.
Joint les pourvois n°s 89-17.756 et 90-13.286 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er juin 1989), que, par deux actes du 25 janvier 1979, M. X... a fait donation à son épouse et à ses enfants Alexis, Yvan, Mathias et Frédéric, ces derniers représentés par M. Findling en sa qualité d'ascendant (les consorts X...), respectivement, de l'usufruit et de la nue-propriété de certains de ses biens ; qu'antérieurement, une vérification de la comptabilité de la Société d'exploitation Frédéric Findling (la SEFF), dont M. X... était le président du directoire et M. Findling le président du conseil de surveillance, s'est traduite par des poursuites engagées à l'encontre de ces derniers pour fraude fiscale et par des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le Directeur général des Impôts a demandé que les opérations auxquelles M. X... avait procédé sur son patrimoine lui soient déclarées inopposables en vertu de l'article 1167 du Code civil ;
Sur le premier moyen de chacun des deux pourvois :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon les pourvois, que le recouvrement des impôts est confié, soit aux comptables du Trésor, soit à ceux de la Direction générale des Impôts ; que l'action paulienne destinée à rendre inopposable à l'Administration divers actes, afin de faciliter le recouvrement d'impôt, est une action se rattachant au recouvrement des impôts ; que seul un comptable du Trésor ou un comptable des Impôts, suivant le cas, a qualité pour l'exercer ; que l'action exercée par la Direction générale des Impôts, représentée par le directeur des services fiscaux du Calvados et par le receveur principal des Impôts de Caen-Nord, chargé du recouvrement, n'a donc pas été complètement exercée, l'action ne pouvant être exercée que par le comptable chargé du recouvrement et lui seul et ne pouvait être exercée au nom du Directeur général des Impôts qui n'avait pas qualité pour l'exercer ; que, dès lors, la décision attaquée, qui aurait dû soulever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité est entachée de violation des articles L. 252 du Livre des procédures fiscales, 122 et 125 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de ses conclusions produites le 9 février 1989 qu'au moment où les juges du second degré ont statué, le receveur exerçait personnellement au nom de l'Etat l'action tendant au recouvrement des impôts qui lui était confié, l'indication qu'il était soumis à l'autorité hiérarchique du directeur des services fiscaux du Calvados et du Directeur général des Impôts étant sans influence sur sa qualité pour agir ; que, dès lors, la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir invoquée avait disparu au sens de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile et n'avait pas à être relevée d'office ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de chacun des pourvois :
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande du receveur des Impôts, alors, selon les pourvois, que, s'il n'est pas nécessaire pour que l'action paulienne puisse être exercée que la créance soit certaine et exigible, il faut que le principe de la créance ait existé de façon certaine avant la conclusion de l'acte argué de fraude ; que la créance seulement éventuelle ne saurait donner ouverture à l'action paulienne ; que si ceux qui font l'objet d'une poursuite pour le délit de fraude fiscale prévu et réprimé par l'article 1741 du Code général des impôts, peuvent, au cas de condamnation sur l'action publique, être solidairement tenus avec le redevable légal de l'impôt fraudé au paiement de cet impôt, ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes, la condamnation à cette solidarité ne présente qu'une faculté pour les tribunaux ; qu'il n'existe donc pas de principe certain de créance à l'encontre du dirigeant social inculpé de fraude fiscale en cette qualité ; qu'en décidant que l'action paulienne était recevable à l'encontre des donations faites par M. X... parce que celui-ci ne pouvait ignorer le risque qu'il encourait de se voir condamner en vertu de l'article 1745 du Code général des impôts, les juges du fond, qui ont reconnu que la " sanction grave " prévue par cet article était facultative, n'ont pas constaté l'existence d'un principe certain de créance au profit de l'administration des Impôts et par là-même violé les articles 1167 du Code civil et 1745 du Code général des impôts ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'administration fiscale avait avisé M. X... le 31 octobre 1978 du dépôt le jour même d'une plainte contre lui pour fraude fiscale, que la passation des actes litigieux le 25 janvier 1979, soit quelques mois après le dépôt de la plainte et la mise en mouvement de l'action publique, ne s'expliquait pas autrement que par la volonté de M. X..., qui connaissait le risque très réel qu'il encourait de la mise en oeuvre de sa responsabilité pécuniaire avec la société, eu égard à l'importance des sommes objet de la fraude, de soustraire partie de ses biens aux poursuites futures de l'Administration et nuire ainsi aux droits de celle-ci en restreignant ses possibilités de recouvrement de sa créance par la saisie de ses biens, ce dont il résultait que M. X... avait organisé son insolvabilité au détriment d'un créancier futur ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les deux pourvois