information ouverte pour escroquerie sur plainte avec constitution de partie civile du B... " et disant que " l'affaire sera de nouveau évoquée à l'audience du 28 octobre 1991 pour que soit fait le point sur l'état d'avancement de cette information " ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, la cour d'appel énonce " qu'il y a tout lieu de penser qu'au jour du renvoi l'affaire pourra faire l'objet éventuellement d'un autre renvoi " et qu'il convient dès lors d'analyser le sursis accordé en un sursis indéfini et illimité rendant l'appel immédiatement recevable ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, par suite de la remise de la cause à une date déterminée, le jugement n'avait pas mis fin à la procédure, et que, d'autre part, il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des pièces de cette procédure que le président de la chambre des appels correctionnels ait été saisi d'une requête en application des articles 507 et 508 du Code de procédure pénale, les juges du second degré ont méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt encourt la cassation de ce chef sans qu'il y ait lieu à renvoi, la juridiction d'appel n'ayant pas été régulièrement saisie ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, en date du 14 mars 1991 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi, le tribunal correctionnel étant resté saisi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-82347
Date de la décision : 05/11/1991
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Appel - Recevabilité - Jugement distinct de la décision sur le fond - Sursis à statuer et renvoi à une date déterminée - Conditions - Articles 507 et 508 du Code de procédure pénale

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Décisions susceptibles - Décision ne mettant pas fin à la procédure (article 507 du Code de procédure pénale) - Sursis à statuer - Presse - Renvoi à une date déterminée - Requête au président de la chambre des appels correctionnels - Nécessité

Aux termes de l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881, l'appel contre les jugements statuant en matière d'infractions à ladite loi sur les incidents et exceptions, autres que les exceptions d'incompétence, ne peut être formé, à peine de nullité, qu'après le jugement rendu sur le fond et en même temps que l'appel contre ledit jugement (1). Toutefois, il peut être immédiatement interjeté appel du jugement qui ordonne un sursis à statuer, mais renvoie la cause à une date déterminée et ne met pas fin à la procédure, à condition qu'il soit fait application des articles 507 et 508 du Code de procédure pénale.


Références :

Code de procédure pénale 507, 508
Loi du 29 juillet 1881 art. 59

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 14 mars 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1971-12-29 , Bulletin criminel 1971, n° 371, p. 931 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1973-01-24 , Bulletin criminel 1973, n° 41, p. 104 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1975-06-03 , Bulletin criminel 1975, n° 142, p. 385 (cassation partielle). (2) CONFER : (1°). (2) Cf. A comparer : Chambre criminelle, 1980-03-17 , Bulletin criminel 1980, n° 92, p. 215 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1984-10-22 , Bulletin criminel 1984, n° 311, p. 824 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 nov. 1991, pourvoi n°91-82347, Bull. crim. criminel 1991 N° 395 p. 1000
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 395 p. 1000

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocats :M. Bouthors, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:91.82347
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