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28/05/1991 | FRANCE | N°90-83957

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mai 1991, 90-83957


CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Lucien,
- Les Laminoirs de Strasbourg SOLLAC SA, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 mai 1990, qui, pour homicide involontaire et infraction aux règles de sécurité du travail, a condamné le prévenu à la peine de 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des art

icles 1134 du Code civil, L. 233-1, R. 233-3, alinéa 1er, L. 231-4, alinéas 2 et ...

CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Lucien,
- Les Laminoirs de Strasbourg SOLLAC SA, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 mai 1990, qui, pour homicide involontaire et infraction aux règles de sécurité du travail, a condamné le prévenu à la peine de 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 du Code civil, L. 233-1, R. 233-3, alinéa 1er, L. 231-4, alinéas 2 et 3, L. 263-2 du Code du travail, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'homicide involontaire et d'infractions aux dispositions du Code du travail relatives à la sécurité des travailleurs ;
" aux motifs que les fautes ayant un lien direct avec la mort accidentelle de Y..., et qui sont imputables à X..., comme responsable de la sécurité dans l'établissement, peuvent se résumer ainsi :
- absence de consignes précises ;
- absence de surveillance ;
- défaut de dispositif protecteur ;
" que pour ce qui est de l'absence de consignes précises, X... ne conteste pas n'avoir pas donné de consignes ou instructions écrites ou verbales quant au mode d'utilisation de la ligne de galvanisation, et notamment de l'entrée de celle-ci ;
" que l'audition de A... démontre qu'aucune consigne écrite n'avait été donnée à ce sujet ; que X... ne fait état que de consignes d'ordre général concernant la sécurité dans l'entreprise, et qui ont été diffusées auprès des salariés déjà en 1982 par la direction générale ; qu'à l'évidence de telles consignes, par surcroît anciennes et non renouvelées, ne suffisaient pas ; qu'en l'absence de consignes précises, X... doit répondre de cette faute ;
" que pour ce qui est de l'absence de surveillance, les déclarations des salariés sont divergentes quant à la méthode adoptée pour le nettoyage des rouleaux ; qu'en effet certains disent que le nettoyage se faisait fréquemment en marge ; d'autres restent muets sur ce point, alors que d'autres encore prétendent le contraire ; que, quant au moyen utilisé, certains soutiennent qu'ils faisaient le nettoyage des rouleaux avec un chiffon ou même un morceau de tôle pour gratter, d'autres affirmant même qu'ils ont vu la maîtrise elle-même procéder de cette façon ;
" qu'interrogé sur ce point, X... déclare tout ignorer, ajoutant que s'il l'avait su, il aurait immédiatement pris des sanctions tant à l'égard de la maîtrise que du salarié procédant ainsi ;
" que l'emploi de ces procédés ne s'explique que par l'absence de contrôle ou de surveillance de la part de X..., qui devait veiller personnellement à ce que des opérations dangereuses et réitérées, telles que les nettoyages des bandes sans précaution aucune, ne s'opèrent ;
" qu'il n'est pas sans intérêt de relever que, selon Z... entendu par les services de police, Y... avait l'habitude d'intervenir sur le rouleau en nettoyant la bande avec un chiffon et que le jour même de l'accident, vers 8 heures, il avait utilisé ce procédé ;
" que pour ce qui concerne le défaut de dispositif protecteur, X... devait installer un dispositif de protection, ce qui n'a été fait qu'après l'accident ; qu'en effet, les policiers notent que depuis, une grille protectrice a été mise en place, et un bouton d'arrêt d'urgence installé à proximité du rouleau ;
" alors, d'une part, qu'en estimant que diverses fautes imputables à X..., telles que l'absence de consignes précises, l'absence de surveillance et le défaut de dispositif protecteur, auraient un lien direct avec la mort accidentelle de Y..., sans pour autant déterminer les circonstances dans lesquelles celui-ci est décédé, ni reconstituer la manoeuvre au cours de laquelle il a été happé par les rouleaux pinceurs situés à l'entrée de la ligne de galvanisation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 263-2 du Code du travail ;
" alors, d'autre part, qu'aux termes des " consignes générales de sécurité ", distribuées à l'ensemble du personnel en 1982, toutes les interventions et notamment le nettoyage des machines devaient impérativement être faites à l'arrêt, ce qui impliquait l'interdiction formelle de procéder à ce type d'opération en marche, de sorte qu'en estimant que ces consignes n'étaient pas, faute de précision suffisante, de nature à assurer une prévention efficace des accidents, la cour d'appel qui dénature le document susvisé a violé l'article 1134 du Code civil ;
" alors, de troisième part, qu'en estimant que le recours au nettoyage des rouleaux pendant la marche s'expliquerait par l'absence de contrôle ou de surveillance de la part de X..., qui devait veiller personnellement à ce que ce type de manoeuvres ne s'opère, tout en relevant que les déclarations des salariés divergeaient quant à la méthode adoptée pour ledit nettoyage, ce dont il résultait nécessairement qu'il existait un doute sur la réalité de telles pratiques, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et, partant, a violé par fausse application l'article L. 263-2 du Code du travail ;
" que pour la même raison, la cour d'appel qui condamne le prévenu tout en admettant qu'il existait un doute sur la réalité des pratiques litigieuses, a violé le principe de la présomption d'innocence consacré par les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" alors, enfin, qu'en se déterminant par la seule circonstance qu'une grille protectrice a été mise en place après l'accident, pour en déduire qu'au jour dudit accident l'installation n'aurait pas été équipée d'un dispositif protecteur, sans rechercher s'il ne s'agissait pas d'une protection supplémentaire qui, s'ajoutant à celle existant auparavant qui était suffisante pour protéger les salariés en cas d'utilisation normale de la machine, était destinée à faire échec à toute manoeuvre inconsidérée telle que celle opérée par la victime qui, pour intervenir sur le dérouleur en marche, a dû monter sur un mur en béton, puis se pencher et adopter une position tout à fait exceptionnelle, qui lui était formellement interdite, la cour d'appel qui se fonde sur un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 233-1 du Code du travail " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, et du jugement partiellement confirmé, que le 16 septembre 1987, Amar Y..., ouvrier salarié de l'usine sidérurgique Les Laminoirs de Strasbourg, a été victime d'un accident mortel du travail, alors qu'il était employé dans un atelier de galvanisation, et qu'il avait entrepris, pendant le déroulement d'une bande de tôle, de nettoyer, à l'entrée de la ligne, le rouleau pinceur d'une machine, qui a happé son bras ;
Attendu que pour déclarer Lucien X... coupable d'homicide involontaire et d'infraction à la réglementation de la sécurité du travail, en qualité de directeur technique des usines, président du comité d'hygiène et de sécurité de l'établissement, la cour d'appel énonce que le prévenu " devait faire installer un dispositif de protection, ce qui n'a été fait qu'après l'accident ", et qu'en méconnaissant les dispositions de l'article R. 233-3, alinéa 1er, du Code du travail, il a commis une faute personnelle qui a directement contribué à l'accident mortel dont Y... a été victime ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés, a caractérisé en tous leurs éléments les délits reprochés au prévenu, et justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 432-1 du Code du travail, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a admis la recevabilité de la constitution de partie civile du comité d'entreprise de la SA SOLLAC et condamné X... et la société SOLLAC à lui verser une somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que la jurisprudence admet que le comité d'entreprise est recevable à se constituer partie civile en toutes instances ayant trait à la sécurité des travailleurs ;
" que cette action se justifie par les attributions générales des comités d'entreprise en matière d'hygiène et de sécurité du travail dans les entreprises ;
" que le comité d'entreprise est donc recevable en sa constitution de partie civile à l'égard de X... et son civilement responsable ;
" qu'ayant subi un préjudice certain du fait des agissements de X..., il peut prétendre à 1 franc à titre de dommages-intérêts ;
" alors, d'une part, que si le comité d'entreprise jouit de la personnalité civile et peut ester en justice, il ne tient cependant d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement de l'infraction poursuivie, de sorte qu'en se déterminant par la seule circonstance que le comité d'entreprise serait recevable à se constituer partie civile en toutes instances ayant trait à la sécurité des travailleurs, eu égard aux " attributions générales des comités d'entreprises en matière d'hygiène et de sécurité du travail dans l'entreprise ", sans rechercher si les faits reprochés au prévenu auraient été de nature à porter directement atteinte aux prérogatives légales du comité, la cour d'appel qui se fonde sur des considérations radicalement inopérantes ne permettant pas de distinguer le prétendu préjudice subi par le comité d'entreprise d'une atteinte à l'ordre public, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2 du Code de procédure pénale ;
" qu'il en est d'autant plus ainsi que, contrairement au syndicat, le comité d'entreprise n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel ni les intérêts généraux de la profession, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 432-1 du Code du travail ;
" alors, d'autre part et de toute façon, que faute de préciser la nature et l'étendue du trouble que le comité d'entreprise aurait subi directement du fait des agissements du prévenu, la cour d'appel, qui se borne à énoncer que le comité d'entreprise aurait subi un préjudice certain du fait des agissements de X..., sans caractériser les éléments d'un préjudice trouvant directement sa source dans l'infraction poursuivie, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, applicables au comité d'entreprise ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action civile du comité d'entreprise de la société SOLLAC, les juges énoncent que le comité d'entreprise est recevable à se constituer partie civile en toutes instances ayant trait à la sécurité des travailleurs, que cette action se justifie par les attributions générales des comités d'entreprise en matière d'hygiène et de sécurité du travail, et que le comité en cause a subi un préjudice certain du fait des agissements du prévenu ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le comité d'entreprise n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et qu'il ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de sécurité du travail, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef, et qu'il y a lieu, en application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, de déclarer la constitution de partie civile irrecevable ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 14 mai 1990, mais seulement en celles de ses dispositions concernant le comité d'entreprise de la société SOLLAC ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DECLARE IRRECEVABLE la constitution de partie civile du comité d'entreprise de la société SOLLAC,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Action civile - Recevabilité - Conditions - Sécurité du travail - Préjudice personnel et direct - Nécessité

ACTION CIVILE - Recevabilité - Comité d'entreprise - Conditions - Sécurité du travail - Préjudice personnel et direct - Nécessité

Le comité d'entreprise n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de sécurité du travail (1).


Références :

Code de procédure pénale 2, 3
Code du travail L432-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 14 mai 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1983-06-07 , Bulletin criminel 1983, n° 172, p. 424 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1988-11-04 , Bulletin criminel 1988, n° 373, p. 991 (cassation).


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 28 mai. 1991, pourvoi n°90-83957, Bull. crim. criminel 1991 N° 226 p. 576
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 226 p. 576
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Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Guerder
Avocat(s) : Avocat :la SCP Célice et Blancpain

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 28/05/1991
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90-83957
Numéro NOR : JURITEXT000007067155 ?
Numéro d'affaire : 90-83957
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1991-05-28;90.83957 ?
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