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Sur le premier moyen :
Vu l'article 15-II de la loi du 20 juillet 1988 ;
Attendu que M. X..., attaché commercial au service de la société Shell, avait les qualités de délégué syndical et de représentant syndical auprès du comité d'entreprise ; qu'après une autorisation donnée le 15 novembre 1985 par l'inspecteur du Travail, il a été licencié pour faute le 20 novembre 1985 ; que cette autorisation ayant été annulée par le tribunal administratif le 26 mai 1987, M. X... a réclamé, le 7 août 1987, sa réintégration, conformément à l'article L. 412-19 du Code du travail, mais en vain ; qu'il était licencié à nouveau le 20 janvier 1988, après une autorisation donnée le 18 janvier 1988 par l'inspecteur du Travail, au motif qu'il était absent depuis le 7 août 1987 ; que cette autorisation était annulée, sur recours hiérarchique, par le ministre du Travail le 21 mars 1988 ; qu'alors qu'aucune réintégration n'avait été effectuée, le salarié était licencié, une troisième fois, le 8 avril 1988, après que l'inspecteur du Travail eut indiqué qu'il n'avait pas d'autorisation à donner puisque M. X... n'avait plus la qualité de salarié protégé ; que l'intéressé, après l'intervention de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, a demandé sa réintégration sur le fondement de l'article 15-II de cette loi et, après refus de la société Shell, a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour décider de surseoir à statuer sur la demande de réintégration de M. X... à la suite de son licenciement du 20 novembre 1985, la cour d'appel énonce que le litige portant sur le licenciement intervenu le 20 novembre 1985 n'est pas clos puisque le Conseil d'Etat est toujours saisi de ce contentieux ; que, dès lors, si M. X... peut se prévaloir de la nullité de son licenciement pour solliciter sa réintégration, ce qu'il a fait le 7 août 1987, il ne peut, à l'heure actuelle, se prévaloir des dispositions de l'article 15 de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 pour obtenir aussi sa réintégration, ne pouvant au regard de la situation précitée se considérer comme un salarié licencié puisqu'en l'état son licenciement est nul et de nul effet ;
Attendu cependant que le juge prud'homal est seul compétent pour statuer sur la demande de réintégration fondée sur l'amnistie et qu'il lui appartient de rechercher, que l'autorisation administrative ait été ou non accordée et quelle que soit la décision du juge administratif saisi d'un recours contre cette autorisation, si les conditions légales de la réintégration sont remplies ; qu'en prononçant un sursis à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'Etat, la cour d'appel a méconnu sa propre compétence et violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 15-II de la loi du 20 juillet 1988 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de réintégration à la suite de son licenciement du 8 avril 1988, la cour d'appel énonce qu'il a été licencié pour absence injustifiée depuis le 7 août 1988 et que cette faute n'a pas été commise à l'occasion de sa fonction de délégué syndical ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié soutenait que son absence était due à son licenciement prononcé le 20 novembre 1985 et au défaut de réintégration dans l'entreprise, malgré l'annulation de l'autorisation de licenciement donné par l'inspecteur du Travail, la cour d'appel, qui ne pouvait isoler le licenciement du 8 avril 1988 des deux précédents licenciements, non suivis de réintégration, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen