REJET du pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre correctionnelle, en date du 20 mars 1990, qui, pour homicide involontaire et infraction aux articles 4 et 20 du décret du 29 novembre 1977, ainsi qu'à l'article 20 du décret du 8 janvier 1965, l'a condamné à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 8 000 francs d'amende, en le dispensant de toute mesure de publication.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail, 4 et 20 du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 et 20 du décret du 8 janvier 1965, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel X... coupable d'homicide involontaire sur la personne de Francisco Y... et d'infraction au Code du travail ;
" aux motifs que si le premier juge s'est quelque peu avancé, en sa décision qui indique que l'entreprise SPAT exploite une décharge stérile en vertu d'un contrat de concession, alors que ce contrat ne semble pas avoir été produit aux débats de première instance, il a, à juste titre, estimé que cette entreprise faisait fonctionner un lieu de travail qui la soumettait aux prescriptions du Code du travail, en ce qui concerne les travailleurs exerçant leur activité sur place ; Daniel X... s'est bien gardé de produire aux débats de première instance et à ceux d'appel, aucun document concernant l'activité de la société qu'il présidait et préside encore, tels que : extrait K bis du registre du commerce, statuts, déclaration souscrite (citée à l'arrêté préfectoral du 6 mai 1971) tendant au remblaiement de terrains atteignant presque 100 hectares ; mais, en versant la convention du 5 mai 1986 (qui montre que cette société exploite une décharge stérile), et diverses photographies (montrant la présence de clôtures et grilles d'accès, de voies macadamisées, dont elle doit assurer l'entretien, d'un bâtiment léger et de murs supportant des pancartes indiquant les jours et heures d'ouverture de la décharge exploitée par elle, et faisant apparaître un appareil de pesées des camions pleins avant déchargement de leur contenu), et en ne critiquant pas les constatations du contrôleur du Travail, en son procès-verbal du 26 novembre 1986, daté du 29 janvier 1987 (qui a précisé qu'au cours de pointes, le nombre journalier de camions déchargeant pouvait s'élever de 150 à 300, jusqu'à 500, et qu'après déchargement, deux bulldozers de la SPAT nivellaient le terrain, pour permettre l'accès à de nouveaux camions), il ne peut sérieusement soutenir ni que la SPAT n'a aucune maîtrise sur les entreprises utilisant cette décharge, ni que ses seules activités consistent à entretenir et à remblayer des chaussées, ni enfin, que la décharge dépend du domaine public, et ne peut être considérée comme constituant l'établissement, la dépendance ou le chantier de cette société, même si d'autres entreprises ou personnes travaillaient sur les lieux (notamment l'entreprise Z... et la société TTM, dont le chauffeur a été définitivement jugé coupable, pour sa part, de la mort de Y...) ; dès lors, le travail simultané de la SPAT, exploitante des lieux, et de la société Z..., employeur du salarié travaillant sur les mêmes lieux, conduit à l'application des articles 4 et 20 du décret du 29 novembre 1977 ; faute de mesures prises en vertu de ce texte, et d'établissement du procès-verbal précisant celles-ci, à raison d'une durée dépassant 400 heures par an, non contestée par Daniel X..., au vu des déclarations de Georges Z..., rappelant que Y... était salarié de son entreprise depuis le 1er mai 1986, soit environ 6 mois, pour un salaire de base se rapportant à 169 heures par mois, pour un salaire de base de 6 000 francs, Daniel X... sera confirmativement déclaré coupable d'infractions au décret du 29 novembre 1977 ; cette double négligence, et, surtout, la première d'entre elles, qui n'a pas permis le respect de l'article 20 du décret du 8 janvier 1965, prescrivant l'organisation d'une signalisation, destinée au chauffeur d'un camion, particulièrement, en manoeuvre de recul, et aux personnes travaillant dans la zone d'évolution du véhicule, constitue, à la charge de Daniel X... la faute d'omission ayant, pour partie, été la cause de la mort de Y..., dont il ne peut s'exonérer en soutenant, contre toute vraisemblance, que la décharge exploitée par sa société constituait une voie publique, ouverte à tous, dont la sécurité aurait été du ressort de l'autorité publique, départementale ou communale ;
