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Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., salarié du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), ayant fait reconnaître le caractère professionnel de la leucémie provoquée par le benzène dont il était atteint, a invoqué, à l'origine de cette affection, une faute inexcusable de son employeur ; que celui-ci fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 21 novembre 1989) d'avoir retenu à sa charge l'existence d'une telle faute alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel, après avoir précisé qu'il n'entendait pas remettre en cause la présomption d'imputation au travail de la maladie dont était atteint M. X..., il avait fait valoir en revanche que la preuve d'un lien de causalité entre la prétendue faute inexcusable qui lui était reprochée et la maladie du salarié n'était pas apportée, que la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'une décision définitive de la Caisse avait reconnu la maladie comme relevant de la législation des maladies professionnelles de sorte qu'il n'y avait plus lieu de se prononcer sur le lien de causalité maladie-travail ; qu'en se déterminant ainsi sans examiner le moyen d'où il résultait qu'aucun rapport de cause à effet n'existait entre le comportement reproché au CEA et la maladie du salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le caractère indéterminé de la cause d'un accident ou d'une maladie professionnelle s'oppose à ce que soit retenue la faute inexcusable de l'employeur, qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit que la maladie professionnelle affectant M. X... découlait d'une faute inexcusable de son employeur sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, nonobstant la présomption d'imputabilité incontestée, l'origine de la maladie demeurait incertaine de sorte qu'elle ne pouvait être imputée à la faute inexcusable reprochée à l'employeur, qu'en se déterminant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, en outre, que la faute inexcusable de l'employeur s'entend d'une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, que cette gravité est constituée par le manquement à la plus élémentaire prudence ou le non-respect des règlements de sécurité ; qu'en l'espèce, pour dire que la maladie dont souffrait M. X... était la conséquence d'une faute inexcusable du CEA, les juges du fond se sont bornés à énoncer que dès 1973, l'analyse du produit utilisé par le salarié avait révélé la présence de benzène, de solutène et de xylène, mais que l'employeur avait omis de s'entourer des précautions nécessaires en ne recherchant pas les nuisances éventuelles de ce produit ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait le CEA, le taux de benzène relevé dans le Solvesso 150 ne revêtait aucun caractère de danger apparent et demeurait bien en deçà des normes établies tant par la réglementation interne que par les conventions internationales en la matière, les juges du fond, qui n'ont ainsi pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 précité ; et alors, enfin, que si la faute inexcusable de l'employeur
suppose la conscience chez celui-ci du danger auquel était exposé le salarié, cette circonstance ne peut être déduite du seul fait que l'employeur, organisme public spécialisé dans le traitement de produits dangereux, ait organisé un certain nombre de mesures tendant à prévenir les risques d'accident ; qu'en l'espèce, pour dire que le CEA avait conscience du danger encouru par son salarié atteint de leucémie, dont la cause est du reste demeurée incertaine, les juges du fait se sont fondés sur le seul motif que l'air des locaux où se trouvait entreposé le produit incriminé était renouvelé cinq fois par heure, que les salariés étaient munis de gants jetables et de masques filtrants et se trouvaient astreints à un contrôle médical systématique tous les 3 mois, qu'en déduisant la conscience chez l'employeur du danger du seul fait que celui-ci avait organisé des mesures de sécurité imposées par la nature de son activité, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 précité ;
Mais attendu que les juges du fond, appréciant les éléments de fait qui leur étaient soumis, relèvent que le CEA, bien que connaissant la présence de benzène dans l'atmosphère de l'atelier où M. X... participait à des travaux de recherche sur le traitement chimique de l'uranium, et sans qu'il soit besoin que la teneur du produit toxique atteigne un certain seuil, le tableau n° 4 des maladies professionnelles ne contenant aucune spécification à cet égard, n'avait pris aucune mesure efficace pour protéger ses salariés contre les effets nocifs de cette substance ; qu'ils indiquent encore que l'employeur, informé dès juin 1977 d'une modification dans la formule sanguine de M. X..., révélant l'atteinte portée à son organisme, n'avait que tardivement retiré l'intéressé de son poste de travail pour l'y affecter de nouveau le 24 août 1977 bien que son état eût dû, à cette date, le faire déclarer définitivement inapte ; que l'exposition au benzène étant établie par la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection, il appartenait à M. X... d'apporter la preuve que cette exposition s'était déroulée dans des conditions constitutives de la faute inexcusable qu'il imputait à son employeur ; qu'en l'état des éléments de fait ci-dessus rappelés et qui établissent l'exceptionnelle gravité des fautes de l'employeur ainsi que la conscience qu'il aurait dû avoir du danger auquel son salarié était exposé, la cour d'appel a décidé à bon droit que cette preuve avait été administrée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi