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06/06/1991 | FRANCE | N°90-83824

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 juin 1991, 90-83824


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Comité national contre le tabagisme, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 29 mars 1990, qui a relaxé Jacques X... et Bernard Y... du chef de publicité illicite en faveur du tabac, et l'a débouté de sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et m

anque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé MM...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Comité national contre le tabagisme, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 29 mars 1990, qui a relaxé Jacques X... et Bernard Y... du chef de publicité illicite en faveur du tabac, et l'a débouté de sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé MM. Jacques X... et Bernard Y... du chef de publicité illicite en faveur du tabac ou des produits du tabac et débouté le Comité national contre le tabagisme de son action civile ;
" aux motifs qu'il ne peut être reproché à la société R. J. Reynolds Tobacco France, même si l'on peut y trouver quelque malice, d'avoir déposé à l'INPI pour un produit qu'elle commercialise un modèle de marque particulièrement élaboré et attractif qu'elle utilise, ensuite, à des fins publicitaires, la notion de fraude à la loi, telle que l'entendent les premiers juges, étant étrangère au droit pénal, les textes en matière répressive devant être d'interprétation stricte ;
" alors, d'une part, que, appelé à se prononcer sur un texte dérogatoire à une interdiction générale, le juge doit rechercher si l'apparent respect de ses dispositions ne tend pas à détourner ce texte de sa finalité ; que constitue une fraude à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 dont la finalité est la sobriété de la publicité pour les produits du tabac, lorsqu'elle est autorisée, le fait de déposer directement comme emblème de la marque une représentation graphique élaborée et attractive constituant la publicité elle-même ; que, dès lors, en rejetant le concept de fraude à la loi comme contraire à l'interprétation stricte du droit pénal, la cour d'appel a vidé de son sens l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 qu'elle a ainsi violé ;
" alors, d'autre part, que, ayant énoncé que l'on pouvait trouver quelque malice à voir déposer un emblème particulièrement élaboré et attractif, la cour d'appel ne pouvait décider ensuite que la notion de fraude à la loi était étrangère à une telle démarche, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé MM. Jacques X... et Bernard Y... du chef de publicité illicite en faveur du tabac ou des produits du tabac et débouté le Comité national contre le tabagisme de son action civile ;
" aux motifs qu'il n'est pas discuté que la publicité en cause reproduit sans y rien changer, de manière artistique, l'emblème même de la marque " Camel Extra Mild " sous l'unique réserve que, sur la page publicitaire apparaît, dans le coin supérieur droit, le mot " nouveau " en bleu sur fond rectangulaire de même couleur que celle du mot " Camel " figurant au-dessus de la représentation du paquet de cigarettes ; que l'adjonction, en haut de page d'un tel adjectif de caractère banal, destinée seulement à appeler l'attention du lecteur sur la nouveauté d'un produit, ne saurait toutefois, à elle seule, être constitutive de l'infraction prévue et réprimée par les articles 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976 ;
" alors, d'une part, que la publicité doit consister seulement en la représentation graphique ou photographique de l'emblème de la marque des cigarettes ; que la seule inscription du terme " nouveau " au-dessus de la représentation du paquet de cigarettes ajoutait nécessairement à la description limitative autorisée par l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 qui doit s'interpréter strictement ; que dès lors, en décidant que cette inscription n'était pas constitutive à elle seule de l'infraction prévue et réprimée par ladite loi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" alors, d'autre part, que, en se bornant à indiquer que l'adjectif " nouveau " avait un caractère banal destiné seulement à appeler l'attention du lecteur sur la nouveauté d'un produit, sans rechercher si précisément le caractère nouveau du produit mis ainsi en valeur n'avait pas une fin publicitaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits de tabac, dans le cas où elle est autorisée, ne peut comporter d'autre représentation graphique ou photographique, outre celle du produit et de son emballage, que celle de l'emblème de la marque, lequel s'entend de sa représentation réduite à une figure destinée à la symboliser ;
Attendu que Jacques X..., directeur général de la société Reynolds Tobacco France, et Bernard Y..., directeur de la publication de l'hebdomadaire Télérama, ont été poursuivis pour avoir effectué une publicité illicite en faveur du tabac en faisant paraître, dans ce magazine, une publicité en faveur des cigarettes " Camel Extra Mild " ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, les juges exposent qu'aux termes de l'article 8 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 applicable à l'espèce, la publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac ne peut comporter d'autres mentions que la dénomination du produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant, du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque ; que cependant, en l'espèce, l'emblème de la marque de cigarettes " Camel Extra Mild " a fait l'objet de la part de la société R. J. Reynolds Tobacco France d'un dépôt à l'INPI le 13 septembre 1988 sous le n° 954121, chacun des éléments de cet emblème pris séparément ayant été, en outre, déposé à la même date sous les n°s 954120, 954122, 954123 et 954124 ; qu'il se présente de la manière suivante : sous les mots " l'Extra Légère de Camel " (dépôt n° 954122), un homme vu de dos, à contre-jour, en chemise aux manches retroussées et pantalon, appuyé d'une main à l'un des montants d'une paillote construite sur pilotis tandis qu'à ses pieds une barque flotte sur l'eau, le tout occupant les deux tiers gauche de l'emblème (dépôt n° 954120), tandis qu'en bas de celui-ci et à droite apparaît, sous les mots " Camel Extra Mild " (dépôt n° 954124), un paquet de cigarettes fermé portant, avec l'image bien connue du dromadaire, des trois palmiers et de la pyramide, dans sa partie haute, les mots " Camel Extra Mild " et, dans sa partie basse, les mots " Extra Mild Camel Taste " (dépôt n° 954123), une cigarette, c'est-à-dire le produit lui-même, étant par ailleurs représentée sous le paquet " ; que les juges ajoutent " qu'il n'est pas discuté que la publicité en cause reproduit, sans y rien changer, de manière artistique, l'emblème de la marque " Camel Extra Mild ", sous l'unique réserve que, sur la page publicitaire, apparaît, dans le coin supérieur droit, le mot " nouveau " en bleu sur un fond rectangulaire de même couleur que celle du mot " Camel " figurant au-dessus de la représentation du paquet de cigarettes " ; " que l'adjonction, en haut de page, d'un tel adjectif de caractère banal, destinée seulement à appeler l'attention du lecteur sur la nouveauté du produit, ne saurait, toutefois, à elle seule, être constitutive de l'infraction prévue et réprimée par les articles 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976 ; que par ailleurs, il ne peut être reproché à la société R. J. Reynolds Tobacco France, même si on peut y trouver quelque malice, d'avoir déposé à l'INPI pour un produit qu'elle commercialise un modèle de marque particulièrement élaboré et attractif qu'elle utilise, ensuite, à des fins publicitaires, la notion de fraude à la loi, telle que l'entendent les premiers juges, étant étrangère au droit pénal, les textes en matière répressive devant être d'interprétation stricte " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le dépôt d'un modèle de marque à l'INPI n'autorise pas par lui-même son utilisation publicitaire, alors, d'autre part, qu'il résulte de sa propre description des modèles de marque que celui ayant servi de support à la publicité incriminée ne constitue pas, en raison de son élaboration et de sa complexité, un emblème, et alors, enfin, qu'à ce modèle était adjoint un élément étranger, en l'espèce le terme " nouveau ", la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 29 mars 1990, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-83824
Date de la décision : 06/06/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Propagande ou publicité - Publicité autorisée en faveur du tabac - Conditions - Emblème de marque - Emblème - Définition.

