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13/12/1990 | FRANCE | N°87-83532

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 décembre 1990, 87-83532


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Joseph,
- Y... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 19 mai 1987, qui, après leur condamnation pour contravention à l'article R. 34. 2° du Code pénal, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Joseph X... et pris de la violation des articles R. 213-4 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, 593 d

u Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour é...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Joseph,
- Y... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 19 mai 1987, qui, après leur condamnation pour contravention à l'article R. 34. 2° du Code pénal, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Joseph X... et pris de la violation des articles R. 213-4 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour était composée notamment de " Mme Bujoli, conseiller désigné pour présider par ordonnance du premier président en date du 31 décembre 1986 ;
" alors que, en vertu des articles R. 213-4 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, l'arrêt doit mentionner non seulement le mode de désignation du magistrat appelé à remplacer le président, mais encore l'empêchement de ce dernier ; que l'arrêt attaqué s'est borné à indiquer que Mme Bujoli avait été désignée pour présider par ordonnance du premier président en date du 31 décembre 1986 ; qu'en omettant dès lors de préciser que le président titulaire était empêché, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que l'arrêt attaqué indique que la cour d'appel était composée notamment de " Mme Bujoli, conseiller désigné pour présider, par ordonnance du premier président en date du 31 décembre 1986 " ;
Attendu que ces mentions suffisent à établir que ce magistrat a été régulièrement appelé à la présidence en l'empêchement du titulaire ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Joseph X... et pris de la violation des articles 10, alinéa 2, du Code de procédure pénale, 16 et 276 du nouveau Code de procédure civile, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X..., in solidum avec M. Y... à payer à M. Z... la somme de 304 390 francs ;
" aux motifs qu'" en la cause, si l'expert a sainement apprécié le préjudice subi par Z... en ce qui concerne la mortalité, il a commis une erreur en évaluant la période de lactation à 11 mois par an et en chiffrant sur cette base le préjudice ; qu'il convient d'évaluer plus justement cette période ; que la Cour possède les éléments suffisants d'information pour dire que celle-ci s'établit en moyenne sur 210 jours par an et non sur 334 jours comme le dit l'expert ; qu'il sera tenu compte de cette donnée pour établir le préjudice subi, tout en retenant comme valables les autres éléments fournis par l'expert ; que la perte des 98 brebis a été justement évaluée à 39 200 francs ; qu'il en est de même pour les 13 agnelles estimée à 4 550 francs et pour les 72 agneaux d'une valeur de 14 400 francs ; qu'en ce qui concerne les 12 brebis qui ont été achetées avec la somme de 5 000 francs versée à titre de provision en décembre 1984, il faut estimer que la perte subie depuis leur destruction (qui, il faut le rappeler, a eu lieu un an auparavant en décembre 1983) doit s'établir sur 210 jours de lactation, soit 12 brebis x 210 jours x 4, 50 francs de lait 11 340 francs ; que la période de lactation perdue pour les 87 brebis restantes s'étale de janvier 1984 au 6 juillet 1986, soit en tenant compte de notre calcul à raison de 210 jours en 1984, 210 jours en 1985 et 180 jours en 1986, au total 600 jours ; que la perte subie pendant cette période s'élève dès lors à 87 brebis x 600 jours x 4, 50 francs de lait par brebis et par jour, soit au total 234 900 francs ; que le préjudice subi par Z... s'élève donc à : 39 200 francs 5 500 francs 14 400 francs 234 900 francs 304 990 francs ; que l'importance de cette somme s'explique par le fait que X... et Y... ont refusé d'indemniser le préjudice en refusant la première demande de Z... qui était justifiée ; qu'il doit être également retenu que le préjudice subi n'est évalué que jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, soit du 4 juillet 1986 ; " qu'à partir de cette date, le préjudice subi par Z... sera fonction du coût du lait et des sommes versées à titre de provision et qui auront servi à acheter du cheptel " ;
" alors que, dans ses conclusions d'appel régulièrement déposées le 28 janvier 1987, X... faisait valoir que l'expert avait méconnu le caractère contradictoire de ses opérations en s'abstenant de lui communiquer et le contenu de son rapport, et les pièces produites par M. Z... ; ce qui l'avait empêché de faire valoir ses observations concernant notamment le nombre de bêtes tuées ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à entraîner la nullité de l'expertise, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé pour Jean-Pierre Y... et pris de la violation des articles 10, alinéa 2, du Code de procédure pénale, 16 et 276 du nouveau Code de procédure civile, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y..., in solidum avec X..., à payer la somme de 304 390 francs à M. Z... ;
" aux motifs que " les conclusions d'un expert ne lient pas les juges " ;
" que si certains éléments d'information permettant de trancher le litige, peuvent être retenus, il est possible dans le même rapport, d'en écarter d'autres ;
" attendu qu'en la cause, si l'expert a sainement apprécié le préjudice subi par Z... en ce qui concerne la mortalité il a commis une erreur en évaluant la période de lactation à 11 mois par an et en chiffrant sur cette base le préjudice ;
" attendu qu'il convient d'évaluer plus justement cette période ;
" que la Cour possède les éléments suffisants d'information pour dire que celle-ci s'établit en moyenne sur 210 jours par an et non sur 334 jours comme le dit l'expert ;
" attendu dès lors qu'il sera tenu compte de cette donnée pour établir le préjudice subi, tout en retenant comme valables les autres éléments fournis par l'expert ;
" alors que pour assurer le respect du principe du contradictoire, l'expert doit communiquer à chaque partie les documents sur lesquels il fonde son rapport pour leur permettre de fournir leurs observations ; qu'en l'espèce, les conclusions d'appel de M. Z... reprochaient à l'expert d'avoir déposé son rapport sans lui avoir communiqué les pièces produites par l'adversaire, non plus d'ailleurs que le contenu dudit rapport, le mettant ainsi dans l'impossibilité de fournir ses dires et observations, lesquels concernaient notamment un différend très important sur le nombre des animaux tués ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges sont tenus de répondre aux conclusions dont ils ont été régulièrement saisis ;
Attendu que par conclusions régulièrement déposées, visées par le président et le greffier, les prévenus avaient invoqué la nullité de l'expertise pour défaut de caractère contradictoire en faisant valoir que les pièces produites par la partie civile ne leur avaient pas été communiquées par l'expert et qu'ainsi ils n'avaient pas été en mesure de présenter des observations à leur sujet ;
Attendu qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions alors qu'en application de l'article 10, alinéa 2, du Code de procédure pénale l'expertise était soumise aux dispositions de l'article 16 et 276 du nouveau Code de procédure civile concernant notamment l'obligation faite à l'expert de communiquer à une partie les pièces produites par la partie adverse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Qu'en conséquence, l'arrêt encourt la cassation ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Joseph X... et pris de la violation des articles 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué sur le seul appel de X... et de son coïnculpé, a porté à 304 390 francs le montant des dommages-intérêts alloués à M. Z..., dommages-intérêts qui avaient été fixés à la somme de 141 095 francs par le Tribunal ;
" aux motifs qu'" en la cause, si l'expert a sainement apprécié le préjudice subi par M. Z... en ce qui concerne la mortalité, il a commis une erreur en évaluant la période de lactation à 11 mois par an et en chiffrant sur cette base le préjudice ; qu'il convient d'évaluer plus justement cette période ; que la Cour possède les éléments suffisants d'information pour dire que celle-ci s'établit en moyenne sur 210 jours par an et non sur 334 jours comme le dit l'expert ; qu'il sera tenu compte de cette donnée pour établir le préjudice subi, tout en retenant comme valables les autres éléments fournis par l'expert ; que la perte des 98 brebis a été justement évaluée à 39 200 francs ; qu'il en est de même pour les 13 agnelles estimées à 4 550 francs et pour les 72 agneaux d'une valeur de 14 400 francs ; qu'en ce qui concerne les 12 brebis qui ont été achetées avec la somme de 5 000 francs versée à titre de provision en décembre 1984, il faut estimer que la perte subie depuis leur destruction (qui, il faut le rappeler, a eu lieu un an auparavant en décembre 1983) doit s'établir sur 210 jours de lactation, soit 12 brebis x 210 jours x 4, 50 francs de lait 11 340 francs ; que la période de lactation perdue, pour les 87 brebis restantes s'étale de janvier 1984 au 6 juillet 1986, soit en tenant compte de notre calcul à raison de 210 jours en 1984, 210 jours en 1985 et 180 jours en 1986, au total 600 jours ; que la perte subie pendant cette période s'élève dès lors à 87 brebis x 600 jours x 4, 50 francs de lait par brebis et par jour, soit au total 234 900 francs ; que le préjudice subi par Z... s'élève donc à : 39 200 5 550 14 400 francs 11 340 francs 234 900 francs 304 390 francs ; que l'importance de cette somme s'explique par le fait que X... et Y... ont refusé d'indemniser le préjudice, en refusant la première demande de Z... qui était justifiée ; qu'il doit être également retenu que le préjudice subi n'est évalué que jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, soit du 4 juillet 1986 ; qu'à partir de cette date, le préjudice subi par Z... sera fonction du coût du lait et des sommes versées à titre de provision et qui auront servi à acheter du cheptel " ;
" alors que la Cour ne peut, sur le seul appel du prévenu aggraver le sort de l'appelant, notamment en augmentant le montant des indemnités mises à sa charge depuis le jugement ; qu'en l'espèce, le Tribunal avait condamné X... à payer à M. Z... la somme de 141 095 francs ; que seul X..., avec son coïnculpé, ont interjeté appel de ce jugement ; qu'en condamnant dès lors X... à payer à la partie civile la somme de 304 390 francs, la cour d'appel a violé l'article 515 du Code de procédure pénale " ;
Et sur le second moyen de cassation proposé pour Jean-Pierre Y... pris de la violation des articles 515, 547 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, sur le seul appel de Y... et de son coïnculpé, a porté à la somme de 304 390 francs, le montant des dommages-intérêts alloués à la partie civile M. Z..., dommages-intérêts que le premier juge avait fixés à la somme de 141 095 francs ;
" alors que sur l'appel du prévenu seul, il est interdit à la cour d'appel d'aggraver le sort de l'appelant et notamment d'augmenter le montant des indemnités mises à sa charge en réparation d'un préjudice qui n'a pas été subi par la partie civile depuis la décision de première instance " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte du deuxième alinéa de l'article 515 du Code de procédure pénale, que les juges du second degré, saisis du seul appel du prévenu limité aux intérêts civils, ne peuvent aggraver son sort au profit de la partie civile non appelante ;
Attendu que Joseph X... et Jean-Pierre Y... ayant été déclarés entièrement responsables du dommage causé à Ange Z... par l'infraction dont ils avaient été déclarés coupables, le Tribunal a fixé le montant de l'indemnité qu'il les a condamnés à payer à ce dernier en réparation de son préjudice ;
Attendu qu'en augmentant comme elle l'a fait la somme accordée à Ange Z..., en l'absence de recours formé par lui, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susmentionné de la cour d'appel de Bastia, en date du 19 mai 1987, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-83532
Date de la décision : 13/12/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXPERTISE - Expertise sur les intérêts civils - Expertise ordonnée après jugement sur l'action publique - Caractère contradictoire - Nécessité

EXPERTISE - Caractère contradictoire - Communication des pièces - Communication des pièces produites par la partie adverse - Nécessité

DROITS DE LA DEFENSE - Expertise - Caractère contradictoire - Cas - Expertise sur les intérêts civils - Expertise ordonnée après jugement sur l'action publique

En application de l'article 10, alinéa 2, du Code de procédure pénale, l'expertise ordonnée par le juge pénal sur les seuls intérêts civils lorsqu'il a été statué sur l'action publique doit être contradictoire et est soumise aux dispositions des articles 16 et 276 du nouveau Code de procédure civile concernant notamment l'obligation faite à l'expert de communiquer à une partie les pièces produites par les parties adverses (1).


Références :

Code de procédure pénale 10 al. 2
nouveau Code de procédure civile 16, 276

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia (chambre correctionnelle), 19 mai 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1986-05-25 , Bulletin criminel 1986, n° 182, p. 466 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1988-05-03 , Bulletin criminel 1988, n° 190, p. 490 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 déc. 1990, pourvoi n°87-83532, Bull. crim. criminel 1990 N° 436 p. 1083
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 436 p. 1083

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Louise
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, M. Coutard, la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.83532
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