" alors, d'une part, qu'en ne s'expliquant pas, compte tenu de la contestation dont elle était saisie par le demandeur, sur l'incidence des limites de l'autorisation d'activité (remblaiement, avec l'obligation d'entretien des voies publiques empruntées) accordée à la société SPAT par l'arrêté préfectoral du 6 mai 1971, pas plus que sur le caractère public ou privé de la décharge en cause et la détermination de l'autorité, publique ou privée, chargée de réglementer la circulation sur la décharge, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, en se bornant à reprocher au prévenu de n'avoir pas prescrit une signalisation destinée au chauffeur d'un camion, particulièrement la zone d'évolution du véhicule, les juges du fond n'ont ni caractérisé l'existence des conditions de simultanéité et d'interférence nécessaires des activités de l'entreprise utilisatrice (la société SPAT, selon l'arrêt attaqué) et l'entreprise intervenante, ni une méconnaissance des dispositions du décret du 29 novembre 1977 à l'origine de l'accident ;
" alors, enfin, que, le décret du 29 novembre 1977 ne s'applique pas lorsque les risques professionnels découlent des activités, même simultanées, d'entreprises extérieures ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué n'a fait que constater les risques professionnels nés de la simultanéité et de l'interférence des activités d'entreprises extérieures (comme les entreprises Z... et TTM dont seuls les salariés étaient impliqués dans l'accident), à l'exclusion des activités de la société SPAT, supposée utilisatrice, ce qui ne permettaient pas de faire application des dispositions réglementaires susvisées " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 21 novembre 1986, Francisco Y..., salarié de l'entreprise Z..., chargé de récupérer des déchets industriels sur la décharge de la société SPAT, exploitée par Daniel X..., a été mortellement blessé par un camion semi-remorque conduit par Jean-Marc A..., salarié de la société TTM, qui reculait pour vider sa benne ;
Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité retenue par les premiers juges, la cour d'appel énonce que la décharge exploitée par X..., tendant au remblaiement de terrains d'une superficie de près de 100 hectares, comporte des clôtures et grilles d'accès, des voies macadamisées dont la société SPAT assure l'entretien, ainsi qu'un appareil de pesée ; que cette décharge reçoit jusqu'à 500 camions par jour et qu'après déchargement, deux bulldozers de la SPAT nivellent le terrain pour permettre l'accès de nouveaux véhicules ;
Attendu que l'arrêt attaqué en conclut qu'il ne peut être sérieusement soutenu que la société SPAT n'a aucune maîtrise sur les entreprises utilisant cette décharge, ni que sa seule activité consiste à entretenir ou remblayer les chaussées, ni que la décharge dépend du domaine public ; que le travail de la SPAT, exploitante des lieux-qui constituent l'établissement, la dépendance ou le chantier de cette société-et celui, simultané de la société Z..., employeur de la victime, conduisaient dès lors à l'application des articles 4 et 20 du décret du 29 novembre 1977, la somme des durées de travail des salariés de l'entreprise intervenante dans le même établissement de l'entreprise utilisatrice excédant 400 heures par an ; que Daniel X... aurait donc dû, d'une part, définir avec la société Z... les mesures à prendre en vue d'éviter les risques professionnels pouvant résulter de l'exercice simultané en un même lieu des activités des deux entreprises, et d'autre part, signer avec l'entreprise intervenante un procès-verbal détaillant lesdites mesures et constatant leur accord ;
Attendu que la cour d'appel relève enfin que l'article 20 du décret du 8 janvier 1965 prescrivant l'organisation d'une signalisation destinée, particulièrement en manoeuvre de recul, au chauffeur d'un camion et aux personnes travaillant dans la zone d'évolution du véhicule, n'a pas été respecté ; que cette négligence constitue à l'encontre de Daniel X... la faute d'omission ayant, pour partie, été la cause de la mort de Y..., et dont il ne peut s'exonérer en soutenant, contre toute vraisemblance, que la décharge exploitée par sa société était une voie publique, ouverte à tous et relevant pour sa sécurité de l'autorité publique ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, déduites d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la juridiction du second degré, qui a répondu sans insuffisance aux conclusions prétendument délaissées, a fait l'exacte application des textes invoqués et a caractérisé en tous leurs éléments les infractions aux règlements précités concernant la sécurité des travailleurs ainsi que le délit d'homicide involontaire, objet de la prévention ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.