1° La publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac, dans le cas où elle est autorisée, ne peut comporter d'autre représentation graphique ou photographique, outre celle du produit et de son emballage, que celle de l'emblème de la marque. L'emblème d'une marque s'entend de sa représentation réduite à une figure destinée à la symboliser et ne saurait être constitué d'éléments disparates réunis en une composition complexe et élaborée

2° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Propagande ou publicité - Publicité autorisée en faveur du tabac - Conditions - Représentation graphique ou photographique d'éléments - Eléments - Enumération limitative.

2° Est, en toute hypothèse, contraire à la loi du 9 juillet 1976 la publicité qui comporte un élément étranger à l'énumération de l'article 8 de ce texte, en l'espèce le mot " nouveau "

3° FAITS JUSTIFICATIFS - Santé publique - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Propagande ou publicité - Publicité autorisée en faveur du tabac - Conditions - Emblème de marque - Dépôt d'une marque complexe à l'Institut national de la propriété industrielle (non).

3° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Propagande ou publicité - Publicité autorisée en faveur du tabac - Conditions - Emblème de marque - Dépôt d'une marque complexe à l'Institut national de la propriété industrielle - Fait justificatif (non).

3° Le seul fait qu'une marque ait été déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ne saurait justifier son utilisation comme support d'une publicité en faveur du tabac


Références :

Loi 76-616 du 09 juillet 1976 art. 8, art. 12

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre correctionnelle), 29 mars 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 jui. 1991, pourvoi n°90-83824, Bull. crim. criminel 1991 N° 244 p. 628
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 244 p. 628

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Maron
Avocat(s) : Avocats :MM. Cossa, Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.83824
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