CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Douai,
- X... René, partie civile,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 1990 qui, dans une poursuite exercée contre un ministre du chef de non-assistance à personne en péril, après s'être déclarée compétente pour statuer, a relaxé le prévenu.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'article 68, alinéas 1 et 2, de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des alinéas 1 et 2 de l'article 68 de la Constitution que les membres du Gouvernement, en cas de crimes ou de délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, sont poursuivis et jugés dans les conditions et suivant les formes applicables à la mise en accusation et au jugement du Président de la République en cas de haute trahison ; que, dès lors, en pareilles circonstances, un ministre ne peut être mis en accusation qu'en vertu d'une décision prise par les deux assemblées législatives et ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice ; que ces dispositions qui s'appliquent à toutes les informations criminelles ou délictuelles dont aurait pu se rendre coupable un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, excluent pour le ministère public et les particuliers la possibilité de mettre en mouvement l'action publique et d'en saisir les juridictions répressives de droit commun ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que René X... a fait citer devant le tribunal correctionnel du chef de non-assistance à personne en péril, Michel Delebarre, alors ministre du Travail, aux motifs que ce dernier, sollicité à maintes reprises, s'était abstenu d'une part d'intervenir auprès du corps médical auquel était confiée Mme X..., mère de la partie civile, d'autre part d'écrire au ministre de la Santé pour qu'il intervienne à son tour ;
Attendu que pour se déclarer compétente, la cour d'appel énonce notamment que les dispositions de l'article 68, alinéa 2, de la Constitution attribuant compétence à la Haute Cour de justice pour connaître des crimes et délits commis par des membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, ne leur sont applicables que dans le cas de complot contre la sûreté de l'Etat ; qu'en l'espèce, Michel Delebarre n'est prévenu d'aucun complot de cette nature et est justiciable du tribunal correctionnel de Lille ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que l'abstention fautive alléguée à l'encontre du prévenu, à la supposer établie, l'aurait été dans l'exercice de ses fonctions de ministre, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ; que la cassation est ainsi encourue ;
Et attendu que les faits de la cause n'étant susceptibles d'aucune poursuite devant les juridictions répressives de droit commun, il n'y a lieu à renvoi ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens proposés par la partie civile :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 8 novembre 1990 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.