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Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juillet 1989), qu'une ordonnance du 7 novembre 1969 a prononcé l'expropriation pour cause d'utilité publique, aux fins de réalisation d'un ensemble urbain, de deux parcelles appartenant à la société civile immobilière Pompadour ; que celle-ci, invoquant l'absence de toute notification de l'ordonnance, a saisi le 21 janvier 1988 le juge de l'expropriation aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession foncière due par la commune de Créteil, qui avait été, entre-temps, expropriée de ces mêmes parcelles au profit de l'Etat, pour une opération de voirie, selon ordonnance du 1er septembre 1980 ; que, rejetée en première instance au motif qu'avisée par la direction de l'Equipement du Val-de-Marne de l'existence des deux procédures successives d'expropriation, la SCI avait encouru la prescription quadriennale, la demande de cette société a cependant été accueillie en appel, la cour d'appel ayant retenu que, faute de notification régulière de l'ordonnance, la SCI devait être légitimement regardée comme ignorant l'existence de la créance ;
Attendu que la commune de Créteil fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué et d'avoir fixé une indemnité, alors, selon le moyen, 1°) que la créance d'indemnité de l'exproprié prend naissance le jour de l'ordonnance d'expropriation qui, aux termes de l'article L. 12-2 du Code de l'expropriation, éteint à sa date les droits réels et personnels existant sur l'immeuble ; que l'exproprié peut saisir le juge de sa demande en fixation de l'indemnité à partir de l'ordonnance d'expropriation, en application de l'article L. 13-4 du Code de l'expropriation ; qu'en subordonnant la naissance de la créance de l'expropriée et sa possibilité de saisir le juge de l'expropriation de la demande d'indemnité à la notification de l'ordonnance d'expropriation, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 12-2 et L. 13-4 du Code de l'expropriation ; 2°) que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, disposant que la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ", constitue une exception au jeu de la prescription quadriennale et ne peut recevoir application lorsqu'il résulte des circonstances de l'espèce que le créancier a eu effectivement connaissance de l'existence de sa créance ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre du 3 août 1979, à laquelle elle avait répondu le 3 octobre 1979, que l'expropriée avait eu effectivement connaissance de l'existence de sa créance dès cette date ; qu'en déclarant cependant qu'elle pouvait être légitimement regardée comme ignorant l'existence de sa créance, l'arrêt attaqué a violé l'article 3 précité ;
Mais attendu, d'une part, que l'ordonnance d'expropriation éteint par elle-même et à sa date tous droits réels existant sur les immeubles expropriés et envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux règles de fixation des indemnités ; qu'aux termes de l'article R. 12-5 du Code de l'expropriation, l'ordonnance ne peut être exécutée à l'encontre de chacun des intéressés que si elle lui a été préalablement notifiée par l'expropriant ; que, relevant que la commune de Créteil, bénéficiaire de l'expropriation, n'établissait pas avoir notifié régulièrement l'ordonnance, l'arrêt en déduit, à bon droit, que cette décision ne pouvait être exécutée avec tous ses effets, y compris le départ du cours de la prescription instituée par la loi du 31 décembre 1968 ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu justement qu'une correspondance de la direction départementale de l'Equipement du 3 août 1979, tiers à l'expropriation litigieuse, ne constituait pas une notification régulière, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 en décidant que l'expropriée devait être légitimement regardée comme ignorant l'existence de sa créance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi