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28/02/1991 | FRANCE | N°90-81888

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 1991, 90-81888


REJET des pourvois formés par :
- X... Jean agissant en qualité de représentant de la société Le Point Cardinal,
- Y... agissant en qualité de représentant de la société Y...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre A, en date du 8 janvier 1990, qui les a déboutées de leurs demandes après avoir relaxé Jean-Luc Z... et René A..., prévenus de débit d'ouvrages contrefaisants.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation pri

s de la violation des articles 425 et 427 du Code pénal, 1382 du Code civil, 591 et 593 du...

REJET des pourvois formés par :
- X... Jean agissant en qualité de représentant de la société Le Point Cardinal,
- Y... agissant en qualité de représentant de la société Y...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre A, en date du 8 janvier 1990, qui les a déboutées de leurs demandes après avoir relaxé Jean-Luc Z... et René A..., prévenus de débit d'ouvrages contrefaisants.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 425 et 427 du Code pénal, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite du chef de débit d'oeuvres contrefaisantes avec la circonstance d'habitude et a débouté en conséquence les parties civiles de leurs demandes indemnitaires ;
" aux motifs que suivant plainte déposée le 26 novembre 1984 par Jean X..., partie civile, les prévenus ont été renvoyés par ordonnance du juge d'instruction du 7 août 1986 devant le tribunal de grande instance de Paris sous la prévention d'avoir débité, avec la circonstance d'habitude, des ouvrages contrefaits, en l'espèce des aquarelles et encres de Chine d'Henri Michaux (articles 425 et 427 du Code pénal) ; que, des expertises ordonnées avant dire droit par le Tribunal, il ressort que 31 des 32 signatures attribuées à Henri Michaux sont apocryphes et que les papiers servant de support aux oeuvres censées relever de la période 1947-1953 avaient été fabriqués en mars 1984 et artificiellement vieillis pour certaines fausses aquarelles ; que Z... reconnaît avoir vendu tant à M. X... (galerie Le Point Cardinal) qu'à M. Y... (galerie Y...) les aquarelles et encres de Chine visées à la prévention ; qu'il ne conteste pas que ces oeuvres soient des contrefaçons ; qu'il affirme cependant qu'il en ignorait le caractère contrefaisant ; que pour retenir ce prévenu dans les liens de la prévention, le Tribunal a essentiellement retenu que Z... s'est présenté à ses acheteurs sous un pseudonyme " B... ", indiquant à ceux-ci que les oeuvres, par ailleurs écoulées en 15 ventes successives, provenaient de la collection d'un " vieux médecin d'Enghien " qui les avait conservées dans un carton ; que ce comportement ajouté à l'ensemble d'allégations mensongères émanant d'un professionnel du négoce des oeuvres d'art a convaincu le Tribunal de la mauvaise foi de Z... ; qu'au contraire, la Cour relève que, dès qu'il fut en possession de la première aquarelle de Michaux et avant de la proposer à la vente, Z... est allé consulter M. X... afin de recueillir son opinion d'expert sur l'oeuvre et lui demander un certificat d'authenticité s'il estimait l'oeuvre de la main de Michaux ; que non seulement M. X... ne fit aucune réserve sur l'authenticité des différentes aquarelles que lui apporta Z... mais se porta éventuellement acquéreur d'autres oeuvres de ce même peintre ; que de l'aveu même de X... qui, seul à Paris, délivrait les certificats d'authenticité des oeuvres d'Henri Michaux dont il était l'ami et l'expert, les aquarelles furent par lui montrées au peintre qui déclara reconnaître ses oeuvres et décida sur deux d'entre elles de modifier l'emplacement des signatures ; que M. X... a précisé à l'audience du 17 février 1987 du tribunal de grande instance : " Je n'ai pas été alarmé quand B... m'a apporté ces oeuvres. Je suis compagnon de Michaux. Je m'occupe de son oeuvre et parfois je vois ressurgir des oeuvres anciennes (...) ; quand j'ai vu ces oeuvres anciennes d'allure, je les ai montrées à Michaux qui m'a dit que c'était ancien. Pour lui elles étaient bonnes ; j'ai été victime du trop rapide examen de Michaux " ; considérant par ailleurs que M. Y... a indiqué au magistrat instructeur : " J'ai retenu cinq aquarelles signées Michaux que j'ai présentées à X... Il m'a dit qu'il s'agissait d'oeuvres authentiques. J'ai donc décidé de les acheter " ; que la Cour constate que les transactions ainsi effectuées sont financièrement transparentes ; considérant enfin qu'Alain C... indique à M. Y..., son vendeur : " Je viens d'apprendre par M. X... que les trois oeuvres de Michaux que vous m'avez vendues sont des faux. M. X... reconnaît en effet s'être trompé à leur sujet lorsque vous lui avez montré les oeuvres en mai dernier " (lettre du 10 octobre 1984) ; considérant que la Cour estime que le fait pour Z... de s'être présenté sous un nom à particule, en l'espèce celui de sa mère, ou d'avoir affirmé une inscription imaginaire au registre du commerce, ne peut, dans le cadre des faits de la prévention, être retenu comme un élément de la connaissance qu'il avait eue de l'origine contrefaisante des oeuvres ; que pas davantage ne peut être retenu contre Z... le fait d'avoir tu à son acheteur le nom de son vendeur, pratique commerciale courante afin de rester l'intermédiaire obligé des transactions futures ; qu'en effet ce comportement n'a pu en aucune façon influencer l'opinion d'un expert auquel il était seulement demandé, en tant qu'homme de l'art, de se prononcer sur l'authenticité d'une oeuvre ; que la Cour estime en conséquence qu'il subsiste un doute en ce qui concerne la connaissance par Z... du caractère contrefaisant des oeuvres litigieuses ; que A..., qui a fourni les pièces litigieuses à Z..., a toujours contesté avoir eu connaissance de ce que les oeuvres étaient contrefaisantes ; que D... mis en cause par A... a toujours contesté avoir été le fournisseur originaire des oeuvres et a été définitivement relaxé au bénéfice du doute ; que l'information n'a pu établir ni l'origine des oeuvres litigieuses, ni la connaissance par A... de leur caractère contrefaisant ; qu'il convient également de relaxer A... et de débouter les parties civiles de leurs demandes (arrêt p. 4 à 7) ;
" 1°) alors que, d'une part, une présomption de mauvaise foi est attachée au débit d'une oeuvre contrefaisante suivant l'article 425 du Code pénal ;
" 2°) alors que, d'autre part, en l'état des motifs retenus par les premiers juges qui avaient retenu la mauvaise foi de Z..., courtier en oeuvres d'art, lequel s'était présenté sous un pseudonyme et avait allégué une inscription imaginaire au registre du commerce pour présenter à M. X..., spécialiste de l'oeuvre du peintre et poète Henri Michaux, diverses aquarelles et oeuvres signées par cet artiste mais dont la provenance (collection d'un vieux médecin d'Enghien-les-Bains) a d'abord fait l'objet d'un mensonge circonstancié de la part du courtier qui, ensuite, s'est refusé à fournir la moindre indication sérieuse sur l'origine des oeuvres, la Cour ne pouvait, sans autrement réfuter les énonciations des premiers juges, affirmer que la mauvaise foi du courtier professionnel n'était pas établie ; qu'en effet, le mensonge avéré de Z... puis la réticence dolosive de ce dernier sont exclusifs de la bonne foi normalement attendue d'un courtier professionnel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors que, de troisième part, l'imprudence de l'acquéreur qui, induit en erreur par le courtier, s'est borné à donner un avis verbal positif sur l'authenticité des oeuvres attribuées à Henri Michaux, ne fait pas disparaître la mauvaise foi du courtier et de son fournisseur dont les indications mensongères puis le silence-relevés par la Cour-ne permettaient pas en tout état de cause l'établissement de véritables certificats d'authenticité, d'ailleurs non délivrés en l'espèce ; qu'en affirmant dès lors la bonne foi des prévenus quand l'attitude de ceux-ci faisait précisément obstacle à toute authentification réelle, la Cour a derechef privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'en 1984, Jean-Luc Z..., courtier en oeuvres d'art, a vendu aux galeries Le Point Cardinal et Y..., comme étant d'Henri Michaux, des aquarelles et encres de Chine dont l'inauthenticité a été établie par expertises ; que, sur la plainte des acquéreurs, des poursuites du chef de débit d'ouvrages contrefaisants ont été exercées contre le vendeur et contre René A..., de qui il tenait les oeuvres litigieuses ;
Attendu qu'après avoir exactement énoncé que, si une présomption de mauvaise foi s'attache à la contrefaçon elle-même, il n'en est pas de même à l'égard des infractions de débit, d'exportation et d'importation d'ouvrages contrefaisants, les juges d'appel retiennent, pour relaxer les prévenus au bénéfice du doute et débouter les parties civiles, qu'avant de proposer les oeuvres à la vente Jean-Luc Z... les a présentées à Jean X..., gérant de la société Le Point Cardinal, sollicitant son avis sur leur authenticité ; qu'ils ajoutent que ce dernier, qui délivrait les certificats d'authenticité des oeuvres d'Henri Michaux dont il était l'ami et l'expert, non seulement n'a émis aucune réserve sur les oeuvres présentées, mais encore s'est porté éventuellement acquéreur d'autres oeuvres du même peintre ; qu'ils relèvent encore que les paiements effectués par chèques ont été régulièrement inscrits en comptabilité par Jean-Luc Z..., qui en a délivré reçu ; qu'ils écartent enfin, comme non démonstratives de la connaissance qu'auraient eue les prévenus de la fausseté des oeuvres, certaines affirmations mensongères ou réticences qui leur étaient imputées par les parties civiles ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et procédant de l'appréciation souveraine des éléments de preuve relatifs notamment à la bonne ou à la mauvaise foi des prévenus, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués au moyen, lequel, dès lors, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-81888
Date de la décision : 28/02/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONTREFAçON - Propriété littéraire et artistique - OEuvres de l'esprit (loi du 11 mars 1957) - Débit d'ouvrages contrefaisants - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Présomption (non)

CONTREFAçON - Propriété littéraire et artistique - OEuvres de l'esprit (loi du 11 mars 1957) - Exportation d'ouvrages contrefaisants - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Présomption (non)

CONTREFAçON - Propriété littéraire et artistique - OEuvres de l'esprit (loi du 11 mars 1957) - Importation d'ouvrages contrefaisants - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Présomption (non)

Si une présomption de mauvaise foi s'attache à la contrefaçon elle-même, il n'en est pas de même à l'égard des infractions de débit, d'exportation et d'importation d'ouvrages contrefaisants (1).


Références :

Code pénal 425, 427

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Contra : Chambre des requêtes, 1847-06-16 D.P. 1847, 1, 253 ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1981-05-06 D.S. 1982, inf. rap., p. 48 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 1991, pourvoi n°90-81888, Bull. crim. criminel 1991 N° 103 p. 258
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 103 p. 258

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat(s) : Avocat :M. Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.81888
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