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18/02/1991 | FRANCE | N°89-86513

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 février 1991, 89-86513


REJET des pourvois formés par :
1° la société Transit service international Goiran,
2° la société Walon,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 1989 qui, pour contravention douanière visée à l'article 411.1° du Code des douanes, les a condamnées solidairement à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen additionnel de la société TSI Goiran et pris de la violation du principe de la personn

alité des peines et du caractère limitatif de la saisine du Tribunal :
" en ce que l'arrêt...

REJET des pourvois formés par :
1° la société Transit service international Goiran,
2° la société Walon,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 1989 qui, pour contravention douanière visée à l'article 411.1° du Code des douanes, les a condamnées solidairement à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen additionnel de la société TSI Goiran et pris de la violation du principe de la personnalité des peines et du caractère limitatif de la saisine du Tribunal :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé contre le civilement responsable une condamnation au principal à l'amende ;
" alors que, d'une part, la société TSI Goiran, ayant été citée comme civilement responsable et non comme prévenue, ne pouvait faire l'objet d'aucune condamnation à l'amende ;
" alors que, d'autre part, en prononçant condamnation à amende contre une personne morale, les juges du fait ont méconnu le caractère personnel des peines " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Transit service international Goiran, commissionnaire en Douane agréé, prise en la personne de son représentant légal, a été, à la requête de l'administration des Douanes, citée directement devant la juridiction de police pour y répondre d'une infraction douanière ; que, sur appel de la partie poursuivante du jugement de relaxe, la cour d'appel a retenu la responsabilité de ladite société et l'a condamnée solidairement avec d'autres à des pénalités douanières ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la société TSI Goiran a été assignée à comparaître devant la cour d'appel en qualité de civilement responsable, cette erreur matérielle qui n'affecte qu'un acte d'ajournement est sans effet sur la saisine des juges, définie au premier degré par la citation directe initiale et dévolue au second degré par l'acte d'appel ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen de cassation proposé par la société TSI Goiran et pris de la violation des articles 4, 125, 140 et 141, 392, 295, 396, 407 et 411 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la demanderesse coupable d'irrégularités, lors d'importations et d'exportations de magnétoscopes en provenance du Japon, qui auraient eu pour but ou résultat de compromettre le recouvrement de droits et taxes, la condamnant à payer la somme de 331 085 francs au titre de ces droits et taxes, et la même somme à titre d'amende ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne l'acquisition de biens au titre exportation par les travailleurs étrangers ayant séjourné en France, regagnant définitivement leur pays, titulaires d'une autorisation provisoire de séjour délivrée par les services du commissariat de la République et d'une attestation de départ définitif des autorités consulaires de leur pays d'origine, la réglementation applicable est le texte n° 84-155 DA du 13 août 1984 paru au bulletin officiel des Douanes réglementant les relations financières avec l'étranger ; que ce régime était le seul applicable aux acheteurs de magnétoscopes des galeries Pelletan qui ont produit les documents administratifs ci-dessus décrits ; que la seule exonération dont bénéficient ces travailleurs étrangers vise la taxe sur la valeur ajoutée et le paiement en francs intérieurs français ; que, dès lors, les ventes de magnétoscopes par les galeries Pelletan effectuées en France auraient dû avoir lieu aux conditions du marché intérieur après acquittement des droits et taxes exigibles en France pour ces appareils ; que les galeries Pelletan ayant importé les magnétoscopes auraient dû, pour les commercialiser en France, acquitter les droits de douane et les différentes taxes prévues pour ces marchandises, et également satisfaire aux mesures de prohibition édictées pour l'entrée des magnétoscopes en France ; que le détournement de procédure utilisé par les galeries Pelletan et par les sociétés transitaires Goiran et Walon, commissionnaires en Douane agréés, responsables des opérations en douane effectuées, démontrent suffisamment leur intention frauduleuse car la mise au point d'une telle construction suppose une connaissance parfaite de la réglementation douanière et une volonté manifeste de la contourner (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
" alors que 1° il résulte de la combinaison des articles 125 et 140 du Code des douanes que les marchandises expédiées en transit ou placées en entrepôts soumis au contrôle de l'administration des Douanes, comme les magasins et aires de dédouanement, bénéficient de la suspension des droits et taxes applicables à ces marchandises ; que ces marchandises sous douane, destinées à la réexportation et qui ne sont donc pas entrées sur le territoire français, peuvent donc être vendues à des étrangers non-résidents, sans acquittement des droits et taxes exigibles en France pour ces appareils ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que 2° au surplus, dans ses conclusions d'appel (p. 6 in fine) et à titre subsidiaire, la demanderesse avait démontré qu'en tout état de cause les marchandises litigieuses auraient pu parfaitement être réexportées sur l'étranger, en hors taxes, après avoir acquitté les droits de douane, ce qui, en l'espèce, ramènerait la réclamation des Douanes de 331 085 francs à 59 911 francs ; qu'en condamnant néanmoins la demanderesse à payer la somme de 331 085 francs au titre des droits et taxes, et à la même somme au titre de l'amende, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Sur le premier moyen additionnel de cassation, proposé par la même demanderesse et pris de la violation de l'article 411 du Code des douanes et de l'article 23, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1987, abrogeant l'article 369.2° du Code des douanes, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société demanderesse coupable d'infraction douanière prévue par les articles 395, 396, 407, 411 et 392 du Code des douanes ;
" au motif que le détournement de procédure utilisé par la prévenue démontre suffisamment son intention frauduleuse, la mise au point d'une telle construction supposant une connaissance parfaite de la réglementation douanière et une volonté de la contourner ;
" alors que tout prévenu est en droit d'apporter la preuve de sa bonne foi, même en matière de douane, et qu'en décidant que le détournement de procédure imputé faisait la preuve de la mauvaise foi, sans la caractériser, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt qui doit être cassé " ;
Sur le premier moyen de cassation produit par la société Walon et pris de la violation des articles 4, 125, 140 et 411 du Code des douanes, de l'article 4 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Walon coupable des infractions douanières prévues par les articles 395, 396, 411, 407 et 392 du Code des douanes ;
" aux motifs que des magnétoscopes importés du Japon par la société les galeries Pelletan de Marseille ont été placés dans les magasins et aires de dédouanement de la société Walon, commissionnaire en douane agréé, après avoir été placés en entrepôt douanier au Havre et acheminés sous le régime de transit national ; que les magnétoscopes, après avoir fait l'objet d'une déclaration modèle S 62 pour leur entrée en magasin, ont été revendus, avant leur départ du territoire français à des travailleurs étrangers détenteurs d'autorisation provisoire de séjour et d'une attestation de départ définitif du territoire français ; que les marchandises ont fait l'objet, pour leur exportation, d'une déclaration modèle EX ES6 ; que la seule exonération dont bénéficient ces travailleurs étrangers, en vertu du texte n° 84-155 DA du 13 août 1984, vise la taxe à la valeur ajoutée et le paiement en francs intérieurs français ; que la vente des magnétoscopes aurait donc dû avoir lieu aux conditions du marché intérieur après acquittement des droits et taxes exigibles en France pour ces appareils et satisfaire aux mesures de prohibition édictées pour l'entrée des magnétoscopes en France (visa préalable du ministère de l'Industrie) (cf. arrêt p. 5 et p. 6) ;
" 1° alors qu'il résulte de la combinaison des articles 125 et 140 du Code des douanes que des marchandises qui quittent le territoire français sans avoir cessé d'être placées sous le régime suspensif des douanes ne peuvent donner lieu à la perception des droits frappant les marchandises qui entrent sur le territoire douanier ;
" qu'ayant constaté que, jusqu'à leur sortie du territoire français, les magnétoscopes remis aux travailleurs étrangers sur le lieu même de leur embarquement et de sortie du territoire étaient restés placés sous le régime suspensif des droits, la cour d'appel devait en déduire que les marchandises ne pouvaient être regardées comme étant entrées sur le territoire douanier et n'étaient pas soumis aux diverses obligations résultant de la législation douanière ;
" qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les texte susvisés ;
" 2° alors qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si les magnétoscopes, sortis du territoire français sans avoir cessé d'être placés sous un régime suspensif des droits, pouvaient être regardés comme ayant pénétré sur le territoire douanier au sens de l'article 4 du Code des douanes ;
" qu'en énonçant, sans procéder à cette recherche, que les travailleurs étrangers titulaires d'une autorisation provisoire de séjour et d'une attestation de départ définitif bénéficiaient seulement d'une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'obligation de payer en francs intérieurs français, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
" 3° alors que le principe de la légalité des infractions et des peines interdit au juge de prononcer une condamnation pénale sur le fondement d'un texte sans caractère légal et que seule une infraction aux lois et aux règlements que l'administration des Douanes est chargée d'appliquer peut donner lieu aux sanctions prévues par le Code des douanes ;
" que pour déclarer l'infraction constituée, la cour d'appel a considéré qu'une décision du 13 août 1984, publiée au bulletin officiel des Douanes et relative à l'acquisition de biens hors taxe par des travailleurs étrangers qui rejoignent leur pays d'origine, seule applicable en l'espèce, n'exonérait ces travailleurs que de la TVA et du paiement en francs français et ne les dispensait pas des autres obligations prévues par la législation et la réglementation douanière ;
" qu'en se fondant ainsi sur une simple doctrine administrative, non publiée au Journal officiel et dépourvue de tout caractère légal ou réglementaire, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code pénal et l'article 411 du Code des douanes " ;
Sur le second moyen de cassation produit par la même demanderesse et pris de la violation de l'article 411 du Code des douanes et de l'article 23, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1987 ayant abrogé l'article 369.2° du Code des douanes, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Walon coupable des infractions douanières prévues par les articles 395, 396, 411, 407 et 392 du Code des douanes ;
" aux motifs que le détournement de procédure utilisé par (les prévenus) démontre suffisamment leur intention frauduleuse car la mise au point d'une telle construction suppose une connaissance parfaite de la réglementation douanière et une volonté manifeste de la contourner (cf. arrêt p. 6, paragraphe 2) ;
" alors que le prévenu d'une infraction douanière est en droit d'apporter la preuve de sa bonne foi ;
" qu'en décidant que le détournement de procédure qu'elle a imputé aux prévenus établissait, en lui-même, la preuve de la mauvaise foi et en s'abstenant ainsi de caractériser l'intention frauduleuse ayant animé la société Walon, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux des Douanes, base de la poursuite, qu'à la suite de l'acquisition par la Société des galeries Pelletan de magnétoscopes importés du Japon qui, initialement placés en entrepôt douanier au Havre, ont été acheminés sous le régime du transit national à Marseille où ils ont été stockés, avant leur réexportation, dans les magasins et aires de dédouanement de la société Transit service international Goiran (TSI Goiran) et de la société Walon, toutes deux commissionnaires en Douane agréés, ces dernières notamment ont été citées directement devant la juridiction de police du chef d'irrégularités au regard des dispositions des lois et règlements douaniers ayant eu pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque, infraction prévue et réprimée par l'article 411.1° du Code des douanes ;
Attendu que pour retenir lesdites sociétés dans les liens de la prévention, la cour d'appel relève que, pendant leur séjour en magasins et aires de dédouanement, les magnétoscopes ont été revendus à des étrangers en instance de retour définitif dans leur pays d'origine et sont sortis en vue de leur exportation sous le couvert, pour la société Walon, d'une " déclaration de réexportation en suite d'entrepôt de stockage " (modèle EX ES6), et pour la société TSI Goiran, d'un " titre de transit communautaire externe " (modèle T1) ; que les juges d'appel retiennent que les galeries Pelletan ayant ainsi procédé en France à la commercialisation de ces magnétoscopes, ces opérations auraient dû avoir lieu aux conditions du marché intérieur après acquittement des divers droits de douane et taxes exigibles en France pour ces appareils ; que les juges soulignent que le détournement de procédure utilisé notamment par les sociétés Walon et TSI Goiran, commissionnaires en Douane agréés, responsables des opérations en douane effectuées par leurs soins au sens de l'article 396 du Code des douanes, ne permet pas de reconnaître leur bonne foi, dès lors que la mise au point d'un tel processus suppose une connaissance parfaite de la réglementation douanière et une volonté manifeste de la contourner ; qu'enfin les juges constatent que les irrégularités commises ont eu pour effet d'éluder le recouvrement des droits et taxes d'un montant de 331 083 francs pour la société TSI Goiran ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations déduites d'une appréciation souveraine par les juges du second degré des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, et abstraction faite d'une référence à la décision administrative n° 84-155 du 13 août 1984 prise en matière cambiaire et dès lors sans incidence au regard des irrégularités purement douanières constatées, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait à l'exception de bonne foi dont se prévalaient les prévenus, a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que les moyens réunis ne sauraient être accueillis en aucune de leurs branches ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-86513
Date de la décision : 18/02/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Citation - Cour d'appel - Citation délivrée à une société considérée à tort comme civilement responsable - Saisine - Effet.

1° DOUANES - Procédure - Appel correctionnel - Appel de l'Administration - Citation du prévenu - Société prise en la personne de son représentant légal - Erreur matérielle - Citation en qualité de civilement responsable - Effet 1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Citation - Cour d'appel - Acte d'ajournement.

1° L'erreur matérielle portée sur la citation à comparaître devant la cour d'appel d'une société désignée à tort comme civilement responsable, alors qu'elle était initialement poursuivie pour y répondre d'une infraction douanière, est sans effet sur la saisine des juges, définie au premier degré notamment par la citation directe initiale et dévolue au second degré par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant

2° DOUANES - Contraventions - Contravention prévue par l'article 411 - 1° du Code des douanes - Eléments constitutifs - Elément matériel.

2° Constitue l'infraction prévue et réprimée par l'article 411.1° du Code des douanes le fait que des marchandises, initialement importées du Japon et placées en entrepôt douanier, puis acheminées sous le régime du transit national dans des magasins et aires de dédouanement où elles ont été stockées, ont été, pendant leur séjour en ces lieux, vendues avant leur réexportation, à des étrangers en instance de retour définitif dans leur pays d'origine, circonstances qui, en l'absence de déclaration de mise à la consommation et d'acquittement des droits de douanes et taxes devenus dès lors exigibles en raison de ces opérations de commercialisation en France, caractérisent les irrégularités visées audit texte


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre correctionnelle), 14 juin 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 fév. 1991, pourvoi n°89-86513, Bull. crim. criminel 1991 N° 84 p. 210
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 84 p. 210

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction. -
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bayet
Avocat(s) : Avocats :M. Henry, la SCP Fortunet et Matteï-Dawance, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:89.86513
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