REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 1989, qui, pour obstacle à l'accomplissement des devoirs de contrôleurs du travail et de la protection sociale agricole, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende d'un montant de 10 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 611-9 et L. 631-1 du Code du travail, ensemble méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de l'infraction tirée d'obstacles mis à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du Travail ;
" aux motifs propres et adoptés qu'il importe en premier lieu de rappeler que le simple refus de communiquer un document que l'employeur est tenu de conserver à la disposition de l'inspecteur du Travail, constitue une infraction spécifique sanctionnée par une simple contravention ; que le délit d'obstacle est caractérisé dès lors qu'un acte positif impliquant une manoeuvre volontaire a été commis ; qu'aux termes mêmes des dispositions de l'article L. 611-9 du Code du travail les inspecteurs du Travail peuvent se faire présenter au cours de leurs visites l'ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par le présent Code ou par une disposition de loi ou règlement relative au régime du travail ; que ce même texte en son deuxième alinéa impose aux chefs d'établissement de tenir à la disposition de l'inspecteur du Travail et pendant une durée d'une année, y compris dans le cas d'horaires individualisés, le ou les documents existant dans l'établissement qui lui permettent de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié ; que les contrôleurs des lois sociales en agriculture sont également habilités à se faire remettre les disques de contrôle des véhicules poids lourds utilisés dans les entreprises de travaux agricoles ; qu'il résulte du procès-verbal des contrôleurs des lois sociales en agriculture dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire, que le prévenu s'est d'abord opposé à la présentation des fiches navettes susdécrites en donnant diverses versions pour le moins incohérentes et a finalement déclaré que celles-ci n'existaient pas en réalité ; que dans ses écritures déposées devant la Cour, X... soutient maintenant que ces fiches ont bien existé mais qu'elles étaient détruites après établissement des factures clients et que depuis la fin de l'année 1987, celles-ci n'étaient plus utilisées ; qu'encore et surtout le procès-verbal précité porte mention du refus conscient et délibéré du prévenu de présenter les disques de contrôle des véhicules poids lourds concernant l'année écoulée, caractérisant sans ambiguïté son désir de faire obstacle à l'accomplissement des devoirs des contrôleurs du Travail, refus encore souligné par l'adresse faite aux agents d'aller eux-mêmes chercher les disques ; qu'il résulte de l'ensemble des énonciations et circonstances de fait précitées que X... s'est bien rendu coupable du délit qui lui est reproché, lequel est établi dans tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel dès lors qu'il a refusé de satisfaire aux demandes régulières des contrôleurs et leur a donné volontairement des renseignements imprécis et inexacts de nature à limiter, sinon éluder, leurs possibilités d'investigation ;
" alors que la Cour ne caractérise pas l'élément légal de l'infraction, puisqu'elle ne précise pas sur le fondement de quelles dispositions législatives ou réglementaires le prévenu était tenu de présenter aux inspecteur et contrôleur du Travail et de la main-d'oeuvre les fiches navettes établies pour le seul usage interne de l'entreprise et les disques de contrôle des véhicules poids lourds ; qu'ainsi, la cour d'appel ne met pas la Cour de Cassation à même de s'assurer de la légalité de la décision déférée à sa censure " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du procès-verbal, base de la poursuite, que Joseph X..., entrepreneur de travaux agricoles, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement de l'article L. 631-1 du Code du travail, pour avoir refusé de présenter à des contrôleurs des lois sociales en agriculture, agissant à la suite de réclamations de salariés de l'entreprise relatives au paiement d'heures supplémentaires, divers documents de nature à permettre de comptabiliser leurs heures de travail ; qu'il s'agissait des fiches navettes mentionnant les temps de travail effectués chaque jour à l'occasion de la réalisation de travaux chez les clients de la société ainsi que des états de frais de déplacement mensuels et des disques de contrôlographes des poids lourds utilisés, ces documents étant demandés pour vérifier le nombre exact des heures de travail accomplies et pour déterminer si l'employeur n'avait pas réussi à s'abstenir de rémunérer les heures supplémentaires grâce à une majoration des frais de déplacement ;
Attendu que pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait que la loi n'exigeait pas la présentation des documents réclamés, internes à l'entreprise, et pour dire la prévention établie, les juges du fond, après avoir rappelé que, selon l'alinéa premier de l'article L. 611-9 du Code du Travail, les fonctionnaires de l'inspection du Travail peuvent se faire présenter au cours de leurs visites, l'ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par ledit Code, ou par une disposition de loi ou de règlement relatif au régime du travail, retiennent aussi qu'il résulte de l'alinéa 2 du même texte que les chefs d'établissement doivent tenir à la disposition des fonctionnaires et pendant une durée d'1 an, y compris dans le cas d'horaires individualisés, le ou les documents existant dans l'établissement qui permettent de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié ; que les juges énoncent que le délit poursuivi est établi, dès lors que Joseph X... a refusé de satisfaire aux demandes régulières présentées par les contrôleurs et qu'il leur a volontairement donné des renseignements imprécis et inexacts de nature à limiter, sinon éluder, leurs possibilités d'investigation ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges d'appel ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction retenue à la charge du demandeur sans encourir les griefs du moyen ; que les fiches, états et disques en cause constituaient des documents de l'établissement de nature à permettre de comptabiliser les heures de travail de chacun des salariés, comme le prévoit l'article L. 611-9 susvisé du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1985 ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.