REJET du pourvoi formé par :
- X... Adeline, épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry, en date du 19 décembre 1990, qui l'a renvoyée devant la cour d'assises du département de la Savoie, sous l'accusation de tentative d'assassinat.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 156, 158, 164, 206 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le rapport d'expertise des docteurs Z... et A... du 29 septembre 1989 (cote B. 5) ;
" aux motifs que les experts psychiatres ne peuvent remplir leur mission sans examiner l'inculpée, ce qui, compte tenu de leur spécialité, implique qu'ils lui posent des questions ; que la loi autorise le médecin expert à poser à l'inculpée les questions nécessaires à l'accomplissement de sa mission hors la présence du juge et des conseils ; qu'aucune nullité n'est encourue, toute possibilité restant au demeurant pour la défense de critiquer au fond le rapport des experts (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er) ;
" 1° alors que tout accusé a droit à l'assistance d'un avocat, et ce à tous les stades de la procédure ; que ce principe s'oppose à ce qu'un inculpé soit entendu par un expert, serait-il même médecin, sans l'assistance de son avocat dès lors que ce médecin n'accomplit pas une mission d'ordre médical mais qu'il participe à l'élaboration du dossier d'instruction en émettant un avis qui a pour objet d'influer sur l'appréciation de la culpabilité et l'accessibilité à une sanction pénale du prévenu ;
" 2° alors qu'en toute hypothèse la mission des experts ne peut avoir pour objet que des questions d'ordre technique ; que les experts Z... et A... qui avaient été chargés de procéder à l'expertise psychiatrique de l'inculpée se sont substitués au juge d'instruction en procédant à un interrogatoire sur les faits incriminés, en procédant à des commentaires sur les modifications entre les versions successives, en confrontant les déclarations de l'inculpée avec celles de la victime et en rapportant même entre guillemets certains propos, isolés de leur contexte, tenus par l'inculpée ; qu'en usant de la sorte de leur pouvoir d'interroger le prévenu sans les garanties de protection des droits de la défense dont celui-ci bénéficie pendant l'instruction et en s'affranchissant de la sorte des limites de leur mission d'ordre purement médical, les experts ont rédigé un rapport qui encourt l'annulation ; qu'en refusant d'ordonner l'annulation du rapport d'expertise du 29 septembre 1989, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Attendu que pour écarter la nullité de l'expertise psychiatrique, invoquée par le conseil de l'inculpée, au motif que celle-ci avait été interrogée sur les faits par les médecins, l'arrêt énonce que des experts psychiatres ne peuvent remplir leur mission sans examiner l'inculpée, " ce qui, compte tenu de leur spécialité, implique qu'ils lui posent des questions ", et " qu'en ce qui concerne les médecins, le dernier alinéa de l'article 164 du Code de procédure pénale déroge expressément aux règles relatives à l'interrogatoire de l'inculpée par les experts ", en les autorisant à poser les questions nécessaires à l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des conseils ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen ;
Qu'en effet, d'une part, les dispositions du dernier alinéa de l'article 164 du Code de procédure pénale ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6. 3 c de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont l'objet est d'assurer la défense devant les juridictions de jugement ;
Que, d'autre part, il ne résulte d'aucun des textes visés au moyen, ni d'aucun principe de procédure pénale, que l'accomplissement d'une mission d'expertise psychiatrique, relative à la recherche d'anomalies mentales susceptibles d'annihiler ou atténuer la responsabilité pénale du sujet, interdise aux médecins experts d'examiner les faits, d'envisager la culpabilité de l'inculpée, et d'apprécier son accessibilité à une sanction pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle la demanderesse a été renvoyée ; que la procédure est régulière, et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi.