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Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 1989), que M. X... et Mme Y..., uniques associés de la Société de production cinématographique Capi, ont réalisé, sous le titre Le 17e parallèle, un film qui relate la vie d'un village nord-vietnamien au cours de la " lutte pour la liberté " menée par ses habitants " contre l'impérialisme américain " ; que ce film a fait l'objet d'un contrat de coproduction conclu le 27 novembre 1967 par les sociétés Capi et Argos, convention qui donnait aussi mandat à la société Argos d'assurer la distribution du film en France et la vente à l'étranger ; qu'en 1985, la société Argos estima opportun, en raison de l'évolution de la situation politique au Viêt-nam, de faire précéder la projection du film de celle d'un " avertissement " rédigé par elle et dénonçant " l'illusion " dont témoignait cette oeuvre en 1967, et " l'avenir qui attendait l'ancienne Indochine : une servitude plus grande instituée par le totalitarisme communiste " ; que les deux réalisateurs lui proposèrent un texte différent, qui exprimait seulement leur " profond désaccord " avec la politique d'un pouvoir qui avait privé le peuple vietnamien de la liberté pour laquelle il avait lutté ; qu'après des réactions défavorables du public les réalisateurs firent connaître à la société Argos, en mars 1988, leur décision " d'interdire que leur film puisse être précédé ou suivi de tout avertissement émanant de quiconque ", et de voir cette oeuvre " diffusée telle qu'elle a été conçue et arrêtée dans sa version définitive " ; que la société Argos demanda au juge des référés, puis au tribunal de grande instance jugeant au fond, de l'autoriser à céder ses droits sur le film après y avoir inclus les deux avertissements précités ; que l'arrêt, statuant sur l'appel formé contre les deux décisions ayant débouté la société Argos, les a confirmées, et a, en outre, prononcé la résiliation du contrat de production du 27 novembre 1967, la distribution du film devant être désormais assurée par un administrateur judiciaire ;
Attendu qu'à l'appui de son pourvoi la société Argos soutient que " tout élément susceptible d'avoir une incidence sur l'oeuvre ne constitue pas forcément une atteinte illégitime au droit moral de l'auteur dès lors qu'il peut être justifié par des circonstances particulières, telles que des impératifs techniques, les réactions du public ou la nécessité d'une mise à jour, pourvu que l'oeuvre ne soit pas dénaturée et le jugement du spectateur faussé " ; qu'elle en conclut qu'en omettant de rechercher si l'avertissement litigieux n'était pas justifié par les événements historiques postérieurs à la création de l'oeuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu que, c'est exclusivement à l'auteur d'une oeuvre de l'esprit qu'il appartient d'y apporter, s'il l'estime utile, toute adjonction ou modification destinée à expliciter la signification et la portée qu'il conviendrait de lui donner ; que la cour d'appel a donc jugé à bon droit qu'en l'absence de tout impératif technique elle ne pouvait, sans porter atteinte au droit moral de l'auteur autoriser la société Argos, chargée d'assurer la distribution du film, à passer outre à la volonté expresse des réalisateurs pour inclure dans le générique un texte de nature, selon elle, à situer l'oeuvre dans son contexte historique et à en donner une interprétation rétrospective ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi